Ecrit le 10 juin 2020
Qui est George Floyd ? Qui est responsable et pourquoi est-il mort ?
George Floyd est un homme noir de 46 ans, habitant aux USA, musicien à ses heures mais aussi sportif, camionneur et agent de sécurité. Pas un petit saint : il a fait de la prison pour vol à main armée. Le 25 mai des commerçants portent plainte contre lui pour un billet supposé faux et appellent la police, comme c’est la règle là-bas dans ce cas. Le policier qui reçoit l’appel demande à trois reprises à propos de Floyd : Quelle race ? Est-il blanc, noir, amérindien, hispanique, asiatique ? [la race est importante ?? ]
Cinq policiers interviennent, George Floyd se laisse menotter dans le dos sans réaction. Un policier, cependant, le plaque au sol. Floyd est allongé sur le ventre et est quasiment immobile, Le policier Derek Chauvin appuie avec son genou sur le cou, c’est à ce moment-là que commence la première vidéo d’une passante. Floyd se plaint de ne pouvoir respirer, il saigne de la bouche, appel d’urgence passé aux secours mais Derek Chauvin maintient son genou. Seize fois Floyd dit qu’il ne peut pas respirer. Plusieurs vidéos témoignent du drame et des passants interviennent auprès des policiers. Puis Floyd ne dit plus rien, il est mort, mais Derek Chauvin maintient son genou encore plus de deux minutes.
Le policier Derek Chauvin n’est pas un petit saint : on apprend qu’il a été impliqué trois fois dans des interpellations mortelles en 2006, 2008 et 2011 et qu’il a fait 18 fois l’objet de plaintes. Deux seulement de ces plaintes ont abouti à des sanctions : des lettres de réprimande. Son épouse a déclaré, par l’intermédiaire de son avocat, apporter son soutien à la famille de George Floyd et demander le divorce.
La mort de George Floyd déclenche une vague d’indignation dans les sphères politiques, culturelles et sportives américaines. La presse évoque une violence injustifiée, insupportable et scandaleuse. Le président Donald Trump et son prédécesseur Barack Obama expriment tous deux leur tristesse et leurs condoléances à la famille Floyd.
Le maire de Minneapolis Jacob Frey déclare qu’être noir aux États-Unis ne devrait pas être une condamnation à mort. L’avocat de la famille estime que, s’il n’y avait pas eu de vidéos, les agents de police auraient donné une fausse version des faits et planqué ça sous le tapis. Il accuse également la police de racisme et de pratiquer le profilage racial. La famille demande que les quatre policiers impliqués soient inculpés pour meurtre.
Le nom de Georges Floyd s’ajoute à la longue liste des Noirs américains symboles du racisme et de la violence policière. Dès le lendemain de la mort de George Floyd, plusieurs milliers de personnes se rassemblent à Minneapolis, demandant que la police cesse de tuer des Noirs et réclamant justice. Ils scandent : "I can’t breathe” (je ne peux pas respirer).
Donald Trump contribue à faire monter la pression, en publiant dans des tweets que si des pillages commencent, on commencera à tirer. Cette expression, When the looting starts, the shooting starts, a une résonance particulière aux USA. elle est connue pour avoir été employée par le chef de la police de Miami lors des violences raciales survenues en Floride à la fin des années 1960.
Les manifestations de protestation et les émeutes s’étendent ensuite à tout le pays, « de New-York à Los Angeles », le siège de CNN à Atlanta est incendié, les manifestations se poursuivent devant la Maison-Blanche. De nombreuses réactions internationales interviennent également et l’affaire prend un tournant mondial. En France la mort de George Floyd donne un nouvel élan à la lutte contre les violences policières en France : pour Assa Traoré, la porte-parole de la Vérité pour Adama, le 2 juin 2020 marque un tournant dans la lutte qu’elle mène depuis quatre ans contre les violences policières.
Aux USA de nombreux hommes politiques, majoritairement blancs, continuent de nier l’existence d’un racisme systémique au sein des forces de police des USA, parlant de « quelques cas isolés ». La mort de Floyd rappelle tragiquement que ces « incidents isolés » s’inscrivent en réalité dans une longue série d’hommes et de femmes noirs non armés tués par des policiers blancs dans tout le pays. À tel point que chaque famille noir-américaine a, depuis longtemps, intégré le fait qu’elle doit avoir une conversation avec ses enfants, pour les préparer aux interactions avec la police.
La violence touche les journalistes : Selon le site Press Freedom Tracker, plus de 140 journalistes ont déjà été attaqués physiquement en une semaine durant les manifestations consécutives à la mort de George Floyd, en immense majorité par la police (118), mais aussi par des protestataires (25).
Victime collatérale de ce drame, Darnella est celle qui a filmé l’interpellation de George Floyd. A seulement 17 ans, l’adolescente est la cible d’attaques et de critiques depuis la publication de sa vidéo. Elle est harcelée d’insultes sur facebook, harcelée aussi, selon son avocat, par la foule présente devant chez elle ce qui a forcé sa famille à quitter sa maison, située à deux pas seulement de l’endroit où George Floyd a été tué.
Sur France-Culture, la philosophe Géraldine Mosna-Savoye commente : « Chaque année, aux Etats-Unis, des études et des statistiques témoignent de la disproportion systématique des violences policières contre les noirs américains. Racisme structurel, police injuste, histoire américaine et discriminations, expliquent sans les justifier, cette transformation de l’exceptionnel en quotidien. Récemment, en France, la chanteuse Camélia Jordana déclenchait un tollé en témoignant de son insécurité face à la police.
Pourtant, qu’il s’agisse de les dénoncer ou de les expliquer, qu’elles suscitent la colère ou l’indignation, les violences policières sont devenues des affaires “normales”. On accepte de voir régulièrement dans les médias ces injustices, d’assister, impuissant, à la tragédie, de regarder l’histoire se répéter. Même quand on se révolte, même quand on dénonce le caractère insoutenable de ces actes, rien ne semble y faire.
« À partir de combien d’indignations, de souffrances, d’études, de livres, de prises de parole, à partir de combien de colères, d’émeutes et de rassemblements, les choses peuvent-elles changer ? À partir de quand et de quoi, peut-on stopper la répétition, peut-on arrêter ou transformer l’histoire ? »
Aux USA le président Trump continue de tweeter à tout va, de façon si excessive que les réseaux sociaux Twitter et Snapchat s’en émeuvent, accusant Donald Trump d’inciter à « la violence raciale » et stoppant officiellement la promotion de ses publications en conséquence. Contredisant ouvertement le président, le chef du Pentagone, Mark Esper, a affirmé ne pas souhaiter déployer l’armée aux États-Unis.
L’affaire prend ensuite un tour inattendu : mis en cause pour leur violence et leur racisme après la mort de George Floyd à Minneapolis, des policiers de plusieurs villes des Etats-Unis apportent leur soutien aux manifestants en posant un genou à terre. Le geste, initié en 2016 par le footballeur américain Colin Kaepernick, est devenu un symbole de la protestation contre les violences policières envers les Noirs. Sincérité ou simulation policière ? Ils s’agenouillent devant la presse, puis tirent sur les manifestants avec des balles en caoutchouc, tirent au gaz et arrêtent les manifestants.
En France, Sébastien Roché spécialiste de la police, directeur de recherche au CNRS, ex-enseignant à l’École nationale supérieure de la police, voit des points communs dans la façon dont les forces de l’ordre françaises et américaines traitent les minorités ethniques. Une situation sur laquelle les autorités se voilent la face, selon lui. Le comédien Omar Sy, s’engage dans le combat contre les discriminations et les violences policières, il demande justice pour Adama Traoré et appelle de ses vœux une « police digne de notre démocratie ». « Réveillons-nous. Ayons le courage de dénoncer les violences policières en France »