Ecrit le 16 août 2021
Georges B
Autre anniversaire, en cette année 2021, celui de Georges Brasens, né le 22 octobre 1921. Il était le fils d’un maçon italien très anticlérical et de son épouse fervente catholique, et il n’aimait pas l’école, sauf les cours de français d’Alphonse Bonnafé qui a su lui donner l’amour des belles lettres.
A 17 ans, avec quelques copains, « nous nous fîmes un peu voleurs » raconte-t-il dans une chanson. Il s’en tire avec du sursis et il est envoyé chez une tante à Paris, pour échapper à « la mauvaise réputation ». Un bref passage chez Renault, écourté par la guerre, et le voilà traînant les rues et le rayon poésie de la bibliothèque du 14e arrondissement. « Je ne suis aperçu que je ne savais pas du tout écrire » dit-il. Le poète qu’il affectionna le plus, à ses débuts, fut François Villon, étudiant à la Faculté des Arts de Paris, mais jamais en retard pour participer aux désordres estudiantins et heurts avec la police.
Mais quoy ! je fuyoië l’escolle Mais quoi ! Je fuyais l’école
Comme fait le mauvaiz enffant Comme fait le mauvais enfant
En escripvant cette parolle En écrivant cette parole
A peu que le cueur ne me fent ! Bien peu que le cœur ne me fend
Brassens empruntera à Villon, plus tard, la « Ballade des dames du temps jadis » et « la Ballade des pendus ». Tout comme il mettra en musique des textes de Musset, Paul Fort, La Fontaine, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Lamartine, Aragon et Victor Hugo.
En 1945, après la guerre, il fréquente Cocteau, Eluard, Aragon, Elsa Triolait. Il écrit « Le vent des marécages », « La lune écoute aux portes » et « La Tour des miracles » et un texte étrange, « Les amoureux qui écrivent sur l’eau », et ses premières chansons. « J’ai un certain talent pour faire se rencontrer les mots » dit-il. Du talent, certes, mais au prix d’un travail considérable. « j’écris en général très vite et je suis lassé très vite de ce que je fais. Je rature toujours et je recommence après. Et je me répète, je répète, je rumine mon texte jusqu’à ce qu’il me lasse, jusqu’à ce que je voie des trous alors je recommence. Et quand j’ai fait sept ou huit versions alors je ne peux plus aller plus loin, je suis à la limite de mes moyens, à la limite de mon talent, à la limite de mes forces alors je me dis “ça va” et il se trouve que de temps en temps, ça convient aussi aux autres, à ceux qui m’écoutent. ».
Ce n’est qu’ensuite que Brassens met le texte en musique. C’est ainsi que nous avons la chance d’écouter des textes ciselés, qui mettent la
poésie à la portée de tout le monde. Et quarante ans après sa mort, on chante encore « Je m’suis fait tout p’tit devant une poupée » - et la Chanson de l’Auvergnat. Les copains d’abord et les amoureux des Bancs publics. La non-demande en mariage et le Gorille. « La grandeur de la chanson, c’est qu’on l’emporte toujours avec soi. On l’a en soi. Elle vous accompagne selon vos états d’âme » disait-il.
« Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente » : Brassens était anarchiste et « une espèce de libertaire », rebelle devant toute autorité, il se voulait le chanteur des « mauvais sujets » qui « poussent en liberté dans les jardins mal fréquentés » « Je ne fais pourtant de tort à personne en laissant courir les voleurs de pommes … mais les braves gens n’aiment pas que ... »
Certaines de ses chansons ont fait scandale : Le Gorille, l’Hécatombe, Le Pornographe, La complainte des filles de joie.
On peut même penser qu’à notre époque elles provoqueraient encore une vague de protestations dans les milieux bien-pensants. Pourtant Brassens est tout en humour, en nuances, il n’impose pas ses idées … Et c’est là qu’il est dangereux … « Je refuse qu’un groupe ou une secte m’embrigade, et qu’on me dise qu’on pense mieux quand mille personnes hurlent la même chose. Les hommes se posent de moins en moins de questions ; Ils en arrivent à se foutre de tout ce qui ne les touche pas personnellement ».
Derrière le « gentil parolier à moustache » il y a un homme qui a su garder son exigence et sa liberté de réflexion, sans céder aux « Trompettes de la renommée » .