Ecrit le 10 février 2021
Pourquoi la pauvreté progresse-t-elle chez les 18-24 ans ?
Dans le deuxième rapport sur la pauvreté en France de l’Observatoire des inégalités, les jeunes de 18 à 24 ans apparaissent comme les premières victimes de la crise économique succédant à l’épidémie de coronavirus. Emplois précaires, aides sociales rares, solidarité familiale pas toujours possible : voilà quelques raisons qui expliquent leur situation.
« Les jeunes vont subir l’essentiel des retombées économiques de la crise du coronavirus », souligne Louis Maurin, le président de l’Observatoire.
Et parmi eux, une classe d’âge inquiète davantage : les 18-24 ans. Des jeunes aux réalités sociales bien différentes. Certains sont étudiants, d’autres tout juste diplômés, et d’autres travaillent déjà depuis longtemps. Et leur situation s’était déjà dégradée ces dernières années. « Le taux de pauvreté des 18-24 ans était de 12,8 % en 2018 selon Eurostat, et cette proportion a progressé de plus de 50 % par rapport à 2002 », indique Louis Maurin. Par ailleurs, les 18-24 ans représentent actuellement 10 % des bénéficiaires des Restos du cœur.
" Ne pas pouvoir être autonome leur donne le sentiment d’être
infantilisés « Des chiffres qui s’expliquent par la position inconfortable des 18-24 ans sur le marché du travail : » Certes, les jeunes diplômés de grandes écoles, de certaines filières universitaires ou de formations courtes très pointues trouvent plutôt facilement leur premier emploi. Mais tous les autres sont confrontés à la flexibilité croissante du travail. Ils occupent les emplois les plus précaires en CDD et les petits jobs non salariés avec un statut d’auto-entrepreneur ", relève Louis Maurin. Et pour bénéficier d’allocations-chômage, il faut avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 24 derniers mois. Sans surprise : selon l’Observatoire de la pauvreté, les jeunes les moins qualifiés des milieux populaires sont les plus vulnérables.
Parallèlement, entre 18 et 24 ans, beaucoup font des études. Mais là aussi, ils sont confrontés à des difficultés économiques : « Tout d’abord ceux dont la famille est pauvre, mais aussi ceux qui sont issus des classes moyennes inférieures et qui habitent dans les grandes villes. Le poids du logement est tellement élevé qu’il ampute les finances de la famille, ce qui a des répercussions sur les conditions de vie des jeunes adultes », indique Louis Maurin.
Beaucoup d’entre eux ne peuvent pas bénéficier de la solidarité familiale pour prendre un appartement seul. Ils sont donc contraints de vivre jusqu’Ã tard chez leurs parents. Ce qui a des conséquences sur leur état psychologique : « Ne pas pouvoir être autonome leur donne le sentiment d’être infantilisés, et partager la même chambre qu’un frère ou une soeur à un âge avancé est très dur. Cette situation leur fait éprouver durement les inégalités sociales dans notre pays. Car ils voient certains de leurs copains décohabiter sans souci », indique Louis Maurin. Et pour ceux qui arrivent à voler hors du nid, les soucis financiers sont souvent au rendez-vous.
Le refus d’ouvrir le RSA pour
les moins de 25 ans
Malheureusement, les temps futurs ne risquent pas d’être plus roses. « l’arrêt de l’économie en mars, combiné aux incertitudes des entreprises sur leur activité à venir, aboutit au fait que le marché du travail n’arrive pas à absorber les 700.000 nouveaux entrants. Et s’il y a une reprise en 2021, elle sera progressive », dit Louis Maurin. La croissance attendue n’étant que de 6 % l’an prochain.
Conscients de ce « péril jeunes », plusieurs associations caritatives, des syndicats et même des parlementaires ont demandé que les moins de 25 ans bénéficient du RSA . Ce qui est pour l’heure refusé par l’exécutif : « Le gouvernement d’Emmanuel Macron n’est pas le seul à rejeter cette idée. La gauche, pourtant à l’initiative de la création du RMI, s’y est toujours refusée. Sans doute parce que les politiques estiment que cela serait donner un mauvais signal aux jeunes que de leur délivrer très tôt une aide sociale », décrypte Louis Maurin.
Du coup, les seules aides auxquelles les moins de 25 ans ont accès actuellement sont les APL (aides personnelles au logement) et la garantie jeunes, qui s’adresse aux 16-26 ans ni en emploi, ni en formation (le jeune s’inscrit dans un parcours d’insertion et touche une aide de 484 euros maximum mensuels). « Mais la garantie jeune bénéficie à seulement 100.000 jeunes chaque année », relève Louis Maurin.
Le premier ministre Jean Castex a annoncé, en novembre dernier, qu’elle serait renforcée pour toucher « au moins 200.000 jeunes » en 2021. Il a aussi octroyé récemment une aide de 150 euros pour les étudiants boursiers et les jeunes bénéficiant des aides au logement. Le Premier ministre a aussi annoncé la création de « 20.000 jobs étudiants » pour accompagner « les décrocheurs » pendant les deux premières années de leurs études, qui s’ajoutent aux 1.600 recrutés par les Crous. Pas suffisant pour aider tous les 18-24 ans à prendre leur envol.
Le malaise grandit chez les étudiants. Coupés de leur université, de leurs amis, parfois de leur famille, ils enchaînent de longues journées avec pour seule fenêtre sur l’extérieur l’écran de leur ordinateur. Depuis le 25 janvier seulement, les étudiants en première année à l’université ont pu reprendre des travaux dirigés dans leur établissement par petits groupes. Mais ce qui fait le ciment de la vie étudiante reste empêché par les restrictions et le couvre-feu à 18 heures.
Le sentiment d’injustice est fort pour les étudiants alors que les lycéens et les collégiens sont en cours, de même que les élèves de certaines écoles de commerce. L’anxiété les guette. Selon une étude Odoxa publiée en début de semaine, 80 % des étudiants ont peur de rencontrer des difficultés pour mener à bien leurs études. Et pour ceux qui les terminent, l’après n’est pas plus rassurant et les débuts de carrières à l’étranger totalement compromis.
Depuis le 25 janvier, tous les étudiants peuvent bénéficier de deux repas quotidiens à 1€ dans les restaurants universitaires et cafétérias. Mais il y a des jeunes, qui sont en BTS, IUT, instituts de soins infirmiers, qui n’ont pas de restaurant universitaire à proximité ...
Un enfant sur cinq
Selon la professeure Isabelle Claudet, cheffe du service des urgences de l’hôpital des enfants de Toulouse, le 1er février dernier, « Nous avons beaucoup d’enfants hospitalisés, qui décompensent aujourd’hui. Il y a 40 à 70 % d’admissions supplémentaires. Au lieu d’avoir trois à quatre hospitalisations par jour pour ces raisons, nous en avons douze à quatorze Et ça nous inquiète énormément ». Certains développent une anorexie mentale, d’autres des formes aiguë s d’anxiété. Autant de pathologies que cette spécialiste s’attendait à voir ressurgir, en particulier chez les adolescents.
Une étude faite sur 380 enfants, à la suite du premier confinement, montre que : « Un enfant sur cinq a souffert d’un stress post-traumatique, les filles ayant un taux plus élevé que les garçons ». Un stress qui s’est traduit sous différentes formes, que ce soit des troubles du sommeil, de la colère ou pour certains une envie de rester chez soi, comme une forme repli pour se protéger de l’extérieur, le « syndrome de la cabane ».
Une étude similaire menée en Italie sur les enfants des soignants a donné des résultats encore plus marqués, puisque dans ce cas-là , il s’agit d’un enfant sur trois souffrant de stress post-traumatique.
Ne pas savoir ce qui va se passer, ni à quoi vont ressembler nos vies... c’est une épreuve difficile à vivre psychologiquement. Pour l’enfant, comme pour chacun de nous, le cerveau retient l’émotion avec lequel nous le nourrissons. S’il se focalise sur du positif, si chacun décide de voir les opportunités et le positif de chaque situation, alors l’état émotionnel et le niveau d’énergie vont tout de suite s’en ressentir.