Ecrit le 1er septembre 2010
Réussite ... doutes ... espoir
Le Congrès des Verts/Europe-Ecologie s’est tenu à Nantes fin août 2010 et une conférence de presse a eu lieu, près de Châteaubriant, dans la ferme de La Pignerie, chez Marcel et Jeannick Jolivel, le 19 août, en présence de Serge Morin, vice-président de la Région Poitou-Charentes, François Dufourd et René Louail, conseillers régionaux de Basse Normandie et Bretagne, Christophe Dougé, conseiller régional Pays de Loire, Mona Bras conseillère régionale de Bretagne et bien sûr José Bové, député européen, avec la participation de Patrick Derval, Maire de Ercé en la Mée et de Yvon Meslet Président de la Com’Com’ de Moyenne Vilaine et Semnon.
« Ici, dans la famille, il y a des candidats à l’installation et c’est réconfortant quand on voit des outils de cette qualité » a déclaré René Louail. La conférence de presse se tenait en effet dans une vaste stabulation au milieu des prés, avec approbation sonore des vaches voisines. Les échanges ont porté sur les paysans, qui ont de plus en plus de difficultés à traverser les crises. « Les Régions doivent éviter qu’on continue à vider les campagnes ». En 1979, il y avait 906 000 exploitations agricoles de plus de 5 ha. - en 2008, il n’en reste que 391 000 et la diminution se poursuit au rythme de 3 % par an.
Trente ans de travail
Marcel Jolivel a fait le bilan de 30 ans de travail. « Nous nous sommes installés en 1981 avec un élevage de génisses laitières. Mais en 1983, avec la mise en place des quotas laitiers, nous avons dû changer de production et passer à l’engraissement à l’herbe de taurillons de race laitière ». En 1990, Marcel Jolivel devient naisseur-engraisseur avec un troupeau de vaches allaitantes de race limousine. Son système de production est basé sur la valorisation de l’herbe pâturée, en complémentant avec du fourrage acheté à l’extérieur. Dans les années 2000, il compte jusqu’à 100 mères. C’est la période aussi où, sur 10 ans, il procède à la plantation de haies bocagères.
2007, augmentation du prix des céréales : « nous avons pris la hausse, de plein fouet. Ce ne fut pas une crise passagère. En 2009 nos résultats étaient nettement en baisse : moindre consommation de viande et augmentation des arrivages de viande d’Amérique du Sud. Et maintenant : la sécheresse qui se prolonge. Les prairies sont des paillassons ». Marcel Jolivel a dû vendre 40 vaches en juin 2010. Les autres, il les rentre à l’étable et les nourrit comme en hiver « pour ne pas sur-pâturer les prairies ». Ces choix lui permettent d’avoir des animaux sont en bon état, il peut les vendre correctement. Mais demain ?
« Nous sommes dans une filière longue : nous ne maîtrisons pas le prix de vente des animaux. Les cours de la viande baissent et en même temps le prix des céréales et du fourrage augmentent et là encore nous ne maîtrisons rien ». La perte en herbe est estimée à 60 %. Avec celle du maïs, il va manquer 250 tonnes de matières sèches. Si le fourrage évolue de 120 € à 180 € la tonne, la perte financière sera de 30 000 à 45 000 euros. « Et nous avons encore le luxe de pouvoir vendre quelques vaches de plus ». Marcel Jolivel et son épouse constatent que leur système de production est durement remis en cause. Echec ?
Des œufs et des fraises
Eh bien non, car Marcel et Jeannick ont transmis à leurs deux filles l’amour du métier.
Marie s’est implantée en 2008 avec un atelier de 200 poules pondeuses en bio. La production est satisfaisante : Marie a maintenant trois poulaillers mobiles de 200 poules chacun. Et puis Thimothée, son conjoint, a lancé une production de fraises et là aussi c’est intéressant. « Il y a quelques années encore, j’étais très sceptique sur ce type de production » avoue Marcel Jolivel « mais je constate que cela fonctionne ». Pourtant les nouvelles activités ont été mises en place facilement et ne dépendent d’aucune subvention. « Par simplicité, nous avons le statut de salariés mais la rémunération de chacun se fait selon la rentabilité de son propre atelier » explique Marie chez qui, manifestement, les idées ne manquent pas. « Nous avons planté des pommiers, comme ça, sur le même terrain, nous produisons des pommes et des poules ». Un quatrième producteur devrait s’installer prochainement, avec des brebis laitières en vente directe.
Ce système a constitué une sorte de période d’essai, laissant le temps à chacun de construire et évaluer ses projets.
L’espoir renaît donc avec une découverte (re-découverte) intéressante : l’importance de la main d’œuvre. Avec fougue Marie explique : « On croit que la main d’œuvre est une charge, mais c’est aussi une richesse. D’une part elle crée du lien social et permet à l’un ou à l’autre de se libérer du temps quand il en a besoin. Mais aussi, elle crée de la valeur ajoutée. Nous fonctionnons dans une démarche d’entraide et d’échange de savoir-faire. Chacun de nous est maître de ses choix mais trouve une oreille attentive et confiante auprès des autres. Et puis, six à huit bras : c’est commode quand il y a des travaux à partager ! ». Marcel commente encore : « Et j’ai découvert qu’il vaut mieux avoir une multitude de petits clients qu’un gros client qui peut vous laisser tomber du jour au lendemain ».
Le rôle des Régions
Les élus ont ensuite expliqué leurs actions. En Poitou-Charentes, il y a des actions sur le foncier, un conservatoire des Espaces Naturels, des aides pour l’installation des jeunes et pour les circuits courts à condition qu’ils répondent à des critères de qualité et d’emploi. « Nous avons même racheté une laiterie pour produire du lait et du beurre « équitables et solidaires » dit Serge Morin. Pour François Dufourd, le déficit en fourrages met les producteurs de lait en difficulté, y compris les très grandes exploitations. « Nous souhaitons une régionalisation des aides de la PAC, politique agricole commune, et davantage d’aides pour les exploitations qui consomment plus d’herbe et moins de maïs et moins de produits venant du Brésil ou d’ailleurs où l’on cultive du maïs et du soja, pour l’exportation, en privant les habitants de nourriture ».
Christophe Dougé explique, lui, que la Région Pays de Loire incite à l’installation en bio, au développement de l’alimentation bio dans les collectivités (et pas seulement un jour par semaine !) et à la commercialisation de proximité (circuits courts).
Mona Bras, en Bretagne, se désole de voir des communes où il ne reste qu’un seul paysan, souvent en situation de faillite. « S’il ne reste plus ni commerçant, ni paysan, comment maintiendrons-nous les populations ? Et les services publics ? ». Elle plaide, elle aussi, pour une régionalisation de la PAC et une réorientation des aides, vers davantage de mutualisation.
Patrick Derval et Yvon Meslet, élus locaux, rappellent le temps où fonctionnait la Mine de Fer de Teillay-Rougé, « les agriculteurs avaient, alors, deux métiers ». « Maintenant nous veillons à ne pas faire disparaître des terres agricoles, et en même temps nous avons besoin de développer des activités industrielles. Nous avons une politique de réserves foncières … mais nous ne comprenons pas pourquoi il y a des terres agricoles, de bonnes terres, non exploitées » « Nous travaillons sur la reconquête du bocage en plantant 30 km de haies par an. Nous avons réussi, en bonne intelligence avec tous les propriétaires, à mettre en place un périmètre de protection des eaux ».
Tout cela, c’est de l’écologie pratique, sur le terrain.
José Bové à Ercé en La Mée
José Bové s’est ensuite exprimé sur son rôle de député européen. « Dans le Larzac, d’où je viens, nous avons réglé la question du foncier en permettant aux jeunes d’être locataires. Nous avons pu ainsi installer 25 % de jeunes en plus, et sur la même surface que précédemment, en développant la diversification des productions et les circuits commerciaux courts. Le modèle d’exploitation qu’on a voulu nous imposer depuis 50 ans, a montré qu’il ne fonctionnait pas. Les paysans travaillent dur, et longtemps, pour en arriver à la faillite, car nous sommes victimes de la spéculation.
La Commission Européenne voudrait relancer une négociation avec les Pays du Mercosur (Marché commun du Sud des pays d’Amérique Latine) mais nous savons que cette concurrence se fera au détriment des agriculteurs européens, sans pour autant améliorer la vie des paysans de ces pays. A l’unanimité, le Parlement Européen s’est prononcé … contre.
Trois propositions
Moi, avec mes collègues proches des Verts et de Europe Ecologie, j’ai proposé trois mesures :
1 - arrêt de la spéculation sur les matières premières agricoles, comme ce qu’on voit maintenant sur les céréales. Nous ne sommes pas en situation de pénurie, les stocks mondiaux sont élevés, c’est la spéculation, et elle seule, qui fait monter les prix ! (1)
2 - mise en place d’un observatoire des coûts de production. Cela existe aux USA, pas en Europe. Cet outil permettrait une modulation des aides.
3- transparence des grandes entreprises de consommation. Nous voulons savoir pourquoi la baisse des prix chez les paysans n’entraîne jamais une baisse des prix de l’alimentation.
Et José Bové a poursuivi :
« La distribution des aides de la PAC est injuste, inacceptable. Il n’est pas normal de se baser sur des références « historiques », de donner des fonds à des agriculteurs qui ne produisent plus ! La répartition des aides doit valoriser l’emploi.
L’agriculture doit nourrir les humains, sinon on dérape. Actuellement l’Europe importe l’équivalent de 32 millions d’hectares en maïs, en soja, à partir de pays où de grands propriétaires pratiquent la spéculation pour s’enrichir, tandis que les peuples ne mangent pas à leur faim. Et tout ça pour nourrir nos volailles et nos cochons et ne pas assurer un revenu convenable à nos paysans ! On marche sur la tête !
Si l’Europe consacrait 7 % de sa surface à la culture de céréales, nous pourrions diminuer de 41 % notre dépendance !
Une minorité de gens se goinfrent sur le dos des éleveurs. L’Etat doit intervenir pour verser aux éleveurs une partie des aides attribuées aux céréaliers, sinon une grande partie des éleveurs ne passeront pas le cap de la crise »….
Ecrit le 1er septembre 2010
Lait : a minima
Dans le domaine du lait, l’avenant conclu le 18 août 2010 fait état d’une augmentation du prix de 10 % qui ne compensera pas la baisse enregistrée en 2009 et au premier semestre 2010. Pour de très nombreux producteurs fragilisés, cet accord a minima est synonyme d’un arrêt de la production.
Les difficultés trouvent leur origine dans les critères utilisés pour définir le prix du lait et particulièrement dans le mauvais accord, signé en juin 2009, par la seule Fnsea pour représenter les producteurs.
Mauvais, incomplet, vulnérable, cet accord a mis la majorité des producteurs laitiers dans une position de vente à perte.
L’avenant ne fera pas mieux d’autant plus que la FNSEA-FNPL a lâché une fois de plus sur l’arrimage du prix du lait au marché allemand. Cette dernière disposition entrainera certainement une baisse du prix du lait dès 2011, notamment à cause des coûts de production actuellement moins élevés en Allemagne.