Ecrit le 13 juillet 2016
La Biennale de Venise est une fondation italienne organisant différents événements internationaux, une sorte d’Exposition Universelle consacrée aux arts. La Biennale d’architecture de Venise reste, dans son domaine, l’événement international le plus important. Elle en est à sa quinzième édition et, malgré quelques accidents, n’a jamais perdu son rôle prééminent.
Les architectes qui participent à la XVe Biennale internationale d’architecture de Venise ont délaissé la conception et la réalisation de projets spectaculaires et démesurés pour d’autres objectifs :
– améliorer les conditions de vie des personnes les plus démunies et exclues de la société,
– choisir des matériaux simples et écologiques
Sous la direction cette année de l’architecte chilien Alejandro Aravena, ils ont opté pour la lutte contre l’inégalité et la pauvreté qui règnent dans le monde en créant des structures accessibles au plus grand nombre.
Le pavillon français 2016, ce sont 22 projets « qui racontent de belles histoires issues de territoires ordinaires », 22 projets qui montrent comment l’architecture peut contribuer à répondre aux problèmes de la société contemporaine. Et dans ce pavillon français on trouve la réalisation de l’école de Bouvron, due en particulier au cabinet Daubas-Belenfant de Nozay, au bureau d’études Fluide et thermique Airéo-énergies de Nozay et au bureau d’études paysagistes La Terre Ferme à Vay.
Un ventre
Lorsque la petite commune de Bouvron réalise son « pôle enfance » (école, accueil des petits, accueil périscolaire), elle prend le risque de bousculer les codes :
– les architectes Belenfant et Daubas dessinent une structure métallique unique, légère et économe, inspirée des hangars.
– l’association La Terre ferme aide ensuite à donner corps à l’école, à partir de briques de terre crue, issue du site : les enfants mettent la main à la pâte, et l’on est surpris de voir un chantier où les élèves eux-mêmes forment une chaîne, se passant des centaines de briques de main en main, et contribuant ainsi à la construction de leur propre lieu.
Dans le contexte réglementaire actuel, cette expérience est un « miracle » salutaire, et l’on pressent le courage qu’il fallut mobiliser : architectes, mais aussi citoyens, élus et entreprises : pour oser.
Le hangar métallique dissimule un « ventre » aux parois en terre crue. Manifestement c’est étrange ! Une telle apparition au bord de l’ancienne école ne pouvait être partagée et comprise qu’Ã la condition que ce projet émane collectivement des esprits de tous les acteurs réunis pour imaginer leur école du futur. Pendant près d’un an, enfants, parents d’élèves, enseignants mais aussi chauffeur de car, aide-maternelle, cuisiniers ont travaillé avec les architectes, paysagistes, thermiciens et élus de la commune. Tous ont manifesté leur intérêt et leurs expériences. Cette émulation est le fruit d’une pratique dynamique de la démocratie participative. L’essence même du projet tient au partage de valeurs communes que les architectes ont recueillies et concrétisées.
La puissance du territoire, rural par son origine, aimanté quelquefois par la métropole nantaise, a guidé tout le processus. Ce territoire a démontré sa capacité à mobiliser ses acteurs et à faire émerger toutes ses ressources. Ressources humaines, patrimoniales et matières premières : tout a été exploré, tricoté lors des ateliers participatifs. Quoi de mieux qu’une école construite par des éco-bâtisseurs en formation : une école ou apprendre à apprendre devient un jeu d’enfant !
Des enfants et des briques
La terre du site comme matière première pour l’ensemble des murs intérieurs en est le fil conducteur : la fabrication d’igloo pour les enfants est une invention née d’un véritable processus de création en mouvement, de la concertation à sa réalisation.
Les murs en bois locaux isolent les classes. Le détournement du silo agricole, élément commun du paysage rural, porte l’étendard du groupe scolaire. Posé à l’entrée du site, il stocke le bois déchiqueté, issu de l’élagage des arbres communaux, alimentant la chaudière bois.
Les cours sont tapissées des copeaux où croissent les fraises, framboises et autres herbes qui viendront parfumer la cuisine des écoliers.
Le site s’est aussi reconnecté à son environnement en accueillant autour de l’école les moutons de la commune, véritables spectateurs de l’énergie enfantine déployée au quotidien.
Ce projet ne s’est donc pas limité à la construction d’une école ni à un geste architectural éloquent. Une synergie citoyenne s’est créée autour de lui et n’est pas près de s’arrêter. En s’appuyant sur les ressources disponibles, il a mobilisé à lui seul son territoire et ceux qui y vivent.
Au travers d’un projet architectural, un concepteur a alors conscience qu’il n’est qu’un maillon agissant et interagissant avec un territoire en participant à la « recréation » d’un véritable éco-système.
Ce groupe scolaire regroupe les deux écoles, publique et privée de Bouvron. Le restaurant scolaire, l’accueil périscolaire et le centre de loisirs y cohabitent facilement.
La conception optimisée du nouveau bâtiment et le recours à des matériaux locaux ont contribué au coût de construction très maitrisé, de l’ordre de 1 070 € HT /m2 SHON, « ce qui en fait l’école la moins chère de France », assurent les élus !
Lire l’article :
La démarche PCI
La municipalité de Bouvron a choisi de mettre en œuvre un Processus de Conception Intégrée (PCI ), afin de placer les usagers au cœur de la conception et de mettre tous les acteurs du projet autour de la table. Voir l’article du réseau Bruded.
Nouvelles richesses
Les animateurs du pavillon français, à la XVe biennale de Venise, expliquent :
« Les politiques publiques s’étiolent, l’urbanisme contemporain assemble des produits immobiliers dont le relookage façadier peine à masquer la standardisation étriquée et, çà et là , quelques centaines de millions de dollars donnent à deux ou trois grands »couturiers" de dispendieuses illusions.
Les « grands projets » exceptionnels, les nouveaux quartiers des grandes villes les plus riches mobilisent l’attention. A force de célébrer les « star-architectes » et les projets dispendieux, on oublie que l’architecture apporte des réponses simples, adaptées, partagées et efficaces dans la plupart des situations, plus ordinaires et plus modestes, l’essentiel des lieux où nous habitons, où nous travaillons.
Toutes ces expériences témoignent d’une « nouvelle richesse », dont l’évaluation n’est pas uniquement monétaire.
Cette nouvelle richesse est faite de ressources locales, d’échanges reconfigurés, de démocratie citoyenne. "