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(écrit le 19 mars 2003)
Irak : mini-nukes et maxi-bombe
Incroyable M.Bush ! Incroyable M.Blair ! La lecture des grands médias internationaux ne cesse d’étonner.
Expulsion : Le président G.W.Bush a demandé à 60 pays d’expulser 300 ressortissants irakiens, en prétendant qu’ils pourraient participer à des activités terroristes dirigées, dans ces pays, contre les Américains.
début février, un journaliste irakien en poste à New York, où il suivait les activités de l’ONU, a été expulsé avec sa famille, sans que le motif de cette mesure soit expliqué par les autorités américaines.
Fausses pistes : les inspecteurs chargés, sur le terrain, de contrôler l’armement des Irakiens, se montrent agacés par les « fausses preuves » avancées par les services anglo-américains. Le directeur général de l’AIEA (agence internationale de l’énergie atomique) a établi l’existence d’un faux dans l’un des documents qui ont servi à l’accusation contre l’Irak : celui qui concerne les tentatives de l’Irak pour se procurer de l’uranium au Niger.
Juristes : seize juristes, professeurs de droit international, ont signé une lettre dans The Guardian (Londres) pour dire « il n’y a aucune justification dans la législation internationale à l’usage de la force militaire en Irak ». Près de 300 spécialistes du droit international ont signé un appel commun dans le quotidien espagnol El Mundo en disant que l’emploi éventuel de la force doit toujours être soumis à l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU.
Veto : Tony Blair (Angleterre) a déclaré qu’un veto français, au Conseil de sécurité de l’ONU, serait « déraisonnable ». Des juristes constatent que le caractère « déraisonnable » d’un veto n’a aucun fondement dans la loi internationale « et rappellent que si la France a exercé 16 fois son droit de veto, l’Angleterre l’a fait 32 fois depuis 1945 ! Etait-ce donc déraisonnable ? Les Etats-Unis l’ont exercé, eux, 76 fois, la dernière fois c’était le 20 décembre 2002, quand les USA se sont opposés à un projet de résolution, qui avait recueilli 12 voix sur 15 et qui condamnait Israë l pour » les meurtres de plusieurs employés des Nations Unies ". Il n’était pourtant pas question d’aller bombarder Israë l...
Contre : tout l’argument des USA se résume à ceci : si vous n’êtes pas de mon avis, c’est que vous êtes contre moi, contre ma sécurité, contre mes intérêts. Comme si l’Irak, affaibli par 12 ans d’embargo et de bombardements incessants, pouvait menacer les USA. Le terrorisme, oui, peut menacer les USA, mais il suffit d’une poignée d’hommes résolus pour faire de grands dégâts (on peut même le voir en France quand des truands attaquent la prison de Fresnes !) et il ne faut pas mitrailler une population civile, à 50 % composée de jeunes, pour espérer se débarrasser de quelques terroristes. Il faudrait aussi attaquer le terrorisme à sa source : voir en cela le texte « Dîtes la vérité » (page suivante). Mais c’est plus difficile que de faire la guerre.
Mini-nukes : les USA entendent lutter, y compris par la menace de l’emploi de la force, contre les pays qu’ils accusent de contribuer à la prolifération des armes nucléaires dans le monde. Et en même temps, les USA ont prévu de consacrer 21 millions d’euros, en 2003-2004, pour concevoir des armes nucléaires miniaturisées (appelées mini-nukes). Le problème, c’est qu’ils ont besoin de les tester en vraie grandeur. Pourquoi pas en Irak ?
Maxi-bombe : Les forces aériennes américaines ont testé mardi 11 mars, avec succès, la bombe conventionnelle la plus puissante dont elles aient jamais disposé, : 9,5 tonnes, nécessitant, pour la larguer, un avion cargo C-130, elle est considérée comme la plus puissante bombe classique du monde, et la plus destructrice.
« c’est une arme psychologique », a déclaré Jake Swenson, un porte-parole de la base américaine. Psychologique, tu parles ! Elle crée au-dessus du point d’impact un nuage de gaz inflammable qui détruit tout . Des bombes de ce genre, plus petites, ont été utilisées en Afghanistan pour créer des clairières artificielles destinées à l’atterrissage d’hélicoptères. C’est dire la capacité de destruction, et les « dégâts collatéraux » qu’elle peut provoquer.
Turquie : Malgré le vote de refus du Parlement, les Etats-Unis poursuivent leurs débarquements de matériels militaires en Turquie, avec des convois de 30 à 40 semi-remorques, chargés de véhicules militaires. Bush veut instaurer la démocratie en Irak. Mais la démocratie ne con-siste-t-elle pas, à défaut de celle du peuple, à respecter la volonté des élus ?
Masques à gaz : selon la deuxième chaîne de télévision israélienne, l’armée avendu aux travailleurs immigrés d’Israë l, pour 40 dollars (plus de 250 F), des masques à gaz qu’elle avait mis au rebut. Le fait a été découvert lorsqu’un homme a téléphoné successivement en se faisant passer pour israélien et pour étranger. Dans le premier cas, on lui a refusé le masque, expliquant qu’il ne protégeait plus contre l’attaque de missiles non conventionnels. Dans le second cas, on a bien voulu le lui vendre. ...
défense des Poulets : On prête au Pentagone l’intention d’utiliser des poulets pour détecter l’emploi éventuel d’armes chimiques lors d’une guerre en Irak. Aux UISA une organisation de défense des poulets a écrit au président Bush, s’inquiétant de ce que les premiers poulets envoyés au Koweit étaient morts pour une raison inconnue.
« Beaucoup de poulets mourront simplement de stress si on les transporte dans un désert transformé en champ de bataille (...) Ils mourront de faim, de soif, de manque d’oxygène », a-t-elle prédit. Il en sera peut-être de même des enfants, des vieillards, des femmes ...?
Trouille : C’est ultra-sérieux : deux colons israéliens ont eu l’idée de proposer un séjour touristique inédit pour apprendre « à combattre le terrorisme » Pour 5500 dollars (soit 36 000 F) ils proposent à leurs clients de patrouiller la nuit dans les colonies juives cibles d’attaques palestiniennes, avec des expériences saisissantes comme « le close-combat, le tir à la mitrailleuse M-16 ou à la mitraillette Uzi, ainsi que la découverte de la forte sensation de porter une ceinture d’explosifs ». le premier séjour, qui débutera le 4 mai, comporte 25 inscrits. (info Politis du 13 mars 2003).
19 mars 2003
Poème :
Une minute à peine
Cambrés , profonds, calices ouverts, les rameaux ont atteint le ciel mal prononcé. L’orage est avancé. Devant tant de misères que faut-il espérer ?
Les sables ont émoussé les pas marqués sur terre. Et les vents de travers bousculent les feuillages. Tout est sec, crevassé, les linteaux des toitures, brisés par la surcharge, les murs de marne dure s’effritent au soleil.
Soudain jaillit la plaie ouverte, rouge, vibrante et dévoyée.
La guerre et le regard. L’enfant brun empalé. L’asphyxie d’innocents.
L’été n’existe pas. Pourtant beaucoup l’ont vu, sur leurs peaux si hâlées des rayons vont tracer les larmes des fusils. Il n’y aura pas de paix, les hommes crachent noir parce que les femmes prient. Dans la nuit étoilée se déplie la terreur, elle fait des filaments de sueur et de chair, dégoulinants aux arbres.
Il faudrait tous maintenant, une minute au monde, quelques faibles secondes que tous nous arrêtions. Concentrés en un seul et pénétrant silence pour ressentir en nous la mort d’un seul enfant. Le cri, l’éventration dans le cœur de la mère, la fureur comme un feu dans le thorax du père et cette éternité du manque à venir, les paupières fermées, au coin de l’Å“il le sang et le teint nacre et frais, le teint viré au gris, sans une seule ride. La petitesse aux poings, et les jambes arrachées, l’agonie d’un enfant venant nous réveiller. Et ce long hurlement que cogne la douleur.
Il faudrait tous ensemble quelques faibles secondes fermer les yeux, mourir, ressentir dans nos corps éprouvés, immobiles, muets, ce que serait ainsi crever de désespoir à la mort d’un petit, le nôtre, l’être aimé. Quand notre main soudain se ferme dans le vide. Le lit est dévasté, la place chaude, tiède, maintenant se refroidit et nos têtes enfouies dans l’espace évidé pleurent à jamais la vie que l’on vient massacrer. Il y a ce sifflement, ce bruit sourd et ce poids, la presse écartelant nos torses épuisés.
Une minute à peine contre la barbarie. Une minute à peine pour ne pas oublier ce que fut, ce qui est la joie, la joie de vivre pendant un bel été, et l’horreur de la mort.
Une minute à peine et nous serions sauvés....
© Béatrice Bouffil
(écrit le 26 mars 2003) :
La bombe
Voici une liste des pays qui ont été bombardés par les Etats-Unis depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, dressée par l’historien William Blum :
– Chine 1945-46
– Corée 1950-53
– Chine 1950-53
– Guatemala 1954
– Indonésie 1958
– Cuba 1959-60
– Guatemala 1960
– Congo 1964
– pérou 1965
– Laos 1964-73
– Vietnam 1961-73
– Cambodge 1969-70
– Guatemala 1967-69
– Grenade 1983
– Lybie 1986
– El Salvador 1980
– Nicaragua 1980
– Panama 1989
– Irak 1991-99
– Soudan 1998
– Afghanistan 1998
– Yougoslavie 1999
Dans combien d’entre eux ces bombardements ont-ils fait émerger un gouvernement démocratique, respectueux des droits de l’homme ? Aucun.
20 mars 2003 :
_ Pourquoi ?
Qu’est-ce qu’il veut, Bush ? Les propos de Denis Sieffert, éditorial de Politis, sont terribles :
« Les apprentis sorciers de la Maison Blanche et du Pentagone veulent refaire les accord de Sykes-Picot de 1916 et le traité de Sèvres de 1920, par lequel les grandes puissances se partagèrent les dépouilles de l’empire ottoman. Ils veulent redessiner les frontières, redistribuer les richesses » (...) Et ce programme fou, qui n’accepte qu’un semblant d’Etat palestinien, minuscule et agenouillé, « suppose aussi que les Etats-Unis fassent leur affaire de la Syrie, et de l’Arabie Saoudite, en attendant peut-être l’Iran. ».
Une période d’instabilité profonde s’est ouverte ce 20 mars 2003.