Accueil > Pays (international) > Irak > Irak (17) : les prix du sang
Ecrit le 2 octobre 2004 :
Les prix du sang
Irak : Le pic des mille
La barre symbolique des 1 000 soldats américains tués aurait été franchie, le 7 septembre 2004, selon l’Associated Press (USA) qui ne compte pas une centaine de soldats de la coalition et de milliers de civils irakiens Le 7 septembre également, alors que les deux otages français ne sont toujours pas libérés, deux Italiennes d’une ONG humanitaire ont été enlevées dans leur bureau par un groupe puissamment armé qui venait explicitement les kidnapper. Pratiquement toutes les ONG quittent désormais l’Irak.
Les combats connaissent un regain de violence et Donald Rumsfeld, ministre de la défense, lui-même a déclaré que « l’activité de la rébellion risque de s’intensifier dans les mois prochains, à l’approche des élections »,
Mourir pour qui, pour quoi ?
Pour le quotidien américain New York Times « Rumsfeld a admis que les Américains n’ont pas réussi à étouffer une rébellion de plus en plus organisée dans les zones sunnites et dans certaines enclaves chiites ».
« où s’arrête la mission des Américains ? » s’interroge de son côté le Los Angeles Times, conscient de ce que. « Les Américains ne gagneront pas une guerre d’usure » : « Jusqu’où les troupes américaines sont-elles censées reconstruire ? Doivent-elles installer la démocratie ? Ou alors les Américains se contenteront-ils de n’importe quelle forme de stabilité politique ? ». « D’autres Américains vont mourir. Les soldats méritent de savoir ce qu’ils sont supposés accomplir à ce prix. »
Le terrorisme continue
Pendant ce temps, les enlèvements continuent (ont parle d’une centaine), les ravisseurs se rendant même dans les bureaux et au domicile des personnes qu’ils souhaitent enlever. Le pays est le victime quotidiennement d’attentats à la voiture piégée ou de tirs de mortier de la part d’insurgés. Le rapport d’évaluation des services du renseignement américain envisage pour 2005 plusieurs scénarios : le plus noir prévoit la guerre civile, le plus optimiste évoque une persistance de l’instabilité.
La guerre fut, somme toute, assez facile. L’après-guerre est de plus en plus difficile à maîtriser.
Pendant que les Américains s’enlisent en Irak, le terrorisme international se développe : attentats, voitures piégées, massacres dans des pays qui, théoriquement, ne sont pas en guerre. L’occupation en Irak sert de prétexte à ces déferlements barbares. Aucun pays n’est épargné, aucune organisation n’est épargnée, même pas les ONG humanitaires.
Et pendant ce temps-là on oublie le drame des Palestiniens, emmurés chez eux ou chassés de leurs terres ....
Ecrit le 29 septembre 2004 :
Le sang des oubliés
Mille soldats américains tués. Mais combien de non-américains ? « Le problème, c’est que les morts des opposants et même des innocents sont rangées, elles, dans la colonne des dommages collatéraux et n’obtiennent même pas un moment d’attention à la bourse des sangs. Car il y a différents prix pour le sang humain. » écrit Laurent Laplante au Québec
On parle de douze ou treize mille décès de civils irakiens, une vingtaine de milliers de soldats irakiens tués, plus de cinquante mille militaires irakiens blessés grièvement.
« Cités à côté des nécrologies étatsuniennes, les chiffres applicables aux Irakiens témoignent jusqu’à l’indécence d’un racisme mal contenu. C’est, en effet, au nom des 3 000 morts de septembre 2001 qu’on s’en est pris à un pays dont la culpabilité dans cette horreur n’a jamais été établie et qu’on a tué cinq ou dix fois plus d’êtres humains. Cette comptabilité morbide rappelle celle d’Israë l abattant trois ou quatre Palestiniens pour chaque mort israélien et se drapant quand même dans le prétexte de la légitime défense. Certaines morts crient plus fort que d’autres. »
« Ne restreignons pas ces comparaisons aux seuls États-Unis. Avec raison, on déplore l’assassinat d’un journaliste italien et l’enlèvement de deux journalistes français, mais quel média occidental s’est donné le mal de publier les noms des douze travailleurs népalais exécutés au cours des mêmes semaines ? Pourquoi troubler nos consciences éminemment sélectives ? »
200 dollars par cadavre
« Cette odieuse disparité entre les décès dignes de mention et ceux qui n’atteignent pas notre conscience conduit, en vertu d’une logique raciste, à un déséquilibre scandaleux entre la valeur d’une vie étatsunienne et celle des étrangers pris pour cible. Les familles des victimes étatsuniennes de septembre 2001 ont reçu ou recevront des sommes qui ne compensent certes pas la perte des disparus, mais dont l’ampleur ressemble à ce que des tribunaux généreux auraient accordé et qui auraient valu de sympathiques » commissions " à des dizaines d’avocats. Qu’ont reçu les familles des Afghans tués quand des bombes étatsuniennes ont transformé en hécatombe les joyeuses festivités d’un mariage ? Deux cents dollars par cadavre, soixante-quinze par blessé. A la bourse du sang, le cours n’a pas valorisé les victimes anonymes.
Tout au plus admet-on alors une nuance entre la bavure et les dommages collatéraux. La bavure peut valoir quelques dollars aux familles décimées, les dommages collatéraux ne provoquent ni regrets ni compensations. « 15000 morts à Bhopal » Le nombre de personnes empoisonnées à Bhopal par la faute de l’entreprise Union Carbide est effarant : 15 000 morts, un demi-million de personnes souffrant de séquelles diverses. Cinq fois plus de morts que lors des attentats de septembre 2001, mais compensations cruellement différentes. A croire que deux pompiers new-yorkais valent plus, à la bourse du sang, qu’un millier de parias de l’Inde. « » Sur cette lancée, on se demandera pourquoi Vladimir Poutine verse si peu à chacune des familles ossètes frappées de deuil par sa politique aussi musclée qu’erratique. Selon les standards occidentaux et même dans des pays moins avocassiers que les États-Unis, cela ressemble à une obole. "
La bourse du sang
Les milliers de morts de Haïti, suite au cyclone « Jeanne » ne provoquent pas la compassion internationale. Si les eaux contaminées par les cadavres provoquent des épidémies, de nombreux hommes mourront bientôt. Mais l’aide internationale hésite à se déployer. La mort d’un Haïtien, comme la mort d’un Palestinien, que voulez-vous, c’est la fatalité. On s’habitue ...
Dans ... s’habituer ......il y a tuer . Les frontières de l’intolérable sont extensibles à l’infini ...
" A la bourse du sang, nos sociétés vivent avec la certitude qu’une vie vaut plus cher si elle s’incarne du bon côté de la prospérité. L’ouragan n’a pas fini sa course en sol étatsunien que déjà les calculs font valser les milliards en mesures d’urgence. S’il y a des morts, les médias canadiens vérifieront en priorité leur origine : s’il y a des Canadiens parmi les victimes, les détails se multiplieront. Mais les morts infiniment plus nombreuses qui ont pu survenir dans la population misérable d’une île voisine demeureront à l’état de chiffres froids.
Quand une vie afghane ou irakienne est évaluée à deux cents dollars et celle d’un Européen ou d’un Étatsunien à quelques millions, il serait souhaitable que les consciences se réveillent. Et s’il faut, pour ajouter une décimale à la longévité canadienne, oublier le reste du monde, cela aussi invite à la réflexion ".
Laurent Laplante
Canada
http://cyberie.qc.ca/dixit/20040913.html
Ecrit le 17 novembre 2004 :
100 000 morts, pour rien ?
Une étude publiée dans The Lancet
A l’heure où les troupes américaines d’occupation en Irak bombardent Falloujah, et où l’on parle de 600 morts irakiens et d’une vingtaine du côté américain, il n’est pas inutile de rappeler l’étude publiée par la prestigieuse revue de médecine britannique The Lancet, le 29 octobre 2004.
L’étude porte sur une comparaison de la mortalité au cours des 14,6 mois précédant l’invasion de 2003 par rapport aux 17,8 mois qui la suivent. Les chercheurs ont interrogé 988 ménages irakiens répartis dans 33 régions de l’Irak. Ils ont recueilli toutes les données concernant le décès de personnes depuis janvier 2002. La date, la cause et les circonstances de ces décès, y compris ceux survenus dans un contexte de violence, ont été notées et étudiées.<
Le résultat d’ensemble de cette enquête scientifique peut être résumé de la sorte : après l’invasion par les Américains, le risque de mort était 2,5 fois plus grand qu’avant mars 2003. Mais si la comparaison exclut la région de Falloujah - où est intervenu le plus grand nombre de morts violentes - le taux de mortalité ne serait que de 1,5 fois plus élevé.
En prenant comme référence le taux de 1,5, les chercheurs aboutissent au nombre suivant : 98 000 personnes sont décédées en Irak suite aux effets du conflit, et de l’occupation. Ce chiffre serait beaucoup plus élevé si la région de Falloujah était prise en compte dans le relevé statistique.
dégâts collatéraux
Contrairement à ce que beaucoup de médias laissent comprendre, une attaque des forces d’occupation contre une ville comme Falloujah ne provoque pas seulement des morts et des blessés par simple effet de bombardement, mais aussi suite à l’obligation de la population de fuir vite et massivement une ville. Ce sont quelque 250 000 personnes qui ont été contraintes de s’enfuir de Falloujah au cours des dernières semaines. Ce terrorisme d’Etat est peu évoqué et ses effets sur la population ne ressortent pas dans les clips télévisés.
Les civils en
première cible
Le directeur de la revue Lancet ajoute : " En planifiant cette guerre, les forces de la coalition - spécialement celles des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne - ont dû prendre en considération les possibles effets de leurs actions sur la population civile... "
" L’invasion de l’Irak, le renversement d’un dictateur cruel et la tentative d’imposer une démocratie libérale par la force ont, par eux-mêmes, été insuffisants pour amener la paix et la sécurité à la population civile. L’impérialisme démocratique a conduit à plus de morts et non pas à moins de morts. "
" Cette politique et l’impéritie militaire continuent à provoquer nombre de blessés parmi les non-combattants ".
Odeur de Vietnam
L’actualité - l’offensive contre Falloujah - rappelle certains aspects de la guerre du Vietnam : il fallait détruire des villes pour les sauver du contrôle des combattants, à l’époque les " Vietcongs ", terme ayant une forte connotation raciste et anticommuniste. Aujourd’hui les " disciples de Zarkawi "
Aujourd’hui encore, la détermination militaire et le déploiement d’un armement sophistiqué et massif, sont présentés comme un moyen tout à fait acceptable d’imposer une politique. Les morts civiles sont déplorées. Mais elles ne comptent pas vraiment. Les civils prennent en quelque sorte le risque d’être tués s’ils ne prennent pas l’exil, avec tout ce que cela signifie d’insécurité, de danger, de dénutrition, sans parler même des moyens matériels dont il faut disposer pour s’enfuir d’une ville qui va subir un assaut.
A Falloujah, un des premiers objectifs des forces d’occupation a été l’hôpital. La BBC World a montré quelques images. En détruisant et neutralisant un hôpital, il est clair que les forces d’occupation s’épargnent aussi des clichés qui se répandent vite dans les médias et montrent des civils, hommes, femmes et enfants, déchiquetés par les bombardements et soignés avec des moyens plus qu’élémentaires.
Il faut avoir à la mémoire la célèbre formule du général Tommy Franks qui dirigeait initialement les opérations d’occupation : " Nous ne sommes pas là pour compter les morts."
Faudra-t-il attendre 40 ans ou 50 ans pour que les raisons et les modalités de l’occupation coloniale de l’Irak soient mises au jour ? Et pour qu’on évalue les conséquences à long terme ?
Source : revue politique mensuelle,
Lausanne , 9 novembre 2004
Ecrit le 7 septembre 2005 :
Bagdad :
Un millier de morts, autant de blessés, d’un seul coup d’un seul ! Les terroristes ont gagné. Ils n’ont même plus besoin de tirer : les gens se tuent tout seuls !
Le 31 août 2005, plusieurs milliers de pèlerins chiites se rendaient à la mosquée Kazimia à Bagdad (Irak) pour célébrer le martyre de Moussa al Kazim lorsqu’une rumeur a fait état de la présence d’un kamikaze. Les pèlerins, pris de panique, se sont jetés dans le Tigre et se sont noyés.
Ecrit le 21 septembre 2005 :
Al Qaeda en pointe dans la lutte contre le chômage
Abou Moussab al-Zarqaoui, le célèbre spécialiste de l’évènementiel iraquien, vient de dévoiler à la communauté internationale béate d’admiration un nouveau procédé destiné à lutter contre un des fléaux majeurs de nos sociétés occidentales : le chômage.
Si la pratique de l’élimination virtuelle des chômeurs est, de longue date, parfaitement maîtrisée par les pouvoirs publics et instituts statistiques, Al Qaeda a, le 14 septembre, apporté un plus qualitatif indiscutable au procédé en réussissant le tour de force suivant : exploser leur gueule, pour de vrai, sans trucages, à tous ces chômeurs qui chôment.
La démarche, avant-gardiste, a attiré tout particulièrement l’attention de notre secrétaire d’Etat chargé délégué à l’emploi et au génie militaire : " On oublie souvent la réalité vécue du chômage. Un demandeur d’emploi ne peut pas être réduit à une statistique. Derrière chaque chômeur, il y a un homme. Al Qaeda a brillamment pris ce facteur en compte ".
On le sait, " tout n’a pas été tenté " contre le chômage, et notre brave gouvernement n’a jamais caché qu’il faudrait peut-être s’inspirer d’exemples étrangers pour le vaincre.
Nos clairvoyants ministres se sont donc penchés sur les détails de la méthode employée, dont l’on sait déjà qu’elle a nécessité l’embauche temporaire d’un intermittent du spectacle qui se serait présenté auprès de ses futures victimes, pour la plupart des ouvriers chiites pauvres du bâtiment, comme un employeur. ." Il est arrivé dans une Opel et a appelé les ouvriers comme pour leur proposer du travail. Il a ensuite fait exploser son véhicule ", explique le Figaro. Notre brave gouvernement examine actuellement la possibilité de transposer à la France ce procédé, en privilégiant cependant l’emploi d’un véhicule de fabrication nationale .
Source : http://bravepatrie.com/breve.php3?id_breve=441
Irak : le choc des photos ne choque plus
Dans la société du XXIe siècle, la violence est omniprésente. Que ce soit celle d’un bande de fous qui s’intitule « le gang des barbares » (dont a été victime le jeune Ilan Halimi), que ce soit celle des supporters du même club de football (PSG) qui se battent entre eux faute de trouver d’autres adversaires, que ce soit celle de jeunes qui s’attaquent aux vieux, ou de vieux qui ne supportent plus les jeunes ....ou d’hommes et de femmes qui jouent à la violence conjugale. Il semble que le monde soit plus violent qu’autrefois et que la violence, en se banalisant, devienne plus ... acceptable !
Mercredi 15 février 2006, la chaîne publique de télévision australienne a diffusé de nouvelles images de tortures dans la prison irakienne d’Abou Ghraib, encore plus atroces que les précé-dentes, qui avaient provoqué un choc mondial il y a deux ans.
La publication est intervenue trois jours après la sortie au Royaume-Uni de bandes-vidéo sur lesquelles des hommes des troupes spéciales britanniques gagnent « les cœurs et les esprits » à Bassorah en massacrant à coups de pied des adolescents irakiens.
Le plus étonnant, dans toute cette affaire, est l’absence de réactions propor-tionnelles à l’horreur des images. Plusieurs heures après leur diffusion à Sydney, elles ne suscitaient que quelques commentaires de pure forme. Peut-on s’habituer à la torture ?
« Le fait est que le climat est à l’accou-tumance en Occident. Comme si l’on avait admis que l’antiterrorisme, nouvel évangile post-11 septembre comporte inévita-blement des dégâts collatéraux, d’Abou Ghraib à Guantanamo, en passant par les »sites noirs« de la CIA » écrit Serge Enderlin dans « Le Temps » (Suisse)
Russie aussi
En Russie, le bizutage militaire est monnaie courante et les décès de jeunes soldats se comptent par centaines (en 2005 il y aurait eu 276 suicides et 857 « décès hors combat », dus au bizutage). Un cas parmi d’autres : le 1er janvier 2006 un jeune soldat d’une unité de blindés de Tcheliabinsk dans l’Oural a été roué de coups par d’autres militaires. Il a dû être amputé des deux jambes et de ses organes génitaux. Le jeune conscrit a aussi dû attendre trois jours avant d’être hospitalisé.
Le ministre de la défense, Sergueï Ivanov a tenu à rassurer ses parents : « Une enquête sera menée ». Cela ne sauvera pas ce jeune handicapé à vie.
Tu seras un homme mon fils ....
Si tu survis aux sévices !
Tortures en Irak
Le choc des photos ne choque plus
Diaporama Le Figaro : retour sur 3 ans de guerre - 20 mars 2003-20 mars 2006
Voir aussi : Lynndie-England-monstre-ou-victime
Comment fabriquer une information objective ?
(Voir aussi de nombreux échos dans « Grappillages »)