Ecrit le 18 mars 2020
Jeudi 12 mars 2020
Cette rencontre avec la presse locale était motivée par un article paru dans Presse Océan, édition du dimanche 8 mars. Cet article, émanant d’un journaliste nantais, commente un « palmarès des villes et villages où il fait bon vivre ». Dans un titre provocateur, l’auteur stigmatise Lusanger, supposée être parmi « les pires communes où il ne fait vraiment pas bon vivre ».
Jean Gavaland, maire de Lusanger, a présenté les atouts de sa commune d’un peu plus de 1000 habitants : commerces, écoles, associations, soins à domicile, bourg aménagé Et à proximité de Derval et Châteaubriant pour les commerces et services plus spécialisés. Il évoque les gestes de solidarité très courants dans le monde rural pour secourir un voisin ou s’inquiéter de son absence.
Il estime que cet article et la publication intégrale de ce faux palmarès causent un préjudice à sa commune et à ses habitants. Il évoque un commerce mis en vente qui peut subir les contrecoups de cette publicité mensongère : quel acheteur va se présenter s’il a connaissance de celle-ci ? Il demande donc à la rédaction du quotidien concerné de proposer une forme de réparation du préjudice causé à l’image de sa commune.
Autre critique : la photo qui illustre l’article est un photomontage et elle présente un enfant qui est reconnaissable.
Les neuf autres maires de la région de Châteaubriant, dont les communes sont à peu près aussi mal classées, font part de leur réprobation devant une telle méconnaissance des réalités de la vie rurale dans notre région et une telle légèreté en matière d’éthique professionnelle.
Les défauts de l’enquête
Le maire de Treffieux, ancien universitaire, a proposé une analyse des critères qui fondent ce palmarès. Celui-ci se prétend construit sur des données officielles, comprenant 182 critères « objectifs » qui ont été pondérés à partir d’un sondage effectué par l’institut OpinionWay auprès d’un échantillon représentatif des Français. Mais l’échantillon ne comprend que 24% d’habitants des communes rurales. Ce sont donc les trois quarts des urbains qui ont fait prévaloir leur point de vue.
Quant aux critères retenus, le premier est « la qualité de vie », choisi par 82% des Français. Mais est-ce un critère pour définir les communes « où il fait bon vivre » ? n’est-ce pas une tautologie ? Quant aux « critères associés », on relève la création d’entreprises, la distance des stations balnéaires, le taux de chômage, l’espérance de vie, le taux de diplômés, les campings, les hôtels, les plans d’eau, etc. Un inventaire à la prévert. Dans le critère « santé », on note la présence d’établissements de santé, de maternité, de pharmacie, de centres d’urgence
Dans la catégorie « Education », on note en premier les « formations spécialisées de l’enseignement supérieur », l’enseignement universitaire, puis les 1er et 2e degrés de l’enseignement. Dans la catégorie « sports et loisirs », on note en premier les cinémas, les terrains de « grands jeux », de tennis, centres équestres, bassin de natation
En clair et pour résumer, ce sont les villes qui concentrent le plus d’équipements et de services qui se trouvent naturellement classées en tête. Pas étonnant que pour la Loire-Atlantique, Nantes arrive en tête du palmarès, suivie de St Nazaire, St Herblain, St sébastien, Rezé Toutes les villes pratiquement classées par taille.
Dans la note méthodologique, on explique que pour les autres communes, on a tenu compte de leur distance par rapport aux services des grandes villes. Comme les communes du nord-ouest de la Loire-Atlantique se trouvent de fait les plus éloignées de certains grands équipe-ments, elles se trouvent pénalisées. On compte ainsi 16 communes du pays de Châteaubriant parmi les 20 dernières au classement.
Sans nier les problèmes rencontrés (absence de transports publics, disparition progressive de certains services de l’Etat, manque de médecins) les maires réunis tiennent à souligner que beaucoup de leurs concitoyens estiment qu’il fait bon vivre sur leur territoire. Or, justement, les auteurs de l’étude se félicitent d’avoir écarté tout « critère déclaratif », c’est-Ã -dire l’opinion des habitants. Comme si on pouvait juger de la « qualité de vie » : qui comme l’expression l’indique porte sur du qualitatif et non du quantitatif : pour juger souverainement des lieux où « il fait bon vivre ».
Qui se cache derrière l’association " villes et villages
où il fait bon vivre " ?
Mais l’étude un peu plus poussée des auteurs de l’enquête éclaire de manière cru
les dessous de l’opération. Sur son site voir le site villesetvillagesouilfaitbonvivre , cette prétendue association n’est pas très bavarde sur son organisation et ses dirigeants. Il est juste mentionné qu’elle est « présidée par Thierry Saussez, créateur du Printemps de l’optimisme ».
Mais qui est Thierry Saussez ? Wikipedia nous renseigne assez bien. Il s’agit d’un homme d’affaire exerçant le métier de « conseiller en communication ». Il a fondé une agence « Image et Stratégie » et il a également dirigé le Service d’information du Gouvernement avant 2010. Il est présenté comme un proche de N. Sarkozy. Son agence a travaillé pour la Côte d’Ivoire et selon le magazine Statégies il aurait perçu des sommes importantes du gouvernement de la Côte d’Ivoire de 1995 à 1999. Plus récemment, il a lancé le Printemps de l’optimisme qui réunit « 50 décideurs résolus à améliorer le climat dans notre pays ».
Une affaire purement commerciale
Ces données un peu détaillées permettent de mieux comprendre le dessous de l’opération qui fait de nos communes rurales des victimes collatérales. Le fameux palmarès est une opération commerciale destinée à faire des profits dans la communication. Ainsi, la prétendue association propose son service commercial aux communes bien placées dans le palmarès. Elles ont le droit d’’utiliser le label « communes où il fait bon vivre » moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Si vous êtes une petite commune de moins de 500 habitants et que vous êtes « labellisable » vous paierez 498 € TTC par an de « coût annuel des droits d’exploitation du label ». Si vous êtes une ville de plus de 50 000 habitants, il vous en coûtera 3840 € par an.
En conclusion
Tous les maires présents estiment qu’il faut continuer à améliorer la vie dans nos communes rurales. Si certaines familles choisissent de venir s’y installer car elles n’ont pas les moyens financiers de s’installer ailleurs, il y en a d’autres qui font le choix de manière positive. Ils estiment qu’il fait meilleur vivre à la campagne que dans les villes souvent embouteillées et polluées.
Ces maires vont continuer à se battre pour améliorer la vie de leurs concitoyens et notamment à réfléchir à la mise en place de transports adaptés pour l’accès aux services qui se situent dans les centres urbains. Ils se proposent aussi de réfléchir aux formes de communication positive qui permettraient de dépasser les vieux préjugés urbains qui subsistent encore à l’égard de la vie rurale, alors que celle-ci s’est complètement transformée ces dernières années.
Il fait bon vivre
dans nos communes rurales !
(communiqué)
NDLR : Les maires présents disent que les habitants de leurs communes ne se plaignent pas de la qualité de vie et que, en matière de solidarités, ces communes sont les meilleures. « Nous stigmatiser un peu plus : ce n’est pas nous aider ». « Nous, les maires, nous sommes à l’écoute de nos citoyens pour savoir de quoi ils ont besoin ».
Bien sûril manque des équipements surtout quand La Poste ferme des bureaux, quand la Gendarmerie ferme des casernes, quand les Impôts regroupent ailleurs leurs services. Les maires protestent, bataillent mais quasiment toujours en vain.
Bien sûril y a des problèmes de mobilité quand le département et la Région suppriment des points d’arrêt. Et ce n’est pas la Maison de la Mobilité, financée par la Com’Com’, qui va offrir des moyens de transports collectifs aux communes qui n’en ont pas ! « Les gens viennent pourtant habiter chez nous, les maisons se vendent bien, les restaurations donnent du cachet à nos communes ».
Le problème est financier, il y a les communes qui ont les moyens de payer des équipements. Et puis les autres. « Même dans notre communauté de communes il y a des inégalités et les équipements, payés par tous, vont enrichir la ville-centre » a dit un maire que l’on ne peut pas taxer d’être dans l’opposition.
Le mauvais classement des communes va les inciter à se battre encore plus pour une meilleure répartition des ressources. Est-ce à dire qu’on va assister bientôt, après les municipales, à des change-ments importants dans la Com’Com’ Châteaubriant-Derval ? A propos, les maires présents ont regretté l’absence du président de la Com’Com’. Celui-ci s’est comporté comme un maire content du classement favorable de sa commune mais n’a pas eu un mot de solidarité envers les communes du nord-est du territoire intercommunal. BP