Ecrit le 23 juin 2021
Les pensées et les comportements suicidaires sont prévalents chez les étudiants.
Le suicide constitue en effet la deuxième cause de mortalité chez les 15:24 ans après les accidents de la route. Mais pourquoi ? Peut-on évaluer le risque suicidaire ?
Des facteurs peuvent contribuer à l’augmentation du risque de suicide : la transition du lycée à l’université, l’augmentation de la charge de travail, l’augmentation du stress psychosocial et des pressions scolaires, et l’adaptation à un nouvel environnement.
Pourtant on sait peu de choses sur les outils de dépistage permettant d’identifier les étudiants à plus haut risque. « Nous avons cherché à identifier les principaux prédicteurs des pensées et comportements suicidaires chez les étudiants. Nous avons utilisé les données collectées en 2013-2019 de la cohorte française i-Share, étude incluant 5066 étudiants volontaires ». explique mélissa Macalli
Pour prédire les pensées et comportements suicidaires lors du suivi, nous avons utilisé 70 prédicteurs potentiels mesurés au départ, y compris les caractéristiques sociodémographiques et familiales, la santé mentale et la consommation de substances.
Lors du suivi, 17,4 % des filles et 16,8 % des garçons ont signalé des pensées et des comportements suicidaires. Parmi les 70 prédicteurs potentiels, quatre ont montré le pouvoir prédictif le plus élevé :
– les pensées suicidaires à 12 mois,
– l’anxiété caractéristique,
– les symptômes de dépression
– et l’estime de soi.
Parmi les quatre paramètres réflecteurs, l’estime de soi a surpris les chercheurs. « Nous sommes étonnés de trouver l’estime de soi parmi les critères, parce que lors des discussions avec les psychiatres, ce paramètre n’était pas énoncé comme un vecteur principal de pensées suicidaires. Notre travail a porté ses fruits, puisque nous avons pu isoler ce paramètre et réaliser à quel point il était révélateur de la détresse psychologique. »
« Ces travaux demandent confirmation mais ils ouvrent la possibilité de dépistage à grande échelle en identifiant, grâce à des questionnaires courts et simples, les étudiants à risque de suicide pour les orienter vers une prise en charge adéquate », explique Christophe Tzourio, coordinateur de l’étude.
Ces travaux rejoignent une étude de Clémence Perrot.. de la faculté de médecine de Paris-Descartes (2015) qui explique qu’il y a trois composantes de l’estime de soi :
– l’amour de soi : se respecter quoi qu’il advienne, écouter ses besoins et ses aspirations. Il facilite une vision positive de soi.
– La vision de soi : évaluer ses qualités et ses défauts, fondés ou pas. Elle influence positivement la confiance en soi.
– La confiance en soi : penser que l’on est capable d’agir de manière adéquate dans les situations importantes.
Plus l’estime de soi est élevée, plus la personne est consciente de ses forces et ses qualités. Elle a un regard positif sur elle-même, ce qui lui donne un sentiment de sécurité interne qui permet l’épanouissement et l’efficacité de ses actions. Cette personne sera capable de donner son avis, de s’exposer au regard des autres, d’aller vers la nouveauté (se faire des amis, avoir de nouvelles activités...) sans appréhension excessive.
Au contraire plus l’estime de soi est basse, plus la personne a un regard négatif sur elle-même, se focalisant sur ses défauts et ses limites. Cette personne a toujours peur de faire des erreurs, de ne pas plaire et/ou de susciter des moqueries.
Il y a deux dimensions de l’estime de soi : l’estime de soi que l’on perçoit (auto-estime de soi) et ce qu’on pense que les autres perçoivent de nous (estime de soi extérieure)
Outre la dépression et les troubles anxieux, la faible estime de soi est également retrouvée comme associée à d’autres troubles psychiatriques
En France, chaque année près de 10 500 personnes meurent par suicide, soit trois fois plus de décès que ceux causés par les accidents de la circulation. Cela représente un taux de décès par suicide en France de 16,2 pour 100 000 habitants. La France fait partie des pays européens à taux élevés de suicide avec la Finlande et la Belgique notamment. La prévalence moyenne en Europe du taux de suicide est de 10,2 suicides pour 100 000 habitants.
Selon l’Eclaireur (mars 2015) : Dans le grand quart nord-ouest du pays, le taux de suicide est supérieur de 15 % au reste de la France. En Loire-Atlantique, les suicides sont 2,8 fois plus nombreux que les accidents de transport. Enfin, dans le secteur de Châteaubriant/Nozay/Derval, ce taux est de 37 % supérieur à la moyenne régionale.
L’étude de Clémence Perrot a identifié comme facteurs familiaux de protection suicidaire : la cohésion familiale, une relation parent-enfant de qualité, le temps passé en famille et la supervision parentale. Elle a montré aussi que l’estime de soi sociale est la plus corrélée au risque suicidaire, ce qui n’avait pas été repéré dans la littérature actuelle. Ceci peut aider à repenser les actions de prévention du suicide.
prévention
Actuellement on pense : prévention du suicide, en se plaçant essentiellement du côté des soignants :
– maintien du contact avec la personne
qui a fait une tentative de suicide,
– formation au repérage, à l’évaluation et à l’intervention de crise suicidaire,
– prévention de la contagion suicidaire,
– mise en place d’un numéro national de prévention du suicide.
Il faudrait peut-être se placer du côté des personnes en risque suicidaire : en incluant un travail sur l’estime de soi et en repérant les personnes qui ont une très faible estime d’eux-mêmes afin de mettre en place un soutien plus soutenu.
Une formation de ce type a été créée en 1987 sur une durée de trois jours pendant laquelle les étudiants apprennent par des activités et des moments d’écoute, en plus ou moins grand groupe :
– à travailler ensemble en équipe,
– à écouter sans juger les préoccupations des autres,
– à reconnaître les signes d’une éventuelle dépression ou d’un risque suicidaire chez une autre personne,
– à demander de l’aide à un professionnel ou à un autre adulte si nécessaire.
Il faudrait surtout, pour les jeunes, comme pour les moins jeunes, proposer des activités valorisant les personnes, réveillant leurs propres capacités, suscitant leurs aptitudes à aider d’autres personnes et, globalement, à reconstruire leur estime d’eux-mêmes. c’est notamment ce que fait l’association ACIAH à Châteaubriant en utilisant des activités informatiques.
La détresse des étudiants en hausse
La détresse psychologique des étudiants serait en forte hausse. s’il est encore difficile d’obtenir des données précises sur le risque en question, on sait déjà qu’Ã l’issue du premier confinement, une étude menée par le Centre national de ressources et de résilience (CN2R) rapportait que 11,4% des 70.000 étudiants interrogés ont eu des idées suicidaires au cours des douze derniers mois.
En juillet 2020, 16% des étudiants sondés, dans l’enquête « La vie d’étudiant confiné » de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), se sont sentis « si découragés que rien ne pouvait leur remonter le moral » et 50% d’entre eux ont déclaré avoir souffert de solitude ou d’isolement pendant le confinement.