Ecrit le 15 novembre 2006
Cette jeunesse qui fuit les adultes
A la suite de l’incendie d’un bus, le 28 octobre 2006, les associations de Marseille qui s’occupent des jeunes, de près ou de loin, ont été réunies par les autorités. Pour tenter de comprendre. Les responsables qui se sont déplacés se sont accordés sur un constat : il y a de plus en plus de coupure entre les jeunes et les adultes. La Communauté de Communes du secteur de Derval faisait d’ailleurs le même constat, le 19 octobre dernier .
La jeunesse va mal dans une société qui va mal. Selon Le Figaro, du 3 novembre 2006, Mme Laurence Coste, ancienne fonctionnaire à la Brigade des mineurs de Marseille, aujourd’hui déléguée départementale de Synergie officier, remarque « de plus en plus de mineurs présentent des troubles psychologiques et psychiatriques et même schizophréniques avérés ». Elle parle « d’adolescents dont plus personne ne veut » ! Un comble, dans une France qui vieillit, qu’on n’arrive plus à intégrer les jeunes.
Mais que veulent-ils les jeunes ? Question idiote, comme de demander à un déprimé ce qu’il faudrait faire pour lui. Ce que veulent les jeunes, le savent-ils eux-mêmes ? Une chose est certaine : on ne trouve plus beaucoup de jeunes : ni dans les syndicats ou les partis politiques, ni dans les structures associatives (y compris les associations sportives). Les jeunes sont consommateurs quand ils en ont les moyens. Destructeurs dans les autres cas. Mais trop rarement acteurs.
Faut-il s’en étonner ? La jeunesse a besoin de buts. Mais ceux-ci ont varié au fil du temps. Naguère c’était : avoir un bon métier pour pouvoir se loger et se marier. Cela faisait passer la nécessité de travailler à l’école. Or cette voie « royale » n’existe plus. Le diplôme « manuel » ne débouche plus sur un travail. Le diplôme supérieur non plus. Les stages qualifiants pas davantage. Les jeunes traînent d’emploi intérimaire en emploi partiel, avec des coupures pouvant atteindre 12 semaines par an. De ce fait, le logement des jeunes se fait problématique. Pas question alors de trouver un ou une petite ami-e ! Pas question non plus de pouvoir payer facilement le permis de conduire et la voiture.
désormais le but des jeunes rejoint le modèle proposé par la télévision : vivre, faire la fête, être avec ses potes. Si le cadre dans lequel ils se trouvent est impuissant à fournir un autre modèle, le temps d’insertion dans la vie adulte risque d’être très long.
Que proposent les adultes à la jeunesse. Quelques parents, qui ont « des relations », peuvent proposer un travail (et même ça, ça ne marche pas toujours !) Mais les autres ? Ils n’ont rien à proposer car ils n’ont rien. Et cela ne facilite pas le dialogue entre jeunes et adultes.
La jeunesse a besoin de héros. Comme dit le « Bê Fô Journal », on ne lui offre que ces machines à faire de l’argent, fabriquées par des multinationales, que sont les vedettes du show business.
Les jeunes ont besoin de lieux pour se réunir, pour refaire le monde. Les seuls lieux où ils peuvent se réunir, ce sont les cafés, où l’on sait que les boissons alcoolisées sont les moins chères ! Les Communes ou Communautés de Communes ne proposent pas (ou peu) de local pour les jeunes, car elles ont peur. Peur de la drogue en particulier. Comme si la drogue était liée au rassemblement de jeunes et non pas à leur mal être !
Et lorsqu’une Commune leur offre un local, elle ne leur fait pas confiance pour l’aménager à leur goût : il y a des normes à respecter, pour éviter les accidents. On en crève de ces fameuses normes qui corsettent tout le monde ! Quand arrive l’explosion .... il n’y a plus de limite !
La jeunesse a besoin d’expérimenter. Mais tout est aseptisé et sécurisé dans notre société. Les jeunes sont même sur-protégés. Ceux qui ont le droit de faire 500 mètres à pieds, ou à vélo, pour aller à l’école, par tous les temps, deviennent des exceptions.
La jeunesse a besoin d’un idéal. Celui qu’on lui propose actuellement se limite au monde du sport et de la médiatisation. Le brûleur de bus devient un héros à défaut d’autres héros à imiter. Aux jeunes de Châteaubriant la municipalité propose ... de collecter les lettres au Père Noë l. Perspective enthousiasmante !
La jeunesse a besoin d’activités : pour cela, il y a ce qu’il faut. Du sport, encore du sport. Du sport-consommation, souvent. Il y a heureusement quelques sections qui laissent aux jeunes la responsabilité d’encadrer des plus jeunes.
La jeunesse a besoin de responsabilités....mais les « vieux » restent en place longtemps, trop longtemps. Le cumul des mandats fonctionne à tous les échelons de la société ! Quelques jeunes heureusement s’engagent dans des structures associatives ou politiques, mais cela devient si rare.
Tout se passe comme si nous étions dans un monde sans jeunes .... Les jeunes étant situés dans un monde à part, coupé de tout.... Deux planètes qui s’ignorent ... ou se détestent. La peur qui s’installe. On a tant diabolisé les jeunes (Ã tort !) qu’on ressent une certaine crainte en face d’un groupe de jeunes..
Que faire ? Ce qui précède explique la dérive de la jeunesse, mais ne saurait l’excuser. La société n’est pas génératrice de tous les maux et chaque jeune ne peut échapper à sa responsabilité individuelle. Mais quand on a dit ça ? Les discours menaçants et insultants vis-Ã -vis de la jeunesse ont déjà fait la preuve de leurs limites. Il n’est pas possible d’aller plus loin.
Il est donc temps de ... cesser de penser « pour les jeunes » et de faire des choses « pour les jeunes ». Il est temps de se mettre autour d’une table, de rassembler les idées des uns et des autres, d’expérimenter diverses actions, avec les jeunes eux-mêmes. Cela ne marchera pas sans doute du premier coup. Cela ne marchera sans doute pas de la même façon ici et là , ce sera à recommencer souvent. Mais peut-on continuer à accepter l’auto-destruction de la jeunesse ?
On parle souvent du tabac, de l’alcool et des drogues comme « conduites addictives », moyens de se shooter, d’échapper à la réalité quotidienne sur laquelle on n’a pas prise. La conduite actuelle d’une partie de la jeunesse est une forme de suicide collectif qui ne peut que conduire à la destruction de nos sociétés.
Face à cela, que faire ? Une chose est évidente : il faut restaurer la parole. Car, en restant sur la peur, on reste sur de l’émotion et la raison s’éloigne rapidement.
Bien sûrtout cela est plus facile à dire qu’Ã faire. Cela demandera beaucoup de temps mais on sait que, tant qu’on ne le fera pas, rien ne se passera !
Jeunesse, j’écouteInclusion de la vignette : Que faudrait-il faire ? Finalement on ne le sait plus. Des pays, comme le Canada, ont lancé un système d’écoute. Pour répondre aux angoisses des jeunes : 1000 d’entre eux appellent chaque jour. Il y a aussi un système d’assistance-aux-parents qui, l’an dernier, a reçu 25 000 appels et 50 000 consultations de site internet. « Nous estimons que 85% des appels portent sur des problématiques qui pourraient provoquer des séparations. Nous estimons également que 35% des appels constituent des situations de crise dans lesquelles un enfant est en danger. » disent les initiateurs. Un exemple : Serge, 17 ans, vivait dans la rue depuis trois mois. Ses parents l’avaient mis à la porte et il avait commencé à voler, à se battre et à consommer de la drogue. Au moment de téléphoner à « Jeunesse, J’écoute » , il était désespéré. Il a dit au conseiller qu’il était en train de perdre le contrôle. Il ne voulait plus se droguer mais ne savait pas par où commencer. Le conseiller, formé pour trouver le programme qui répond aux besoins de Serge, a communiqué avec plusieurs organismes. Un travailleur auprès des jeunes a accepté de venir chercher Serge et de lui trouver un endroit où rester Les conseillers professionnels de « Jeunesse, J’écoute » aident les jeunes à traverser des situations difficiles, comme l’influence des pairs, la drogue, le divorce des parents ou le décès d’un ami ou d’un membre de la famille. Ils leur enseignent des techniques de négociation, des moyens de reconnaître et d’explorer les différentes possibilités qui s’offrent à eux et, le plus important, des moyens de communiquer avec leurs parents ou d’autres personnes clés de leur vie. |