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La révolte des esclaves
A Dubaï, les ouvriers du bâtiment, en majorité des Asiatiques immigrés, dénoncent de plus en plus ouvertement leurs conditions de travail.
Le 21 mars 2006, plus de 2 000 d’entre eux ont mis à sac le méga-chantier de la plus haute tour du monde. Dans la nuit ils ont agressé et chassé les gardes de sécurité puis sont entrés par effraction dans les bureaux temporaires du chantier dans lesquels ils ont cassé une dizaine d’ordinateurs. Ils ont également détruit une vingtaine de voitures et d’engins.
Mercredi, les ouvriers sont restés sur le site... les bras croisés. Dans un pays où la grève est interdite, leur mouvement de protestation a pourtant touché les immeubles en construction alentours et l’aéroport international de Dubaï où quelque 2 000 travailleurs entreprenant la construction d’un nouveau terminal ont déposé leurs outils, en signe de solidarité.
C’est la première fois que les travailleurs immigrés qui bâtissent depuis 15 ans les rêves de grandeur de Dubaï expriment leur colère. Sous-payés, mal-logés et corvéables à merci, les étrangers viennent d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, de Chine, des Philippines, du Sri Lanka, d’Afghanistan, de Syrie ou encore du yémen. A leur arrivée, l’employeur leur confisque leur passeport en échange du contrat de travail et prend garde de les reconduire à l’aéroport dès la fin du contrat.
Certains d’entre eux, en septembre dernier, ont participé à une marche silencieuse dans le centre-ville pour réclamer 4 mois d’arriérés de salaire.
La révolte du 21 mars est partie d’un problème de navette entre la zone de baraquement des ouvriers, en périphérie de la ville, et le chantier. Les employés ont expliqué que les bus chargés du transport les emmenaient une heure avant le début officiel de leur journée de travail, sans qu’ils soient payés plus, et les ramenaient parfois près de deux heures après la fin de celle-ci. Ils perdent aussi une bonne heure à pointer car il n’y a que 9 machines pour 3 000 employés. La direction déduit de leur salaire le temps qu’ils passent à aller aux toilettes.
Non couverts par les assurances, ils demandent de vrais soins médicaux. Sur les chantiers, les accidents du travail sont nombreux, parfois mortels. On compte de nombreuses insolations lorsque les températures atteignent 50°. Il y aurait aussi beaucoup de suicides parmi cette population, selon la presse locale
Les ouvriers réclament une augmentation de salaire. Les charpentiers les plus expérimentés gagneraient 7,60 dollars par jour, les débutants seulement 4, pour 10 heures de travail.
Face à la violence économique (contre laquelle les autorités ne font rien), les salariés ont exercé un autre type de violence, que la police a jugé « inacceptable ».
Violence contre violence. L’une est-elle plus légitime que l’autre ?
Ils veulent de l’argent !
L’un des pays les plus pauvres du monde, le Bangladesh, a connu de violentes émeutes, 22-23 mai, lorsque des dizaines de milliers d’ouvriers du textile ont attaqué des usines pour protester contre les bas salaires et les conditions de travail (le salaire minimum est de 10,40 € par mois)
Le secteur du textile, qui travaille essentiellement pour le monde occidental, emploie 2 millions de personnes, dont 80 % de femmes. Salaires payés en retard, heures supplémentaires excessives, refus du congé hebdomadaire, conditions de sécurité et d’hygiène exécrables
ou encore non-respect du droit au rassemblement dans les usines : les violations des législations internationales sur les conditions de travail sont flagrantes.
Dans la révolte, 14 usines ont brûlé et plus de 70 autres ont été endommagées, sans compter les dizaines de véhicules détruits.
M. de Villepin a raison : les populations les plus vulnérables sont tentées par la violence. On se demande bien pourquoi ! Ces gens n’ont aucune tenue !