Ecrtit le 13 janvier 2010
Jean Claude Lamatabois, Yves Cosson
Voici un livre qui surprendra. Il réunit deux auteurs qui, à première vue, n’ont absolument rien de commun, sauf la passion de l’écriture. Ce livre à deux-voix et quatre-mains rassemble deux amis de toujours.
On ne présente pas Yves Cosson, poète nantais, « né-natif » de Châteaubriant, dont les textes poétiques enchantent les amoureux de leur ville et accompagnent les photos anciennes ou récentes.
Jean Claude Lamatabois
Jean-Claude Lamatabois, fils d’un ouvrier cheminot, est un citoyen-camarade de St Nazaire, poète, romancier, plasticien, musicien. c’est lui qui a suggéré ce dialogue d’amitié où l’on évoque la découverte du monde et des hommes par deux jeunes rêveurs que la vie précipitera dans la double horreur de cette apocalypse qui a embrasé le siècle.
Le jeune baroudeur qui jouait l’aventurier à la manière de Rimbaud, va subir dans sa chair la folie des hommes. Victime des premiers essais nucléaires français, il est irradié à Mururoa. Sa vie est un douloureux défi à la mort. Devenu officier de Marine marchande pendant trente ans, « il naviguera au long cours » à travers les continents. Mais ces dernières semaines encore, il fit un séjour prolongé en « chambre stérile » pour une auto-greffe.
Il rappelle ces jours bénits où, en allant à l’école, il trébuchait sur une morue salée, échouée à terre. « Je portais à bouts de bras, triomphant, la trouvaille à ma mère, qui nous en ferait un bon plat, peut-être deux repas » . « Longtemps je crus que les morues tombaient en don du ciel », mais c’étaient les mains généreuses de l’homme conduisant le petit train qui passait dans la rue. « Il jetait, sans arrêter sa machine, des morues dans les jardins ouvriers, sachant très bien que, sans que ce soit la grande misère, cette nourriture serait la bienvenue ».
Jean-Claude Lamatabois évoque aussi ces heures brèves où il n’était pas malade ...
Dans ces trop rares moments, je m’amuseComme un gamin j’ai envie deChanter, de sauter l’autre jourJ’ai voulu sifflerJ’avais tout simplementOublié qu’il me manque un bout de langueEt que je n’ai plus de dents.
Il refuse la mort « je ne veux plus lover des amarres tachées de sang ».
Il cite Aimé césaire « Ce que le XXe siècle ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, c’est le crime contre l’homme blanc (), d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique ». Il côtoie prévert, Robert Desnos, mais aussi le slam de « Grand Corps malade ». Son livre est un bouillonnement poétique, une gerbe de mots « enivrante, impétueuse, un courant d’air, elle devient désobéissance, désordre, puis agressive » - « Je souhaite inviter tous ceux qui le désirent à prendre la parole, non pas dans une atmosphère éphémère, aride, d’une écriture consacrée à une actualité partisane, mais dans un champ, un espace généreux et ardent, immense d’une poésie où nous pourrions explorer nos racines, notre enfance, en fait notre terreau ».
Yves Cosson
Yves Cosson, l’autre rêveur, simple terrien, fils d’un mécanicien en cycles, subira le mauvais sort et dans sa modeste Navigation à l’estime découvrira l’innommable horreur des camps de concentration, la chance l’en ayant toutefois protégé.
« Aventurier de la poésie », il raconte l’enfance de La Mée, où nous reconnaissons un peu la nôtre. « Ma mère avait des yeux lavés, où j’épelais l’alphabet des chagrins », la découverte de la mer, et les joies banales et naïves « courir dans les champs, sauter les barrières, dénicher les grillons. Il y avait des années à hannetons et le vent chantait dans les peupliers ». Il raconte l’école, et la formation d’instituteur, et les années de « villégiature » dans un stalag garni de miradors. « Leçon de pauvreté, d’égalité et de fraternité » et occasion de découverte d’Arthur Rimbaud, Claudel, Maritain et Mauriac, à l’occasion des conversations.
Sa découverte de l’enfer de la mort, à Bergen-Belsen, lui donna toute sa raison de vivre : « un amour profond de la vie, un immense amour de la liberté, un infini respect de tout être vivant quels que soient la couleur de sa peau, la forme de son nez, de ses doigts de pied ». () « une violente volonté de lutter contre toutes les formes de misère, de pauvreté, d’esclavage. Permettre à chacun de vivre dans la dignité est un combat sans limites, sans mesure. La Poésie peut-être la voix des sans-voix et une arme »
On mesurera la puissance et l’émotion qui unissent ces deux compagnons de route. « Que la poésie soit pour nous deux et, nous l’espérons, pour nos lecteurs, une fête du cœur et de l’esprit »
Navigation à l’estimeJ.Cl. Lamatabois, Y.CossonEd d’Orbestierpréface de régis Antoine.