Ecrit le 25 février 2009
Aventures mexicaines
Suite des aventures mexicaines d’un jeune étudiant de Moisdon-la-Rivière parti étudier à Puebla. Il envoie « un bonjour venu d’un après-midi ensoleillé mexicain »
et raconte ...
Voilà un petit moment que je n’ai pas donné de nouvelles je me rends compte qu’il y a toujours un moment de flottement après un mois de pérégrinations, un moment où l’on tente de s’intégrer au maximum et donc d’oublier quelque peu sa langue maternelle et ses origines. désormais, je me sens à ma place, d’où cette envie de vous communiquer ce bien-être.
Le Mexique en chiffres
Par où commencer ? Et pourquoi pas par la promesse du précédent message : le Mexique en chiffres. J’ai donc posé les pieds dans un pays de 110 millions d’habitants, vivants sur un territoire de 1,9 millions de km2, soit près de 4 fois la France. Mexico, la capitale, que les Mexicains nomment plus souvent « el D.F. » (défé, pour District fédéral) compte 22 millions d’habitants et peut donc être considérée comme la deuxième plus grande ville du monde. Elle va d’ailleurs probablement chiper la première place à Tokyo dans quelques années, si l’on en croit les statistiques qui affirment que sa population augmente de 4000 têtes chaque jour.
Puebla, mon lieu de vie, regroupe quant à elle près de 2 millions de personnes. Le Mexique est en effet un pays fortement urbanisé, à hauteur de 75 % . Il est également très catholique : 90 % des autochtones se déclarent fidèles au Père, au Fils etc. c’est la preuve que la colonisation, qui implique évidemment une christianisation, initiée par el conquistador Hernán Cortés et ses massacres en 1521, a très bien fonctionné, même si l’on peut remarquer quelques résistances subliminales dans la pratique, comme par exemple dans le culte des Saints ou de la Vierge.
La Vierge de Guadalupe
Pour cette dernière, les Espagnols n’ont jamais pu réellement imposer la leur (la nôtre), trop blanche sans doute au goût des Mexicains, qui lui préferent la Vierge de Guadalupe, soi-disant apparue sur une colline au nord de Mexico en 1531.
Elle est l’objet d’un véritable culte et possède d’ailleurs un jour qui lui est dédié, le 12 décembre, l’occasion d’un pélerinage monstre au Mexique où 14 millions de personnes se dirigent, avec tous les moyens de transport possibles et (in)imaginables, vers l´église bâtie au sommet de la dite colline.
Le Mexique, c’est aussi 1,2 milliard de tortillas (galettes de maïs) consommées chaque jour ainsi que 90 millions de bouteilles de téquila (source douteuse, mais on ne doit pas être loin du compte).
et le foot
Pays de football, la première division regroupe 20 équipes, la meilleure étant pour les Mexicains les Chivas de Guadalajara (très dur à prononcer pour un Francais), suivis de près par les Pumas de Mexico D.F., dont le stade, l’Estadio Azteca, peut regrouper jusqu’Ã 105 000 personnes. Le F.C. Puebla, quant à lui, est plutôt l’objet de moqueries, et il est vrai qu’au vu du jeu pratiqué, je ne suis pas dépaysé en réalisant un parallèle avec les chèvres du F.C. Nantes.
L’ultrastar se nomme Rafael Márquez, défenseur mexicain du F.C. Barcelone, dont une blessure de deux semaines est considérée ici comme un drame national : trois vierges doivent porter le voile du deuil durant cette période apocalyptique (Je ne déconne presque pas).
Drogue et corruption
L’une des marques de fabrique du coin, c’est également la corruption, omniprésente tant en politique que dans le commerce. Une prof de mon université à Puebla l’a d’ailleurs admirablement qualifiée d’« huile qui graisse la machine » . Elle est inscrite dans les moeurs et apparaît donc normale aux yeux de tous. La présence du grand voisin au nord n’y est pas étrangère, avec notamment la demande toujours plus élevée en drogue qui fait le bonheur des narco-trafiquants, véritables initiateurs et maîtres de cette économie sclérosée. Leur richesse est sans limite.
Une anecdote pas si drôle que ca veut que l’un des leurs, emprisonné à vie pour de logiques raisons, ait proposé une caution pour sa libération, équivalant à la dette extérieure du Mexique (soit 150 milliards de dollars !).
Les « yeux fermés » des autorités sont d’ailleurs visibles à tous les coins de rue, qui regorgent de petits magasins vendant des DVD pirates pour 10 pesos (0.50 €) ou de négoces douteux proposant les plus grandes marques du monde, en fringues, clopes ou électronique, à l’agréable prix du marché de la contrefacon.
Les paradoxes de l’administration peuvent aussi se vérifier dans les pharmacies où, sans complexes, on peut y acheter un paquet de cigarettes. ¡ Salud ! (Santé).
Cholula
Passons maintenant à mes aventures personnelles. Je n’ai pas beaucoup voyagé dans le pays durant ce dernier mois et me suis plutôt concentré sur Puebla et ses alentours, ce qui m’a permis de connaître la ville de Cholula. Située à 7 km de la métropole, cette « petite » ville de 80 000 habitants est dédiée aux étudiants. De nombreuses universités s’y font concurrence pour attirer des élèves venus des quatre coins de la planète. Groupement jeune et international oblige, c’est aussi la ville des fiestas, nocturnes comme diurnes. Les bars et autres discothèques pullulent à tous les coins de rue.
J’ai personnellement, et déjà plusieurs fois, fait l’expérience de ce « lieu de débauche » . Mais la fiesta la plus mémorable fut sans doute celle de mon anniversaire, soit la nuit du 17 au 18 janvier, où j’ai réalisé avec des amis mexicains ce que l’on appelle en bon francais la « tournée des grands ducs » .
Après avoir commencé la soirée à un anniversaire à Puebla, direction Cholula pour se retrouver dans un appartement tenu par une Suédoise, une Espagnole et un Mexicain (chanceux, le bonhomme). Puis, les festivités terminées, nous partons vers un bar avant d’en trouver un autre et, pour finir, nous élisons une discothèque où, fait unique dans mon histoire, j’ai fait péter la bouteille de téquila, fort cher ma foi comparé au marché, mais bon, on a pas tous les jours 23 ans et Madame MasterCard ne se fait pas prier pour offrir à des heures éthyliques avancées des boissons aux prix initialement invisibles. Et ici, pas d’heure de fermeture, la boîte reste ouverte jusqu’Ã 11 h, midi, en fait tant qu’il y a quelques poivrots du matin encore prêts à consommer. Le lendemain, ou plutôt l’après-midi-soir du jour, mal de crâne, évidemment, ponctué par la demi-surprise de la forte somme dépensée. Peu important ma foi, l’avarice n’étant pas de ma veine.
Cholula, c’est aussi la ville d’une pyramide aztèque que l’on peut visiter, du moins ses souterrains, car Cortés a décidé en arrivant de construire une église à son sommet, d’où l’actuel paradoxe d’une pyramide catholique dans cette ville.
J’ai pu aller faire un tour dans ces souterrains, pas si extraordinaires qu’on dit et qui sentent fort mauvais.
L’heure mexicaine
Dans les autres découvertes, il y a bien sûrl’université mexicaine, qui a commencé pour moi le 19 janvier. Que de nuances avec la France. Premièrement, l’heure mexicaine n’est pas celle qu’indique l’horloge parlante. Le retard est ici un fait culturel, même avec les profs. Par exemple, pour un cours d’« Histoire du Mexique au XIXe siècle » initialement prévu de 10 h à 14 h, la « maestra » arrive avec un petit ¾ d’heure de retard, se grille 12 clopes durant son cours (et c’est dur pour un fumeur de ne pas avoir le droit alors que la salle de cours s’emplit de fumée) et décide d’arrêter la lecon à 12 h 45.
Autre exemple de la tranquilité des enseignants avec le cours d’Histoire et Economie, où nous ne sommes que deux élèves, moi et une grosse Mexicaine pas très sympa, pour deux profs qui n’arrêtent pas de se marrer au sujet de leur vieux temps, de s’engueuler sur le Marxisme, qui font sept pauses clopes en 4 heures et en profitent pour me demander si j’ai eu l’occasion de tester « les filles et la Marie-Jeanne du Mexique » . Hum ! Pas très universitaire tout ca, mais bien drôle.
Il est vrai que la proximité entre les profs et les élèves est bien différente de celle pratiquée en France (que je qualifierais de « lointaine et respectueuse » ). Ici, le prof s’asseoit parmi les élèves, on l’appelle par son prénom et on raconte plein de blagues, que je ne comprends pas toujours, mais ça vient assez rapidement.
Et oui, mon espagnol a connu de forts progrès ces derniers temps.
A tel point que je me surprend moi-même. Que ce soit dans la compréhension ou dans la pratique, je peux désormais capter et parler la majeure partie de la langue. Même ma conjugaison s’améliore. Je connais certaines profs d’espagnol de mon collège de la Ville aux Roses et de mon lycée, Guy Moq’, qui en pleureraient de joie en comparaison avec mon ancien niveau, déplorable, surtout dû à ma mauvaise foi adolescente et à cette envie de se marrer plutôt que de travailler. Dorénavant, Mesdames, (mes profs d’espagnol, curieusement, ont toujours été des femmes, pas pour vous ? Ca doit être dû à la beauté de la langue) je rattrape le temps perdu de la meilleure manière qui soit, c’est à dire en m’intégrant dans un pays étranger hispanophone.
Chido
Cependant le Castillan d’Espagne qui nous est enseigné en France diffère quelque peu de celui pratiqué au Mexique. Plusieurs mots sont bien particuliers à ce dernier. Et en tout premier lieu, je tiens à vous parler de celui qui est le plus utilisé, l’incarnation du Mexique jeune : « chido » . La traduction de ce mot est simple et difficile à la fois. On l’emploie en toutes circonstances pour dire bien, cool, génial, sympa, salut, ça va Et beaucoup d’autres choses encore que je ne saisis pas toujours. Mais je dois faire attention, car pris dans mon élan de découverte de la langue, je me suis mis à employer ce mot en plein cours, pour parler d’Histoire. A ce moment, la prof a stoppé mon élan pour me préciser que : « Manuel, le Castillan est riche d’un large vocabulaire, alors, s’il te plaît, délaisse le langage de la rue au moins en cours de master. » Même si les enseignants sont plus laxistes ici, il est vrai qu’il est un peu limite, en France comme au Mexique, de parler en plein cours de Napoléon III en le qualifiant de « mec bien cool qu’a tout de même bien géré » (Rassurez-vous, ce n’est pas ce que j’ai dit, c’est juste pour l’exemple). Donc, chido est un mot de la rue utilisé partout. Cependant, chose curieuse, aucun Mexicain n’a été capable de me signifier son origine.
l’autre terme fortement employé est « guey » , qui veut dire « mec » . LÃ , il y a une racine bien définie : ce mot est un dérivé de « buey » , qui veut dire « bœuf » . Et bien qu’il ne me plaît qu’Ã moitié de me faire appeller « bœuf » , pour des raisons fort logiques, je me mets à saluer mes potes mexicains de la meilleure facon qui soit : « ! Chido guey, como estas ! » .
l’autre différence majeure de l’Ibérique pratiqué ici est bien sûrdûe à la proximité des « Gringos » (Les Etatsuniens). De nombreux mots anglais se sont hispanisés, tout comme chez nous, francophones, québécois comme francais. Les plus célèbres sont : « checkar » , de « to check » , regarder ; « parkar » , de « to park » , se garer ; « rentar » , de « to rent » , louer ; ou encore dans de nombreux noms communs tel « un carro » , « a car » , une voiture, qui se dit plutôt « un coche » en Castillan.
DDe à la mexicaine
Il va être temps de vous quitter, non sans exposer quelques observations et autres anecdotes. Il est vrai que la vie est belle, mon appart est sympa, bien situé car proche du centre et donc de la BUAP (Benemerita Universidad Autonoma de Puebla, mon université), mais un inconvénient de taille s’est immiscé dans ma vie depuis près d’un mois : la compagnie des travaux de Puebla, la D.D.E du coin, a décidé de rénover ma rue. Rien de mal à première vue, sauf que les horaires des cantonniers mexicains sont bien particuliers. J’ai vu parfois celui qui manie la pelleteuse, fort bruyante, terminer son boulot à 1 h 30 du mat. Le tapage nocturne n’est pas une notion existante en ces terres lointaines. Tout irait bien s’ils commençaient l’ouvrage plus tard le matin, en contrepartie, mais non, certains matinaux sont sur le pied de guerre dès 7 h. Et c’est du lundi au dimanche. Mon sommeil, pourtant mémorable, en prend un coup pour la légende. Suis parfois un ti peu fatigué.
Le comble, c’est que l’architecte a vraisemblablement mal prévu ses plans, car depuis trois semaines, alors que je croyais les travaux visiblement terminés, les ouvriers n’en finissent plus de casser et recasser ce qu’ils avaient construit, pour une conduite de gaz oubliée ici, un câble électrique mal placé là , une arrivée d’eau défectueuse ou encore un réverbère hors-service. Mexique, tu es bien étrange, parfois.
Marchandage !
Je tiens par ailleurs à rendre hommage aux chauffeurs de taxis du coin, qui sillonnent jour et nuit les rues de la grande Puebla pour des sommes dérisoires. De plus, la négociation est possible. Pas de compteurs pour savoir combien il faut payer, on gère le prix avant de monter. En général, au vu de ma gueule de gringo, du moins plus blanche que celle d’un natif, le chauffeur propose un prix assez élevé (toutes proportions gardées avec la France), du genre 80 pesos (4.50 €) pour faire 15 km. Je réponds que je préfère pour 50. Il me propose alors 60 (3.20 €), ce que, en géneral, j’accepte. Il est amusant de voir qu’au fil de mon apprentissage de la langue, les prix baissent considérablement.
Pour terminer, petit clin d’oeil à la chanson française. Eh oui, il y a des artistes francophones connus et reconnus ici, deux en particulier qui ne sont autres (quelle chance pour le rayonnement de l’exception culturelle francaise !) Alizée, avec l’intellectuel et distingué tube « Moi, Lolita » , ainsi que notre regretté Christophe et son tube engagé « Aline » . Le plus drôle est de les entendre chanter le refrain de Christophe et sa fluette voix avec un accent à coucher dehors. Snif, aucun Mexicain ne connaît Brel, Brassens ou Gainsbourg.
En espérant que tout va à peu près bien en France, que notre cher président presque socialiste est toujours aussi proche du peuple qui l’a élu, que les crus vinicoles de 2008 s’annoncent bien, que le roquefort n’a pas augmenté et que, surtout, vous conservez la santé, je vous souhaite une belle continuation et à bientôt pour d’autres nouvelles mexicaines.