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Ecrit 20 juin 2018
La Fondation pour l’innovation politique,
la Fondation Gabriel péri, et le Fonds Actions Addictions, se sont associées pour réaliser une vaste enquête d’opinion sur un phénomène particulièrement préoccupant : les addictions chez les jeunes.
Alors que le plan national de mobilisation contre les addictions doit être bientôt rendu public, l’étude s’est intéressée aux jeunes de 14-24 ans en cette période de la vie s’accompagnant d’une multitude d’évolutions physiologiques et physiques, où se développent la curiosité et le goût du défi. Les jeunes sont facilement exposés à des consommations à haut risque, d’autant plus que de nouvelles addictions apparaissent, facilitées par le développement et la propagation des outils numériques.
Les consommations à risque ne cessent de s’accroître. Les addictions doivent être considérées comme un problème de santé et de sécurité publiques de premier plan.
L’enquête a concerné 1 000 jeunes âgés de 14 à 24 ans, 402 parents de jeunes de 14-24 ans et 2 005 personnes interrogées par Ipsos pour mesurer les écarts de perception entre leur propre réalité et celle des jeunes générations.
Alcool
Alcool : 12 % des jeunes de 14 à 24 ans déclarent consommer de l’alcool plusieurs fois par semaine, dont 5 % chez les 14-17 ans, 13 % chez les 18-22 ans et 20 % chez les 23-24 ans. La consommation d’alcool est majoritairement masculine : en dessous de 18 ans, 15 % des garçons en consomment au moins une fois par semaine, contre 10 % des filles. L’écart se creuse au-dessus de 18 ans, où près de la moitié (48 %) des hommes consomment de l’alcool au moins une fois par semaine, contre moins d’un tiers (30 %) des femmes. Chez les 23-24 ans, la proportion est de 64 % chez les hommes, contre 43 % chez les femmes.
Plus les jeunes sont diplômés, plus leur consommation d’alcool est importante !
Le tabac
Tabac : 15 % des jeunes fument du tabac plusieurs fois par jour. LÃ aussi, on observe une augmentation de la consommation avec l’âge : 5 % chez les 14-17 ans, 15 % chez les 18-22 ans et plus d’un quart (27 %) chez les 23-24 ans.
Le milieu social de l’enfant joue également un rôle : plus le revenu mensuel net du foyer est bas, plus le pourcentage de jeunes qui fument plusieurs fois par jour est élevé.
La consommation des produits illicites est surtout en milieu urbain. Cannabis : 9 % des jeunes Français disent fumer du cannabis au moins une fois par mois, 5 % chez les moins de 18 ans et 10 % chez les 18-24 ans. Dans les communes de moins de 20 000 habitants, 8 % des 14-24 ans déclarent avoir déjà fumé du cannabis. Ce chiffre grimpe à 25 % en région parisienne.
Cocaïne, ecstasy, MDMA et GHB : la proportion se réduit fortement lorsqu’il s’agit de ce type de produits. Il n’en demeure pas moins que 3 % des 14-17 ans déclarent en avoir déjà consommé. La proportion grimpe à 5 % parmi les 18-24 ans. Dans cette classe d’âge, ils sont 3 % à en consommer au moins une fois/semaine.
Comme pour le cannabis, entre milieu rural et milieu urbain, il existe des écarts significatifs de consommation pour la cocaïne, l’ecstasy, la MDMA et le GHB : 2 % des jeunes vivant en milieu rural ont déjà testé ces produits, alors qu’ils sont 4 % dans les villes de plus de 100 000 habitants et 10 % en agglomération parisienne.
Addiction aux écrans, le tsunami
L’utilisation des écrans, des réseaux sociaux et des jeux vidéo est spectaculairement élevée chez les jeunes :
: un quart (26 %) des 18-22 ans estiment passer plus de 5 heures par jour sur les réseaux sociaux, 10 % y consacrent plus de 8 heures chaque jour ;
: 16 % des 18-22 ans disent passer plus de 5 heures par jour sur les jeux vidéo et 7 % plus de 8 heures.
Les jeux vidéo constituent un vrai problème de société : 46 % des 14-24 ans consacrent quotidiennement au moins 1 heure aux jeux vidéo, et plus précisément 60 % des garçons.
Les comportements diffèrent selon le sexe : parmi les 14-24 ans, les garçons passent beaucoup plus de temps que les filles à jouer aux jeux vidéo (12 % y consacrent plus de 5 heures par jour, contre 6 % des filles) ; en revanche, les filles consacrent plus de temps aux réseaux sociaux (20 % des filles y restent plus de 5 heures par jour, contre 11 % des garçons).
Porno : un formatage à haut risque
Chez les 14-17 ans, 18 % des garçons regardent au moins une fois par semaine du porno, contre 12 % des filles ; à partir de 18 ans, la consommation hebdomadaire concerne 33 % des hommes, contre 16 % des femmes.
La consommation de porno atteint parfois des niveaux dramatiquement élevés : 9 % des jeunes regardent du porno quotidiennement dont 5 % plusieurs fois/jour.
La confrontation à de telles images, alors même que la sexualité psychique se développe, peut provoquer des crises d’anxiété, des troubles du sommeil, nourrir un sentiment douloureux de culpabilité et conduire à une représentation faussée ou déviante des rapports sexuels et amoureux. Or 15 % des 14-17 ans affirment regarder au moins une fois par semaine du porno.
Enfin, l’addiction au porno contribue aussi aux addictions à l’écran. L’enquête révèle d’ailleurs l’existence de liens entre les différentes formes d’addiction aux écrans : 56 % des personnes qui regardent du porno au moins une fois par jour passent plus de 2 heures sur les réseaux sociaux et 46 % consacrent plus de 2 heures aux jeux vidéo.
Jeux d’argent
Plus d’un tiers (36 %) des jeunes déclarent avoir déjà essayé les jeux d’argent et 13 % y jouent au moins une fois par semaine dont 17 % des garçons et 9 % des filles. 10 % des 14-17 ans y jouent au moins une fois par mois.
Plus le milieu est modeste, plus les jeunes ont tendance à jouer : 40 % des jeunes relevant d’un foyer dont le revenu mensuel net est inférieur ou égal à 1250 euros ont déjà testé, contre 32 % pour ceux appartenant à un foyer dont le revenu est supérieur à 3 000 euros.
Le risque d’isolement, de dépression et de suicide
On l’oublie souvent, mais les addictions favorisent des formes radicales d’isolement social, au point qu’elles peuvent conduire à la dépression et jusqu’au suicide. Les jeunes ne l’ignorent pas.
La seule formule « réseaux sociaux » est une promesse de mise en relation de l’individu avec un grand nombre de personnes. Or, devenue massive, la consultation fréquente des réseaux sociaux est associée au risque d’isolement social par 66 % des jeunes interrogés, tandis qu’une large majorité (56 %) y voit même un risque de dépression et de suicide.
Les jeunes sont conscients des risques d’échec scolaire ou professionnel, des risques financiers, des risques d’agression physique ou sexuelle. Pour autant, les comportements addictifs sont très répandus.
c’est si facile
: 80 % des 14-24 ans pensent qu’il est facile pour un mineur de se procurer des cigarettes ;
: 65 % des mineurs estiment qu’il est aisé pour eux d’acheter de l’alcool ;
– 92 % des jeunes de 14 à 24 ans estiment qu’il est simple pour les mineurs d’accéder à des images à contenu pornographique. Enfin, 68 % des 14-24 ans estiment qu’il est facile pour les mineurs d’accéder aux jeux d’argent.
Et les parents ?
Les dangers liés aux produits et aux comportements addictifs ne sont pas toujours présents à l’esprit des parents. De plus, les parents d’enfants de 14 à 24 ans sous-évaluent nettement la consommation de leurs enfants. Ainsi, parmi ces parents, seulement 10 % pensent que leurs enfants consomment de l’alcool au moins une fois par semaine, alors que 30 % des jeunes interrogés déclarent une consommation de ce type.
Les parents exagèrent l’exposition de leurs enfants au porno : ils sont 52 % à penser que leurs enfants en ont déjà visionné, ce que déclarent 37 % des jeunes interrogés : mais ils sous-estiment fortement la fréquence de la consommation : ils ne sont que 7 % à penser que leurs enfants regardent du porno au moins une fois par semaine, alors que ceux-ci sont trois fois plus nombreux à le dire (21 %).
28 % des parents disent qu’ils seraient « surpris » d’apprendre que leur enfant visionne souvent du porno, ce qui est pourtant le cas. On imagine sans peine le défaut de vigilance que peut entraîner une telle perception et les conséquences qui en découlent.
Le risque d’une addiction aux écrans est manifestement encore mal perçu, l’utilisation des réseaux sociaux est majoritairement sous-évaluée par les parents : le réveil risque alors d’être douloureux
Les jeunes ont conscience de leur propre responsabilité quant à leurs addictions. La responsabilité des producteurs et des distributeurs est logiquement et clairement identifiée, en revanche, la responsabilité des pouvoirs publics n’apparaît pas ou très peu. Lorsqu’il s’agit de tester les mesures permettant de lutter contre ces menaces, les résultats révèlent une combinaison de demande d’autorité et de liberté, qui fait écho à l’idée que les jeunes ont de leur responsabilité.
A la question de savoir s’il faut rembourser intégralement les traitements pour les personnes qui se soignent contre les addictions, les jeunes répondent massivement par l’affirmative (82 %). Les jeunes femmes approuvent plus largement encore le remboursement (86 %) que les jeunes hommes (79 %).
Pour conclure, le document détaille trois recommandations :
1 - Diminuer la vulnérabilité des individus (information, protection)
2 - réduire l’accessibilité et la toxicité des produits,
3 - agir sur les facteurs incitant à la consommation et en premier lieu sur la publicité, le marketing et les prix.
Les campagnes d’information ne suffisent pas. Des actions de contrôle de l’accès aux produits et aux comportements potentiellement nocifs devraient être la priorité des pouvoirs publics.
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