Ecrit le 28 septembre 2020
Il n’est jamais arrivé que des médias, qui défendent souvent des points de vue divergents et dont le manifeste n’est pas la forme usuelle d’expression, décident ensemble de s’adresser à leurs publics et à leurs concitoyens d’une manière aussi solennelle.
Si nous le faisons, c’est parce qu’il nous a paru crucial de vous alerter au sujet d’une des valeurs les plus fondamentales de notre démocratie : votre liberté d’expression.
Aujourd’hui, en 2020, certains d’entre vous sont menacés de mort sur les réseaux sociaux quand ils exposent des opinions singulières. Des médias sont ouvertement désignés comme cibles par des organisations terroristes internationales. Des États exercent des pressions sur des journalistes français « coupables » d’avoir publié des articles critiques.
La violence des mots s’est peu à peu transformée en violence physique.
Ces cinq dernières années, des femmes et des hommes de notre pays ont été assassinés par des fanatiques, en raison de leurs origines ou de leurs opinions. Des journalistes et des dessinateurs ont été exécutés pour qu’ils cessent à tout jamais d’écrire et de dessiner librement.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », proclame l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée à notre Constitution. Cet article est immédiatement complété par le suivant : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Pourtant, c’est tout l’édifice juridique élaboré pendant plus de deux siècles pour protéger votre liberté d’expression qui est attaqué, comme jamais depuis soixante-quinze ans. Et cette fois par des idéologies totalitaires nouvelles, prétendant parfois s’inspirer de textes religieux.
Bien sûr, nous attendons des pouvoirs publics qu’ils déploient les moyens policiers nécessaires pour assurer la défense de ces libertés et qu’ils condamnent fermement les États qui violent les traités garants de vos droits. Mais nous redoutons que la crainte légitime de la mort n’étende son emprise et n’étouffe inexorablement les derniers esprits libres.
Que restera-t-il alors de ce dont les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 avaient rêvé ? Ces libertés nous sont tellement naturelles qu’il nous arrive d’oublier le privilège et le confort qu’elles constituent pour chacun d’entre nous. Elles sont comme l’air que l’on respire et cet air se raréfie. Pour être dignes de nos ancêtres qui les ont arrachées et de ce qu’ils nous ont transmis, nous devons prendre la résolution de ne plus rien céder à ces idéologies mortifères.
Les lois de notre pays offrent à chacun d’entre vous un cadre qui vous autorise à parler, écrire et dessiner comme dans peu d’autres endroits dans le monde. Il n’appartient qu’à vous de vous en emparer.
Oui, vous avez le droit d’exprimer vos opinions et de critiquer celles des autres, qu’elles soient politiques, philosophiques ou religieuses pourvu que cela reste dans les limites fixées par la loi. Rappelons ici, en solidarité avec Charlie Hebdo, qui a payé sa liberté du sang de ses collaborateurs, qu’en France, le délit de blasphème n’existe pas. Certains d’entre nous sont croyants et peuvent naturellement être choqués par le blasphème. Pour autant ils s’associent sans réserve à notre démarche. Parce qu’en défendant la liberté de blasphémer, ce n’est pas le blasphème que nous défendons mais la liberté.
Nous avons besoin de vous. De votre mobilisation. Du rempart de vos consciences. Il faut que les ennemis de la liberté comprennent que nous sommes tous ensemble leurs adversaires résolus, quelles que soient par ailleurs nos différences d’opinions ou de croyances.
Citoyens, élus locaux, responsables politiques, journalistes, militants de tous les partis et de toutes les associations, plus que jamais dans cette époque incertaine, nous devons réunir nos forces pour chasser la peur et faire triompher notre amour indestructible de la Liberté.
- liberte
Parmi les signataires :
Challenges, Charlie Hebdo, Courrier International, Europe1, France Télévisions, L’Humanité, La Croix, La Vie, Le Canard Enchaîné, Le Figaro, Le Télégramme, Libération, Marianne, Ouest France, Presse Océan, Télérama. Mediapart, Politis, Basta et d’autres s’y associent. L’Eclaireur et La Mée aussi,
Note de la rédaction
On pourrait rappeler comment La Mée, naguère, a été victime de pressions pour l’empêcher de paraître ou d’informer. (nous avons des souvenirs précis et nous nous souvenons aussi comment les médias locaux nous ont soutenus !) . On pourrait pointer aussi l’autocensure par peur du politiquement incorrect, les velléités du gouvernement de choisir qui traite de l’info, et la crise financière qui touche certains médias.
On peut parler du schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) paru jeudi 17 septembre en France, qui dit : « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation [par les forces de l’ordre] ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations. Dès lors qu’ils sont au cœur d’un attroupement, ils doivent comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser. ». En clair, les journalistes et les observateurs des différentes ONG pourraient ainsi être interpellés et poursuivis, faisant fi de leurs impératifs professionnels.
Pour le SNJ (syndicat national des journalistes), « Ce texte est fait pour restreindre la liberté d’informer. On veut transformer les journalistes en propagandistes, comme les Etats-Unis l’ont éprouvé pendant la guerre du Golfe. Nous allons donc réaffirmer la liberté des journalistes, qui est de pouvoir être témoin de tout, partout et en tout moment. ». Pour les ONG, « Le rôle des observateurs est justement d’observer l’usage de la force. Ça n’a aucun sens de demander qu’ils soient dispersés au moment des sommations ! »
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a décidé d’engager un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre du nouveau schéma du maintien de l’ordre.
Elle considère que ce schéma porte atteinte à la liberté de la presse, d’observation, la liberté individuelle et à la liberté de manifester.
Reporters sans frontières
L’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) a publié son classement annuel mondial de la liberté de la presse 2020. Elle relève les nombreuses crises auxquelles font face les journalistes : “crise géopolitique (agressivité des modèles autoritaires), technologique (absence de garanties démocratiques), démocratique (polarisation, politiques de répression), de confiance (suspicion, voire haine envers les médias d’information) et économique (appauvrissement du journalisme de qualité)”.
Mais à ces dernières, vient s’en ajouter une autre, la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 qui “met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le droit à une information libre, indépendante, plu raliste et fiable”. La Chine et l’Iran, ont “mis en place des dispositifs de censure massifs”. L’Irak a suspendu pour trois mois la licence de l’agence de presse Reuters, le gouvernement français développe une obsession pour les “fake news” (fausses nouvelles) tout en étant prolifique dans le domaine.
La France, passe à la 34e place dans cette édition, soit un recul de deux places par rap port à l’année dernière. “L’année 2019 a été marquée par une hausse très inquiétante d’attaques et de pressions contre les journalistes. Nombre d’entre eux ont été blessés par les tirs de LBD (lanceurs de balles de défense) ou de gaz lacrymogène des forces de l’ordre, et agressés par des manifestants en colère pendant le mouvement des Gilets jaunes puis lors des manifestations contre la réforme des retraites” explique RSF, notant en outre un “nombre croissant de cas d’intimidations judiciaires visant les journalistes d’investigation afin d’identifier leurs sources”.
Voir : https://rsf.org/fr/classement
Note du 30 septembre 2020
Défendre la liberté de la presse, c’est aussi donner à la presse la possibilité de faire son travail. Hier, 29 septembre 2020, il y avait un Conseil Communautaire à la Communauté de Communes du Castelbriantais.
Voici ce qu’écrit Ouest-France à ce sujet.
La presse locale autorisé à s’asseoir
Châteaubriant Derval : depuis février, les journalistes ne peuvent plus assister aux conseils communautaires. Hier, sous la pression et à la lecture des textes, la Communauté de Communes a ouvert ses portes
A Châteaubriant, Il faut parfois se battre pour faire entendre sa voix et faire respecter le droit . Après une journée de palabres, de SMS, d’appels et de courriels, la presse locale a finalement été autorisée à siéger, hier à la Halle de Béré de Châteaubriant au Conseil Communautaire comme elle le réclamait
Dans un courriel envoyé à Ouest-France à 16h40 de la collectivité finissait par admettre que « dans la mesure où le public ne dépassera pas la jauge autorisée ce soir il sera accepté tout comme la presse »
Elle l’a admis parce qu’elle n’a pas eu d’autre choix ,Ouest-France en avait fait une question de principe : pourquoi à Châteaubriant la presse locale ne serait-elle pas autorisée à assister physiquement aux conseils (municipal et communautaire) alors qu’elle est à Nantes, Rezé, Orvault, Bouguenais, Vertou, La Baule, Pornic, Ancenis ... bref partout en Loire-Atlantique (1)
Pourtant à 7h56 l’administration générale contredisait l’administration générale : « à l’instar des précédents conseils communautaires qui se sont tenus à la suite du confinement, nous vous confirmons que la séance de ce soir n’est pas ouverte au public ni à la presse »
Que disent les textes ? Question posée à la préfecture de Loire-Atlantique. Réponse sur la forme d’abord : « En l’état actuel des textes, c’est bien le droit commun qui s’applique et non plus les dispositions transitoires prévues par l’ordonnance numéro 2020-562 du 13 mai 2020 applicable jusqu’au 30 août » (2), sur le fond ensuite « Le début de séance du conseil communautaire doit être public. C’est seulement après un vote favorable au huis clos demandé que la séance pourra se poursuivre sous ce format »
En clair, la décision de la com’com’ n’est pas conforme à la légalité d’autant qu’au cours des dernières séances, délocalisées depuis le Covid, aucun vote adoptant le huis clos n’a eu lieu. C’est si et seulement si la séance était décidée à huis clos qu’aucun public, journalistes inclus, ne pourrait y assister.
Après des échanges avec des élus dont un vice-président de la com’com’ ancien haut fonctionnaire, l’argument serait le suivant : les journalistes pourront suivre la séance puisque elle sera retransmise sur la page Facebook de la collectivité.
On nous a aussi juré qu’il n’y avait « aucune volonté d’écarter la presse » . Nous voilà rassurés parce qu’on a eu un doute.
Hier soir interpellé par Bernard Gaudin, élu communautaire, Alain Hunault, président, s’est réfugié derrière « les directives de l’État » lesquelles au plus fort du Covid n’auraient pas fait de différence entre la presse, l’un ne pouvant pas être autorisé sans l’autre à assister aux séances. Mais « s’il y avait de la place » les journalistes pourraient être là.
De la place ? En arrivant dans l’immense Halle de Béré sur les coups de 19h30, La Mée Socialiste et Ouest-France ont vu deux tables rectangulaires disposées à sept mètres du premier élu. Pas de chaise, pas de bouteille d’eau, pas de gel. Mais bon, on ne peut pas tout avoir d’un coup
&#nbsp; &#nbsp; &#nbsp; &#nbsp; &#nbsp; &#nbsp; &#nbsp; Signé : Jérôme Bezannier
- Ouest-France du 30 septembre 2020
Et voici ce qu’écrit La Mée dans son édition à paraître le 7 octobre 2020 :
Le recul du Roitelet
Avec le COVID-19, les règles sanitaires s’appliquent à Châteaubriant mais de façon politiquement variable. Par exemple, lors de la venue de Guillaume Pepy, les industriels de la région ne respectaient pas la distanciation spatiale et ils ont eu droit à un vin d’honneur et de bons petits gâteaux tout frais fabriqués.
Mais au Conseil Communautaire de la CCCD, les journalistes ont été priés de ne pas venir, alors que la salle est vâââste ! Comme ça, sur la page facebook, ils n’entendent pas la question posée et ils entendent mal les réponses ou non-réponses apportées ! C’est étudié pour !!!
Oui mais … Jérôme Bezannier, journaliste au grand journal Ouest-France, a fait du foin auprès de la Préfecture et a interpellé le Roitelet à 11h26 : « je déplore cette décision, je voudrais savoir sur quels arguments légaux elle repose d’autant qu’en Loire-Atlantique, tous les conseils (ou presque) municipaux ou communautaires se déroulent en présence de la presse locale. Une délibération a-t-elle été prise en ce sens lors d’un précédent conseil communautaire ? Si oui, laquelle et quand ? A ma connaissance, non… Sur quel(s) article(s) de loi, la collectivité s’appuie-t-elle pour justifier d’interdire à la presse d’assister au conseil communautaire prévu ce soir ? »… Bigre, c’est bien dit.
Alors à 16h42, le journaliste de Ouest-France recevait un message de la CCCD disant que « Dans la mesure où le public ne dépassera pas la jauge autorisée ce soir, il sera accepté tout comme la presse ». Belle évolution ! Sauf que seul Ouest-France était prévenu. Mais la solidarité journalistique jouant, La Mée et Presse-Océan ont pu venir aussi au Conseil. [Il n’y a que l’Eclaireur qui n’a pu être joint]. On peut penser que les décisions autoritaristes seront terminées au moins provisoirement.
A propos, vous avez-vu un roitelet reculer ? C’est pour le moins … penaud !