Accueil > Thèmes généraux > Religions, sectes > Il fait parler les muets (Ev. selon St Marc)
Ecrit le 12 juin 2019
Une citation de l’Evangile, dans la Mée ! Car il se produit, depuis quelques années, des bouleversements importants dans nos sociétés occidentales, et jusque dans l’Église. Les muets parlent, les sourds entendent Rien de médical dans cette histoire, juste une évolution de société. La parole qui se libère, la parole qui révèle, la parole qui révolutionne.
Une institution comme l’Église en est particulièrement touchée. On avait noté depuis longtemps l’éloignement des fidèles ne se retrouvant pas dans une morale rigoriste. Cette désaffection mettait l’Église en risque de marginalisation. Mais la crise est plus violente en ce moment de par la découverte de déviances que l’on n’aurait jamais osé imaginer et qui se sont produites sur une grande échelle, dans de nombreux pays.
Ces nombreuses affaires d’abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres, des religieux ou des laïcs en mission ecclésiale ont provoqué une crise de confiance à l’intérieur de l’Église catholique et le départ de nombreux fidèles. Certaines d’entre elles ont été portées en justice, mais d’autres sont prescrites, souvent parce qu’elles ont été couvertes ou étouffées par la hiérarchie ecclésiastique qui a réagi tardivement. Les papes Benoit XVI et François ont pris la parole clairement, présentant leurs excuses pour les dommages causés à des enfants, mais n’ont pas mis en œuvre de mesures concrètes. L’accumulation d’affaires sur tous les continents provoque le trouble. Etats-Unis, Canada, Chili, Mexique, Australie, Allemagne, Tahiti, Irlande, Belgique, Angleterre, Espagne, Pays-Bas, Autriche, Suisse, Norvège, Pologne, Afrique, France etc.
La généralisation de ces faits n’est pas à mettre au passif de quelques prêtres déviants mais au manque de vigilance des autorités ecclésiales. Avec une aggravation due au silence imposée aux victimes. Le silence est d’or ! mais la souffrance est vive. Les personnes abusées sexuellement par un prêtre présentent les mêmes symptômes que d’autres victimes, mais à un degré plus élevé. Elles éprouvent de la douleur, de la colère, un grand désarroi, des problèmes de dissociation et de dépression, une sorte de déchirement de l’âme. Ce n’est pas seulement un abus sexuel mais aussi un abus spirituel qu’elles ont subi.
L’Église a longtemps ignoré ces traumatismes, elle se limitait à l’interdit sur les relations sexuelles avec une femme, et pas sur la pédophilie. l’agression d’un enfant a longtemps été ignorée. Seuls les psychologues avaient connaissance, un jour, de l’ampleur des dégâts.
La guérison des victimes passe par un travail de mise au jour, à l’aide d’un spécialiste, des torts subis. Ce travail de vérité peut aboutir au dépôt d’une plainte. Celle-ci permet parfois de découvrir que l’on n’est pas la seule victime et aide à affronter le regard des autres. Cette démarche peut aussi arrêter l’action de l’abuseur et limiter ainsi le nombre de victimes. Pour Jacques Arènes, psychologue, « porter plainte peut être le déclic d’une reprise en main : pour moi, je n’ai rien pu faire, mais je peux aider les autres »
Une commission « Sauvé » vient d’être mise en place, sous la direction de Jean-Marc Sauvé, pour « dresser un état des lieux des violences sexuelles commises par des clercs ou religieux sur des mineurs et des personnes vulnérables ». « Cette commission est là d’abord pour écouter et entendre les victimes. Pour les recenser, reconnaître leurs souffrances et en tirer toutes les conséquences. L’écoute de ces victimes va occuper une place très importante ». Pour recueillir la parole des victimes ou témoins : un numéro de téléphone (01 80 52 33 55) a été mis en place, avec des écoutants spécialement formés, en partenariat avec la fédération France Victimes. Avec ce dispositif, la commission s’attend à « des milliers d’appels », car l’Australie qui a mis sur pied le même dispositif sur trois ans a reçu quelque 40 000 réponses, sur une population de 25 millions d’habitants.
La notion de personne vulnérable demandait à être définie. Elle a été étendue au-delà des seuls « majeurs protégés » au sens de la loi (placés sous mandats de justice, tutelle). Seront ainsi pris en compte les « majeurs en situation de vulnérabilité, c’est-à -dire les personnes qui, dans le cadre d’une relation de hiérarchie, d’autorité, d’accompagnement spirituel ou d’emprise, se sont trouvées engagées dans une relation à caractère sexuel non librement consentie ». « En clair, commente M. Sauvé, la religieuse qui a été abusée par un directeur spirituel ou par un confesseur est dans le champ de notre enquête. » Cette définition tient compte du caractère dissymétrique de la relation établie entre la victime et son agresseur, tant l’abus sexuel suppose un abus de pouvoir.
La commission espère que les victimes vont pouvoir parler, surtout celles qui, jusqu’Ã maintenant, ont garder pour elles ce lourd secret.
Mis en ligne samedi 11 mai sur YouTube, un documentaire polonais sur les abus de certains prêtres a été vu plus de 12 millions de fois en trois jours. A partir d’un fait réel, il dresse un tableau sans concession, n’hésitant pas à nommer explicitement les prêtres agresseurs et les évêques soupçonnés d’avoir gardé le silence.
Un documentaire d’ARTE révèle les témoignages de religieuses abusées et violées par des prêtres et explique les rouages de ce scandale. Manipulées, intimidées, poussées à avorter quand elles tombaient enceintes, la plupart de ces femmes ont été réduites au silence par l’institution à laquelle elles avaient dédié leur vie, et leur chasteté.
Si la parole des victimes se libère aujourd’hui, cela fait de nombreuses années que l’Église connaît la nature de ces crimes, sans pour autant réagir. Dans les années 90, deux missionnaires américaines ont transmis un rapport au Vatican après une enquête de plusieurs années dans 23 pays. En France, dans les couvents, les religieuses savaient que les plus ’innocentes’ d’entre elles pourraient être victimes, sous couvert d’amour de Dieu. En réalité, l’immense majorité des victimes de prêtres pédophiles traversaient une période difficile lorsqu’elles ont été agressées. Elles ont accordé leur confiance à ces hommes d’Eglise, trouvé en eux une écoute bienveillante, un soutien, avant de basculer dans l’horreur, rongées par la honte et la culpabilité.
Plus graves encore, si c’est possible, sont les agressions touchant les enfants. Dans son livre « Une croix sur l’enfance », Jean-Pierre Sautreau, interne au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, en Vendée, raconte son enfance volée, violée et envolée. « l’humiliation et la souillure, la solitude et la mélancolie », écrit-il.
Le Comité des droits de l’enfant est un organe des Nations unies composé de 18 experts indépendants, chargé de vérifier l’application de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Le 5 février 2014, il a publié un rapport exprimant « sa plus profonde préoccupation à propos des abus sexuels envers des enfants commis par des membres d’églises catholiques qui officiaient sous l’autorité du Saint Siège, dont des clercs ayant été impliqués dans des abus sexuels concernant des dizaines de milliers d’enfants dans le monde. Le Comité est gravement préoccupé par le fait que le Saint Siège n’ait pas reconnu l’étendue des crimes commis, n’ait pas pris les mesures nécessaires pour prendre en compte les cas d’abus sexuel sur enfants et pour protéger les enfants ».
Le célibat imposé aux prêtres peut-il être un facteur favorisant la pédophilie ou les abus sexuels ? D’après Stephane Joulain, prêtre, thérapeute familial et psychanalyste, il n’existe pas de lien de causalité entre le célibat consacré et la pédophilie. d’ailleurs 96 % des affaires d’abus sexuels et de maltraitance sur mineurs ont lieu dans le cercle familial de l’enfant, le célibat peut difficilement être considéré comme une cause en soi de la pédophilie. En revanche, en tant que statut social permettant d’avoir une identité sociale non liée au mariage, le célibat consacré a pu attirer des pédophiles vers la prêtrise. Peut-espérer évoluer un jour vers le choix laissé au prêtre : célibat ou non ?
°°°
Les pédophiles sont particulièrement attirés par les institutions s’occupant de jeunes et d’enfants. L’Église ayant de nombreuses activités pour la jeunesse, les personnes pédophiles peuvent, pour cette raison, tenter de devenir prêtres. La première solution pour lutter contre la pédophilie dans l’Église consiste donc à être particulièrement attentif aux conditions de discernement d’accès à la prêtrise.