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Ecrit le 6 octobre 2021
Nous avons lu pour vous le livre « la gare des ventres ronds » écrit par Laetitia Gouesnard, une Castelbriantaise. Et nous y avons trouvé beaucoup d’intérêt. L’intrigue est bien ficelée, jusqu’au bout, le style est fluide, le vocabulaire est recherché et accessible : un livre de bonne qualité.
Sur 250 pages, on découvre des mondes très divers. Les soirées mondaines autour d’œuvres d’art « Il est important que ton travail soit sexy, ma chérie ! ». Un hôtel-restaurant prestigieux à Rennes « Devant moi vient d’être posée avec soin une assiette sublime, une cassolette de purée de pommes de terre violettes assaisonnée au citron vert et curry, surmontée de spirales de légumes qui, comme des vases, reçoivent des fleurs de capucine ». Et puis un hameau, à Châteaubriant, « Le Fond du Bois » où l’héroïne est accueillie par la chienne Sonnette, la voisine Denise, et Henriette. Ah ! Henriette !
Deux longères au toit d’ardoises, isolées, mais proches du bourg. « Les courges colorent le jardin de teintes vives. Denise et moi nous faisons des confitures toutes les semaines et nous nous nourrissons quasi tous les jours de châtaignes ».
Dans ces univers si divers, que l’on découvre avec bonheur, ou surprise, il y a des personnages, Prat l’artiste, Marc l’amateur d’art, Denise l’octogénaire et Henriette. Et une grande fatigue : Marc est au bout du rouleau. Prat et Marc, chacun de leur côté, sont victimes de cauchemars inexplicables dont on cherche la signification profonde. Il faut relire le livre pour trouver ici ou là de petits indices qui feront une évidence à la fin. La fin se situe à Issé, non loin de la Gare des Ventres Ronds, dans un suspense bien mené, autour d’un drame, réel, qui s’est produit en avril 1977, le jour de la Saint Parfait.
Les personnages de ce récit, qu’ils le souhaitent ou non, vous invitent à partager quelques jours de leur intimité et vous accompagnent dans leurs univers singuliers, burlesques, légers ou dramatiques. Ils susciteront probablement en vous différentes émotions. Ils vous feront douter et créeront la surprise.
« La gare des ventres ronds », 19 € chez l’auteure ou en librairie - 06 51 33 95 68
Se chausser sous l’Occupation
Voici un sujet peu abordé, mais fort intéressant, présenté par Sandy Antelme lors d’une conférence à Châteaubriant, à l’invitation du Musée de la Résistance.
Dès l’automne 1940, le cuir fait l’objet d’une sévère réglementation. La France doit livrer à l’allemagne 6 millions de paires de chaussures en cuir, en 1941, alors qu’elle a bien du mal à en produire 8 à 10 millions.
En 1941 le rationnement des chaussures sera imposé. On distingue les chaussures d’usage : usage-travail, usage-fatigue, usage-ville et usage-fantaisie, sans choix de la couleur ou du style. Les Allemands, eux, ont des bons d’achat spéciaux. Les « chaussures nationales » encore appelées « chaussures économiques » se mettent en place. Ainsi naissent des semelles en résine synthétique, en liège, en bois, tandis que le dessus des chaussures utilise du chanvre, du feutre, du raphia, et même de la cellophane travaillée au crochet. La fine fleur de la profession rivalise d’excentricité et de nouveauté mais ces chaussures réalisées manuellement par des artisans-bottiers ne sont accessibles qu’Ã une certaine élite.
Une exposition en juillet 1941 montre ce qu’il est possible de faire : les innovations et les basiques. Chaussures à semelles de magnésium, chaussures à talons de verre, chaussures lumineuses pour les rues sans éclairage. Les basiques sont les sabots de bois des provinces. L’espadrille de corde revient au goût du jour.
Les semelles de bois essaient plusieurs techniques pour donner un peu de souplesse : stries en chicane, lamelles de bois, semelle articulée Maurice Chevalier chante la symphonie des semelles de bois. « Tap, tap, tap, disent le matin les petits souliers de sapin ». Le tapage occasionné par ces chaussures entraîna l’arrestation par la Gestapo de femmes cherchant à fuir ou à se cacher. La semelle de liège, plus légère, moins bruyante, était plus confortable.
Chaussure à semelle de magnésium
coulé et talon à ressort
En 1942, on parle de chaussure nouvelle. Le cuir traditionnel est remplacé par des cuirs exotiques : serpent, lézard, crocodile, buffle, renne, poisson, cuir d’oie et peau de rat, panthère ...! Les cheveux avec alliage de fibranne servent à confectionner du feutre ou des textiles synthétiques. Les semelles intérieures sont en carton. Le dessus aussi parfois, et aux premières averses
La fourrure est fréquemment employée, les ménagères se contentant de peaux de lapins pour lutter contre la froidure hivernale. Des ateliers se mettent en place pour assurer des ressemelages en nombre et à bas prix. La presse féminine multiplie les conseils pour faire ses chaussures soi-même ! « Avec les peaux de vos lapins faites un capuchon, un plastron, des chaussons fourrés, des moufles ». Le nouveau précepte de l’Hexagone est : récupérer et transformer, innover et s’adapter.
Au delà de l’utilitaire, le vêtement devient un gage d’insoumission. Les chaussures bleues et rouges, portées avec des socquettes blanches, marquent une sorte de résistance passive.
Un type de semelle est créé : le Smelflex, créé par l’allemagne, imposé aux cordonniers s’ils voulaient avoir le contingent de cuirs, caoutchoucs, crépins etc auquel ils avaient droit. Ce modèle de semelle donnait lieu à une redevance à verser à l’allemagne qui percevait ainsi des profits sur un produit de substitution nécessité par la pénurie qu’elle avait elle-même créée.
Pendant toute l’Occupation, l’article chaussant a été victime de pénuries, source de contraintes, cible de l’occupant, symbole de la sujétion. Mais aussi reflet d’une résistance sous-jacente.
Et voici enfin la Libération tant attendue. Les bottiers proposent des « chaussures patriotiques » décorées des drapeaux anglais, russes, américain, avec un ruban aux couleurs du drapeau français. Sur l’un des modèles figure le marteau et la faucille. Sur un autre, en toile blanche, figure la Croix de Lorraine. On porte ainsi sur soi ses convictions, sa fierté et sa joie.
« c’est lorsqu’on vit des époques où tout est sous contrôle que l’on comprend le prix de la liberté » a écrit un visiteur du Musée des métiers de la Chaussure. Ce Musée est riche d’objets et de mémoire car, lorsque les témoins disparaissent, « les objets restent les gardiens de la mémoire collective »
Livre : 1940-1944, se chausser sous l’occupation : de Sandy Antelme : 19 € - Editions Libel.
Ce livre contient aussi de nombreuses photos de la collection du Musée des métiers de la Chaussure qui se trouve à sévremoine près de Cholet -
Ce musée a également des expositions temporaires. En ce moment et jusqu’au 31 octobre : la chaussure de spectacle. Que serait le clown sans ses chaussures grotesques ? Le bouffon sans ses souliers à grelots ? La danseuse de French Cancan sa