Ecrit le 10 janvier 2018
Courrier des lectrices : une jeune femme de la région envoie un poème qui lui tient particulièrement à cœur.
L’éleveur,
Il se lève quotidiennement à l’aurore,
Regroupant un à un ses animaux.
Pendant que le soleil finit d’éclore,
Il fait la traite sans le moindre mot.
Parfois, dans sa longue journée,
Il ne voit absolument personne.
Alors, pour sans doute oublier,
Il écoute une chanson qu’il fredonne.
Ses animaux le font survivre,
Car ils apportent son maigre salaire,
Mais aussi une affection qui le délivre,
Car il est touché dans sa chair.
Il travaille vraiment très dur,
Pas pour s’offrir des vacances,
Juste pour payer les factures,
Et honorer toutes ses créances.
Des personnes comme lui,
Il y en a toujours davantage,
Qui doivent de l’argent à autrui.
Pourtant, il y a de l’écrémage !
Quand l’on regarde le paysage,
Les corps de ferme disparus !
Où sont rendus tous ces élevages ?
Ces bâtiments complètement nus !
Ces hommes qui disparaissent,
Dans une totale indifférence !
Ce métier qui régresse,
Sans la moindre clémence… ».
(poème de Samuel Potiron, éleveur laitier en Loire-Atlantique).
Selon les chiffres de l’observatoire des marchés laitiers de la Commission européenne, le prix du lait payé aux éleveurs français est estimé à 355,2 €/t. observé en octobre 2017. Depuis fin 2016, les éleveurs français bénéficient de prix parmi les plus bas, comparativement aux autres grands pays producteurs. Toujours pour octobre 2017, le prix du lait payé aux éleveurs allemands est estimé à 393,9 €/t. Les producteurs des Pays-Bas profitent de 417 €/t, les Irlandais de 382,5 €/t. Cependant, en France, un mécanisme amortit les variations de prix, à la baisse comme à la hausse.
En France, la collecte laitière augmente depuis la fin août. « dépassant largement les niveaux de collecte de 2016, elle rejoint désormais les niveaux enregistrés en 2015. ». Actuellement on constate une augmentation de la production moyenne en Europe. La production mondiale de lait reste aussi orientée à la hausse, tirée par la Nouvelle-Zélande, les États-Unis. Malgré la demande mondiale soutenue, les stocks publics européens de poudre de lait, liés à la fabrication du beurre, plombent les cours de la poudre de lait écrémé et, par ricochet, le prix du lait.
Si les prix payés aux éleveurs ne remontent pas à des niveaux supportables, c’est toute la filière lait qui sera sinistrée avec des conséquences dramatiques pour l’agriculture française et la vie économique des territoires ruraux. La crise qui secoue actuellement Lactalis (et les salmonelles à l’usine de Craon), ne va pas arranger les choses.
La filière biologique
Selon une étude Coface, de décembre 2017, le marché des produits bio, toutes productions confondues, connaît une croissance à deux chiffres depuis 2014 et devrait progresser en 2017 de près de 14%. « Malgré son poids encore modeste (3,5% en 2016) dans le marché agroalimentaire, la consommation de produits bio ne cesse de progresser (69% des Français en ont consommé au moins une fois par mois en 2016, +25 points depuis 2012) et surtout devient plus fréquente », indique l’assureur-crédit dans son étude.
Les filières qui ont une part plus importante de production issue de l’agriculture bio sont aussi celles qui ont enregistré moins de défaillances d’entreprise sur la période 2012-2016. L’exemple du bio doit amener la profession à réfléchir à une montée en gamme du lait avec des cahiers des charges clairs (exemple : lait produit à l’herbe), pas avec 165 jours de pâturage, mais avec 300 jours). La rémunération des producteurs de vra prendre en compte cette pratique.
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La Région et le bio ?
À l’occasion de la session budgétaire de décembre, la majorité régionale a refusé de voter l’amendement budgétaire du PS, qui proposait d’ajouter 3 millions d’euros afin de soutenir les agriculteurs dans leur conversion en agriculture biologique. Le groupe PS dans un communiqué, déclare : « Il y a urgence. Face à la crise agricole en 2016, la Région a engagé, avec notre soutien, un plan d’urgence pour l’agriculture de 4 M€ sur le budget régional qui dépassait largement le cadre des compétences régionales. »
« Voter 3 M€ pour permettre la poursuite des conversions en agriculture biologique, c’est possible. L’effort n’est pas insoutenable pour les finances régionales et c’est souhaitable car cela répond à une préoccupation majeure des habitants désireux d’avoir accès à une alimentation de qualité. Enfin, c’est urgent car sans décision rapide, le risque qui se profile est celui d’une année blanche pour la conversion en 2018 ».
La Région doit intervenir sans attendre les décisions de l’État estime le PS, pour qui « La Région ne respecte pas ses engagements et a renoncé à toute ambition pour l’agriculture biologique. Elle doit désormais cesser de tergiverser et répondre à la question essentielle : l’agriculture biologique l’intéresse-t-elle vraiment ? »
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PAC 2020, changer de CAP
Une Conférence sur la PAC 2020 (politique agricole commune) a eu lieu le 19 décembre, « elle n’a pas permis de définir des objectifs partagés face aux défis actuels : accès de tous à une alimentation de qualité, changement climatique, santé, pesticides, ressources naturelles. Les acteurs autour de la table des négociations restent les mêmes de réforme en réforme, les rapports de force et idéologies restent inchangés. Quand va-t-on enfin donner une ambition à notre agriculture ? » dit la Confédération Paysanne.
Dans la conférence, aucune place n’a été donnée à l’humain : la place et le nombre de paysans, le droit des salariés n’ont pas été évoqués, pas de place non plus pour les consommateurs et la qualité de la demande alimentaire des citoyens.
Les fermes sont de plus en plus grosses, avec des investissements de plus en plus lourds. Elles sont intransmissibles et participent à la désertification des territoires. Les crises permanentes démontrent que le modèle agricole et agroalimentaire est à bout de souffle. Il est temps de prendre un nouveau chemin, qui est celui de l’avenir et non du passé. Il est temps d’enclencher la transition des systèmes pour réduire les impacts sociétaux des systèmes de production.
La Confédération paysanne défend une politique agricole et alimentaire commune (PAAC) mettant l’humain au centre. « Notre projet est d’avoir des paysans nombreux sur des fermes diversifiées, réparties sur tout le territoire, avec une production de qualité répondant à la demande alimentaire des consommateurs. La maîtrise des productions et la régulation des marchés permettront d’avoir des prix justes et stables, les contrats de transition permettront à toutes les fermes d’amorcer la transition écologique. Ce projet nécessite un cadre européen fort, pour une vision commune de la politique agricole européenne, ainsi qu’un budget conséquent, à la hauteur de nos ambitions ».
Mais on a l’impression que d’année en année, de conférence en conférence, et quel que soit le gouvernement, l’agriculture est vue sous un filtre industriel, technocratique. Rien ne change ! On parle de financiarisation, de rentabilité financière, on oublie que c’est un métier d’hommes et de femmes pour nourrir des hommes et des femmes, pas pour amasser des milliards dans les caisses de quelques « Picsou » extérieurs à ces préoccupations humaines.