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Ecrit le 20 avril 2021
Le vieux slogan populiste « Faites payer les riches » est en train de trouver une nouvelle légitimité. Même le FMI, fonds monétaire international, s’y met : de manière temporaire et afin d’aider la lutte contre l’accroissement des inégalités, il suggère un impôt supplémentaire sur les particuliers les plus riches et les entreprises qui profitent de la pandémie du Covid-19.
Faut dire que la crise profite à certaines personnes. Le magazine Forbes a dévoilé début avril son classement des milliardaires pour 2020. Il confirme que ce n’est pas la crise pour tout le monde et que la fortune des milliardaires bat tous les records : celle des 20 personnes les plus riches de la planète a augmenté de 62 % entre mars 2020 et mars 2021, celle de Bernard Arnault de 50 % en 1 an !
De l’administration Biden au FMI, les appels en faveur d’une taxation des riches et des multinationales se multiplient.
Janet Yellen, la secrétaire du Trésor américain, veut lutter contre l’optimisation fiscale des grands groupes, estimée à 240 milliards de dollars annuels par l’OCDE. Elle appelle les pays du G20 à travailler sur un montant minimum d’imposition des multinationales pour permettre aux pays de financer leurs infrastructures et de se remettre de la crise du Covid. Elle signe aussi le retour des États-Unis sur la scène des négociations internationales pour arrêter « la course vers le bas » en matière de taux d’imposition.
Taxer les multinationales
Beaucoup de grandes multinationales sont en effet devenues expertes dans les pratiques d’évitement de l’impôt. En utilisant les failles des différents systèmes fiscaux des pays où elles opèrent et en faisant atterrir une grande partie de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux où ils ne sont pas imposés, certaines finissent par ne payer que très peu d’impôt. Les grands groupes du numérique, comme Google, Amazon ou Apple, sont particulièrement visés et font l’objet d’un projet de taxation.
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) calcule que près de 240 milliards de dollars s’évaporent tous les ans du fait des pratiques fiscales des multinationales. Les pays du G20 cherchent depuis longtemps à harmoniser les règles fiscales pour mettre la main sur le magot. Dès 2012, ils ont lancé le projet BEPS (en français : érosion de la base fiscale et transfert des bénéfices) pour tenter d’y remédier. Aujourd’hui, 135 pays travaillent dessus, sans qu’un accord définitif ne soit encore trouvé. Joe Biden a ainsi annoncé vouloir augmenter le taux d’impôts sur les sociétés de 21 à 28 %, notamment pour financer son plan d’investissement. [la France a déjà un taux de 27,5 %.]
Il avait d’ailleurs directement cité Amazon comme étant passé maître dans l’évitement fiscal, aux côtés de 90 autres entreprises du Fortune 500 qui ne payent aucun impôt.
Le quotidien Le Monde résume la situation, dans son édition du 6 avril, en écrivant que « cette proposition, technique dans ses détails, sonnerait le glas des paradis fiscaux, officiels ou de facto comme l’Irlande, où les multinationales localisent l’essentiel de leurs profits ». Les sociétés multinationales ne seraient plus imposées selon le principe du lieu de résidence de leurs différentes filiales, considérées une à une, État par État, mais en tant que groupes mondialement constitués. Leurs actifs seraient donc considérés en bloc, indépendamment du fait qu’ils restent dans les pays où elles agissent ou qu’ils soient, comme c’est souvent le cas, artificiellement concentrés dans les législations de complaisance au taux d’imposition nul.
Jeff Bezos, fondateur d’Amazon qui vient récemment d’en quitter la direction générale, ne s’en est apparemment pas offensé. Dans une déclaration sur Twitter, il indique soutenir l’augmentation du taux d’impôt. « Nous soutenons la vision de l’administration Biden de faire des investissements audacieux dans les infrastructures américaines », écrit-il, admettant que ces investissements nécessiteront de faire des concessions notamment sur les impôts. Peut-être un signe que les temps changent
L’évasion fiscale est un sport international. L’ONG Tax Justice Network a passé au crible l’évasion fiscale pays par pays dans un rapport ressortant le coût à 427 milliards de dollars dans le monde
Evasion fiscale
L’Europe subit une perte de 184 milliards de dollars et l’Amérique du Nord de 95 milliards, soit respectivement 12,6% et 5,7% de leur budget de santé. Dans le même temps, l’Amérique latine et l’Afrique accusent un manque à gagner qui représente respectivement 20,4% et 52,5% de leur budget dédié à la santé, souligne l’AFP.
Pour la France, selon les calculs de « Solidaires finances » c’est 100 milliards qui s’envolent et pour l’Europe c’est 1000 milliards par an selon selon Bruxelles. Aux Etats-Unis, 2000 milliards de dollars de profits se volatilisent ainsi tous les ans selon l’OCDE en 2013 !
Ce qui saute aux yeux c’est qu’il serait facile d’éliminer l’évasion fiscale... il suffit que les Étas-Unis s’y mettent et chan-gent les règles de légalité
Malheureusement, le gouvernement français refuse toujours de faire payer les profiteurs de la crise. Pire, il s’obstine à vouloir nous faire « rembourser la dette Covid » d’une part par les contre-réformes de l’assurance-chômage ou des retraites et, d’autre part, en mettant en œuvre une cure d’austérité dont l’effet sera dévastateur pour des millions de personnes. Selon l’INSEE, le premier confinement a dégradé la situation financière d’un quart des ménages. Ce sont les plus pauvres qui ont été les plus impactés : « La situation financière se dégrade d’autant plus que le niveau de vie était faible avant le confinement », constate l’Insee. Parmi les 10 % les plus pauvres du pays, 35 % déclarent une situation financière dégradée, contre 17 % chez les 10 % les plus aisés.
Selon une étude publiée le 14 avril par le cabinet Altares, les défaillances d’entreprises sont en recul de 32,1 % sur un an au premier trimestre 2021 : toujours sous perfusion publique, les entreprises tien-nent mais 79 % des jugements mènent désormais directement à la liquidation de l’entreprise, « du jamais vu depuis vingt ans », affirme le cabinet dans son communiqué. Tout l’enjeu est désormais d’anticiper sur l’avenir, lorsque les dispositifs d’aides s’arrêteront. c’est valable pour les entreprises comme pour les associations qui ont du personnel.
Elles ne sont pas riches
Les aides à domicile ne figurent pas au palmarès des salariés les mieux payés. début avril, le gouvernement a annoncé la revalorisation des salaires des aides à domicile exerçant dans le secteur associatif à hauteur de 13 à 15%. Mais pas pour tout de suite, il faudra attendre le 1er octobre ! Selon l’aDMR (aide à domicile en milieu rural), « Il faut savoir que depuis 2002 il n’y a pas eu de réforme de cette importance et que chaque année les salariées perdent du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, même après plusieurs années d’expérience, des aides à domicile ont des rémunérations inférieures au Smic. Nous les payons au Smic mais lorsqu’il y a une augmentation, il faut attendre plus d’une dizaine d’années pour qu’elles en profitent. A partir du 1er octobre, ce ne sera plus le cas. Dès un an d’ancienneté, les aides à domicile pourront bénéficier des revalorisations salariales ».
Cette revalorisation concerne le secteur associatif, soit près de 220.000 salariés. Le secteur lucratif, qui compte environ le même nombre d’aides à domicile, n’est pas concerné.
Les trois fédérations du secteur privé (la fédésap, la Fesp et le Synerpa domicile) regrettent que cette augmentation « laisse sur le côté près de la moitié des aides à domicile » et appellent à une revalorisation des salaires pour l’ensemble des professionnels. Le risque, d’après ces fédérations ? Une distorsion de la concurrence, dans un secteur où l’emploi est déjà en tension.
En outre, la mesure fait d’ores et déjà l’objet d’un bras de fer sur son financement, les départements ne s’estimant pas capables d’assumer les 300 millions d’euros supplémentaires de budget qu’elle implique. Pour les professionnels du secteur, c’est toute la thématique du financement du grand âge qui doit être approfondie pour répondre au vieillissement de la population.