Ecrit le 10 mars 2010
Premières impressions du Nord Niger récit par Hervé Drouard
débarquer à Agadez même en mi-février, c’est plonger dans un univers de chaleur, de poussière, de saleté, de soif, d’arbres décharnés peuplés de corbeaux noirs (des sacs plastiques accrochés à chaque branche), de foule grouillante, bigarrée, quémandant avec acharnement un peu de survie, depuis les jeunes enfants de l’école coranique tendant leurs sébiles, jusqu’aux éclopés et vieillards touaregs ou peuls sortant un bijou de pacotille. Chaque minute est une épreuve pour bouger, refuser ces mains tendues, respirer, déglutir malgré les gorgées d’eau chaude ingurgitées avec passion.
Et des miracles se produisent : l’accueil chaleureux d’amis inconnus, Alher (prononcez Alrrair = la paix) et de Sylvine, la jurassienne suisse, assistante sociale mariée depuis 10 ans à ce touareg exceptionnel, le 4x4 qui veut bien démarrer, poussé par tout le monde, l’eau rafraichie par linge mouillé ou réfrigérée par un frigo de hasard, un quartier d’orange ou de mangue, une téguéla (galette émiettée et couverte d’une sauce pimentée), la joie de nous accueillir, de nous entendre, de recevoir nos cadeaux ou nous offrir du peu qu’on trouve, l’attention affectueuse à notre bien-être.
Le passage de la ville puante à la brousse décharnée modifie comme toujours les perspectives : plus de quémandeurs mais de la curiosité, des salutations, des présentations ou des retrouvailles avec des personnalités extraordinaires comme Ibrahim et toute sa famille élargie qui nous accueille chez lui une semaine, au milieu de ses chèvres, pintades, pigeons, petits bengalis à cou rougeoyant. Ou Jean, le Corse dépigmenté dont la famille militaire (les grands parents) s’est installée définitivement à Ingall ; qui nous voiture dans sa guimbarde cabossée au pare-brise déchiré (tous les pare-brises sont brisés en mille morceaux et collés on ne sait comment, et malgré les nids de grosse poule, les caillasses et dénivellations, résistent à l’effondrement imminent).
Ce Jean, mécanicien, peut faire des devis pour une éolienne rêvée qui amènerait l’eau à l’école du désert que nous venons inspecter et soutenir ; il nous emmène voir les ossements de dinosaure qui parsèment un ancien lac desséché, il y a 100 millions d’années, et les arbres pétrifiés au milieu desquels ils se promenaient.
La deuxième semaine, de retour à Agadez, se passera à l’école de musique, lieu du colloque « collectif Nord-Niger » qui essaie de concerter associations françaises et nigériennes travaillant dans cette région ; dans une salle chauffée à blanc (45° à l’ombre), 25 à 30 personnes, assises sur des nattes, communiqueront actions en cours, projets, problèmes, dans une ambiance chaleureuse, confiante et réaliste ; le soir, dans la cour, auditorium à l’antique, passeront des films sur la misère africaine et se clôturera la session par une fête de chants et danses locales.
Nous reviendrons sur le détail de ces journées où, faute d’une insertion réelle, concrète (puisque jusqu’ici nous n’aidions que par l’argent des tombolas de Marie sans connaître les conditions de vie et de pensée), nous ne pouvions qu’écouter et chercher à comprendre. Une inspiration m’a fait acteur original : je composais un poème sur chaque thème traité et le lisais en conclusion dans un silence religieux : les Touaregs sont des poètes, des rêveurs, des artistes, des « gens de parole » selon Dominique Casajus.
Ecrit le 31 mars 2010
Petits essaimages contre grands pillages
Depuis quelques années, des petites associations humanitaires travaillant pour le Nord-Niger ont eu l’idée de créer un collectif avec des associations nigériennes attelées aux mêmes actions : santé, problèmes d’eau, scolarisation, alphabétisation, culture, groupements de femmes
Ce collectif organise des rencontres pour faire le point, se concerter, échanger, créer des réseaux. c’est dans ce cadre que, avec la présidente de l’association « Action solidaire Niger » et 4 adhérents français, nous avons été amenés à participer à 4 journées de travail dans la salle de musique d’Agadez du 23 au 27 février 2010. Nous retrouvions de 25 à 30 militants (moitié européens, moitié nigériens). Notre participation personnelle ne pouvait qu’être symbolique car notre aide s’était limitée jusqu’ici à des apports d’argent sans la connaissance concrète des réalités nigériennes. c’est la raison pour laquelle j’ai pensé à composer des poèmes sur le thème traité à partir des mots entendus, des ambiances respirées, des bonnes volontés conjuguées.
Les Touaregs sont des poètes, des rêveurs, des artistes, des « gens de parole » selon Dominique Casajus. Chaque poème en fin de séance était écouté religieusement. Et beaucoup des présents venaient demander qu’on le leur envoie par internet. Voilà notre humble contribution à la lutte contre la misère noire de cette partie de l’afrique, ancienne colonie française et dont les richesses minières (uranium, charbon) pourraient apporter le développement au lieu du pillage actuel. Le coup d’Etat militaire du 18 février 2010 s’est prononcé pour « la restauration de la démocratie » mais nos collègues nigériens doutent qu’il se passe autre chose qu’un changement d’équipe des profiteurs, toujours au détriment du peuple.
La tente dans la solitude
Selon Daminique Casajus, docteur en anthropologie, la tente des Touaregs Kel Ferwan a une base circulaire, évoquant la voûte céleste. Ses quatre piquets d’angles sont semblables aux quatre piliers qui, dit-on, soutiennent le ciel aux quatre coins du monde. « Dieu en donna le plan aux Touaregs et, depuis, ces tentes toujours reconstruites selon ce modèle immuable et céleste, sont transmises de mère en fille ».
« La tente en effet appartient à l’épouse alors que l’époux, même s’il en est le » maître « , n’y est qu’un hôte. Dès qu’il commence à devenir un homme, l’adolescent déserte la tente de sa mère et mène une vie incertaine durant laquelle il partage de précaires abris de nattes avec des compagnons d’âge. Il ne réintègre une tente que lorsqu’il se marie et un divorce ou le veuvage peut toujours le ramener à la condition précaire de l’adolescent »
COLLOQUE A AGADEZ (NORD-NIGER) FEVRIER 2010
Parler avec des « gens de parole »Au pays de la tamachèqueDans le collectif Nord-Nigern’est pas une mince affaireFaire le bilan des projetsDes échecs et des essaisCorriger et modifierPour que tout puisse avancerEntouré par la musiqueEt les instruments ludiquesTravailler avec ardeurDans la plus grande chaleurS’écouter sans se comprendreSe donner et non se vendreEchanger sans se répandreEspérer plus pis que pendrePour ne pas tourner en rondLe groupe se fait carréEt décline de large en longLe sol fa si la si réHervé Drouard
Le soutien aux sinistrés
Selon son bulletin de mars 2010, l’association Action Solidaire Niger est allée à Agadez du 14 au 28 février 2010.
Dans cette région, il y a 6 mois, comme si l’état de précarité lié aux sécheresses et à la désertification ne suffisait pas, comme si la détresse née d’un conflit armé qui a détruit le tissu économique de la région d’Agadez ne causait pas assez de désolation, c’est l’eau qui est venue tout ravager. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 2009, des pluies torrentielles se sont abattues sur la région d’Agadez. Une digue en amont de la ville a cédé et les eaux de ruissellement déversées par le massif de l’aïr ont pénétré la ville emportant tout sur leur passage. Plus de 3500 maisons détruites. Des milliers de sans-abri, et des morts en majorité des enfants.
A Toudou, dans ce quartier d’Agadez dévasté, fleurissent les tentes blanches de bonne fortune données par les ONG « et des sourires sont toujours là comme si rien n’avait changé de leur vie ». La nourriture de survie est encore distribuée par le Gouvernement et des ONG en attendant que reparte le tourisme et que les jardins soient exploitables. Le soutien de l’association s’est porté sur deux points : d’une part l’achat de matériel pour acheminer aux jardiniers afin qu’ils puissent désensabler leurs jardins - d’autre part la remise en état du hangar de la coopérative jeunesse-horizon qui soutient les enfants défavorisés du quartier Toudou
l’association s’est ensuite rendue dans la commune d’Ingall : " Nous avons fait le tour des réalisations antérieures pour voir ce qu’elles étaient devenues. A notre grande satisfaction, la clôture est intacte, le dortoir aussi, les classes sont propres et en bon état, seul le magasin attenant à la cuisine présente encore une fuite en toiture.
Le cheptel avait été ramené de brousse et ce fût un réjouissement de voir enfin toutes ces chèvres et leurs petits.
Le puits que nous avions fait curer et pour lequel nous avions fait fabriquer une protection était tari, comme chaque année à la même époque, et la protection gisait au sol. A notre demande, dès le lendemain il était couvert.
En revanche, plus aucun arbre sur les 15 plantés ! L’eau, l’eau, l’eau... l’essentiel où les enfants sont prioritaires.
Deux latrines fermées, construites par l’UNICEF, sont vraiment du bon travail. Une autre latrine faite par l’association Chlorophylle sert de « douche ». Les conditions sanitaires sont donc en réel progrès.
L’école compte 60 enfants scolarisés et 20 pensionnaires. Elle reste avant tout le lieu où les enfants ne connaissent pas la faim ".
A Tchimoumoumène l’association a constaté que les réalisations passées perdurent. Un nouveau projet de l’association : apporter l’eau à l’école grâce à un château d’eau approvisionné par une éolienne (système conçu par un adhérent). coût du projet : 4000 euros. « Lorsque nous avons abordé ce projet, ce fût un vrai bonheur de lire les sourires dans les regards ! »
Contact : 01 69 48 57 96