Accueil > Thèmes généraux > Familles > Mariage-pour-tous, l’émotion de Christiane Taubira
Ecrit le 30 avril 2013
Le 18 septembre 1981, à l’Assemblée Nationale, sur proposition de Robert Badinter, les députés controversent avec passion au sujet de l’abolition de la peine de mort. Il faudra plusieurs heures pour arriver au vote final. Sur les 482 députés qui se prononcent, 369 votent pour l’abolition et 113 contre. Ce vote donnera lieu à la loi d’abolition le 9 octobre 1981. Grande réforme.
Le 23 avril 2013, l’assemblée nationale votait le droit au mariage pour tous.
331 contre 225
De Ouest-France du 24.04 : Les députés ont adopté, le 23 avril, le mariage entre personnes de même sexe. A gauche, on applaudit à tout rompre en scandant « égalité, égalité ». Sur le banc des ministres, Christiane Taubira est ravie.
A droite, c’est le dépit et la frustration. L’opposition a ferraillé en vain en faveur d’un référendum et d’un projet d’union civile. Elle a perdu la bataille du sénat à six voix près.
La gauche n’a pas varié dans sa défense de l’égalité pour tous. La France est ainsi le neuvième pays européen à adopter le mariage homosexuel et le quatorzième pays au monde.
Ce fut le face-Ã -face, sans compromis possible, de deux conceptions du mariage. A droite, on défend une institution qui doit être immuable, garante de la filiation biologique. A gauche, le mariage est un contrat civil, protecteur, qui doit bénéficier à tous les couples et à tous les enfants au nom de l’égalité républicaine.
Ces cinq mois de débat ont divisé les Français, sans doute. Mais malgré l’ampleur des manifestations, l’opinion publique, selon les sondages, est restée majoritairement favorable au mariage des couples de même sexe, et plus réservée concernant l’adoption des enfants.
Compte-rendu officiel
Claude Bartolone Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 566.
Suffrages exprimés 556
Majorité absolue 279
Pour l’adoption 331
contre 225
(Le projet de loi est adopté.)
Claude Bartolone : Après cent trente-six heures et quarante-six minutes de débat, l’assemblée nationale a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. La parole est à Mme la Garde des Sceaux, ministre de la justice. (Acclamations sur les bancs de la gauche.)
[Le discours de Christiane Taubira >http://www.tetu.com/actualites/france/le-parlement-a-vote-le-mariage-pour-tous--23254]
Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, (parlant sans notes) :
Je dois avouer que je suis submergée par l’émotion. J’espère être néanmoins capable de vous dire combien je suis reconnaissante au Premier ministre et au président de la République de nous avoir offert la chance de conduire cette très belle réforme, de la conduire avec force, de la conduire avec la confiance constante du Gouvernement, de la conduire avec votre participation active, mesdames et messieurs les députés. Vous avez amélioré le texte. Vous l’avez enrichi. Vous avez été fortement présents, durant de longues nuits, stoïques, à entendre des propos parfois absolument insupportables qui heurtaient nos valeurs profondes et notre éthique. Mais nous avons eu aussi de très grands et de très beaux moments de démocratie. Nous avons vu dans l’opposition des parlementaires qui se battaient, qui faisaient valoir leurs positions fortes et fermes avec des arguments de fond. Nous leur en savons gré : ces interventions-là resteront aussi dans l’histoire.
Nous savons désormais que nous savons bâtir ensemble. Nous savons que nous n’avons rien pris à personne. Nous nous sommes interrogés lorsque les premiers questionnements se sont exprimés dans la société ; nous nous sommes demandé si nos convictions suffisaient. Nous avons écouté attentivement les inquiétudes et les protestations, et nous nous sommes efforcés d’y répondre lucidement, franchement, clairement, en prenant appui sur le texte.
Nous nous sommes demandé ce qui était le plus précieux pour les couples hétérosexuels et les familles hétéroparentales. Nous savons que c’est d’abord le lien biologique, et nous n’y avons pas touché. Nous savons qu’ils sont très attachés à la présomption de paternité, et nous n’y avons pas touché. En revanche, nous avons amélioré l’exercice de l’autorité parentale et facilité son partage. Nous avons protégé des milliers d’enfants. Nous avons fait en sorte qu’ils puissent maintenir le lien avec un parent en cas de séparation conflictuelle, y compris hors mariage. Nous avons élargi, pour les futurs époux, la possibilité de choisir : eux seuls, non les maires : le lieu de la célébration du mariage. Nous savons donc que nous n’avons rien ôté à personne, qu’au con- traire nous avons reconnu, par ce texte, les droits de nos concitoyens dont la citoyenneté était sournoisement contestée, et aussi ouvert des droits à tous les autres couples.
c’est donc incontestablement un texte généreux que vous avez voté aujourd’hui, et nous vous en savons définitivement gré. Nous savons aussi qu’il faut parler à celles et ceux qui ont été blessés ces jours derniers par des mots, des gestes, des actes : leur dire qu’ils sont pleinement dans la société et que la responsabilité de la puissance publique est de lutter contre les discriminations, que c’est une exigence du pacte républicain. Lutter contre les discriminations, c’est évidemment ouvrir à tous les citoyens les dispositifs de droit commun ainsi que les plus belles institutions de la République.
Nous voulons dire en particulier aux adolescents de ce pays qui ont été blessés, désemparés ces derniers jours, plongés dans un désarroi immense, qui ont découvert une société où une sublimation des égoïsmes permettait à certains de protester bruyamment contre les droits des autres, nous voulons leur dire simplement qu’ils ont toute leur place dans la société ; que nous les reconnaissons à leur place dans la société, avec leurs mystères, avec leurs talents, leurs défauts, leurs qualités, leurs fragilités ; que c’est cela, la singularité de chacun d’entre nous, indépendamment de toute question sexuelle. Chacun d’entre nous est singulier. c’est la force de la société, c’est même la condition de la société, la condition de la relation dans la société.
Alors nous leur disons : si vous êtes pris de désespérance, balayez ces paroles qui vont s’envoler ! Restez avec nous, gardez la tête haute, vous n’avez rien à vous reprocher !
Nous le disons haut et clair, à voix puissante parce que, comme le disait Nietzsche, les vérités tues deviennent vénéneuses. Merci à vous tous.
Le Conseil Constitutionnel a validé la loi le 17 mai 2013
Retour sur les grandes dates de cette loi
Mais les « anti » ne désarment pas. Voilà ce qu’a écrit lemonde.fr après la manif du 26 mai 2013
démonstration de force des anti-mariage gay
Environ 150 000 participants selon la police, plus d’un million selon les organisateurs : la manifestation contre le mariage homosexuel, placée sous haute surveillance, a encore été massive le 26 mai à Paris. « Nous poursuivrons le combat partout en France », a lancé la présidente de La Manif pour tous, Ludovine de La Rochère, aux manifestants qui, en trois cortèges, avaient rallié en fin d’après-midi l’esplanade des Invalides. Apportant leur soutien aux « anti », plusieurs élus de l’UMP (Jean-François Copé, Henri Guaino, Laurent Wauquiez, Hervé Mariton, Brice Hortefeux) et du Front national ont pris part au défilé. Le président de l’UMP, Jean-François Copé, en a profité pour appeler les opposants au mariage gay à « transformer leur engagement sociétal en engagement politique », estimant que « le prochain rendez-vous serait dans les urnes », pour les élections municipales de 2014. Après l’appel à la dispersion, la plupart des manifestants sont partis. Mais quelques centaines de fauteurs de troubles ont défié les forces de l’ordre une partie de la soirée à coups de jets de bouteilles, de pavés, de barres de fer et de fumigènes, aux cris de « dictature socialiste », « journalistes collabos », « la France aux Français ». La police a interpellé 293 personnes, dont 231 devraient se voir notifier une garde à vue, a annoncé la préfecture de police. Six personnes ont été légèrement blessées, a précisé la préfecture. Manuel Valls avait déconseillé samedi « aux familles avec des enfants » de venir, du fait de la tension croissante. Hier soir, il a « condamné les violences causées par l’extrême droite ».
Ecrit le 20 novembre 2013
Le racisme contre Mme Taubira
Une réalité persistante
Le Point.fr du 13/11 : Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d’État des gouvernements Cresson et Bérégovoy, a estimé que « les langues se sont déliées », après la une de l’hebdomadaire Minute comparant Christiane Taubira à un singe. « La France n’est pas devenue raciste, la France a toujours été raciste. Sauf qu’il y a eu un moment où le racisme en France sous la République n’étant pas une opinion, mais un délit, les gens en avaient honte, ils en parlaient sous le manteau. Aujourd’hui, les langues se sont déliées parce qu’il y a eu quelques événements graves », a déclaré Kofi Yamgnane sur France Info.
« En particulier, je peux vous citer le discours de Sarkozy à Dakar qui dit : L’homme noir n’est pas rentré dans l’histoire. Ça veut dire que l’homme noir est resté un animal, l’homme noir est un sin-ge ! Aujourd’hui, les Français se sentent libres de pouvoir dire : Les Noirs sont des singes, Christiane Taubira est une guenon », a poursuivi l’ancien secrétaire d’État aux Affaires sociales et à l’Intégration (1991-1992), puis à l’Intégration (1992-1993), par la suite député PS du Finistère de 1997 à 2002.
La Une de Minute
Une enquête préliminaire pour injure publique à caractère racial a été ouverte sur la une de Minute. Cette une a suscité l’indignation du monde politique, à droite comme à gauche. « Moi, j’ai connu ça quand j’étais au gouvernement. Il n’y a pas eu d’attaques aussi violentes, mais il y en a eu. Elles étaient anonymes. (...) Les choses n’ont pas fondamentalement changé sauf qu’à ce moment-là ils se cachaient, ils avaient honte et aujourd’hui, ils ont pignon sur rue. La République française est en danger », a conclu Kofi Yamgnane, natif du Togo.
Le 15/11 Le Haut-Commissariat des droits de l’homme, une agence de l’ONU, a fermement condamné les attaques racistes contre Christiane Taubira
Nous ne reviendrons pas, cette semaine, sur l’abjecte Une du journal Minute, car nous avons relayé régulièrement les appels à éviter la haine et le racisme. Il faut savoir que, selon Le Figaro, la SARL SACEN, qui gère ce journal, a été mise en liquidation judiciaire le 27 mars 2013, après cessation de paiements le 31 décembre 2012. Faute d’acheteurs, il disparaît petit à petit des kiosques et cherche, à travers quelques coups de publicité, de redonner un coup de fouet à ses ventes. Ainsi, par exemple, il a récemment proposé en cadeau un bonnet rouge, devenu un symbole anti-Hollande, d’une valeur de 45 euros, à tout nouvel abonné. Il tente donc, à travers l’affaire Taubira, de se relancer. Il est soutenu par le quotidien présent, catholique traditionaliste, qui vient d’afficher sa « solidarité avec Minute » dans l’affaire Taubira, et par Rivarol, soutien de l’Union de la droite nationale, au positionnement plus satirique.