Ecrit le 20 octobre 2004 :
Soldes monstres à l’hôpital de Châteaubriant :
un marché de dupes
La section syndicale CFDT (87% des voix lors des dernières élections de repré-sentants du personnel de l’hôpital), qui siège au Conseil d’administration du Centre Hospitalier, s’inquiète des dernières décisions de l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation) et souhaite l’appui de la population pour une négociation qui concerne l’avenir du pôle de santé hôpital-clinique.
Un peu d’histoire :
30 juillet 1998 : un accord cadre est signé (la présidente du Conseil d’administration de l’hôpital est alors Martine Buron, maire de la ville) créant le « pôle de santé castelbriantais » (Hôpital + Clinique) sur un site unique : le terrain de l’hôpital. Cela se fait à la demande de la tutelle, c’est-à-dire l’agence régionale de l’hospitalisation. (ARH). Il y a alors partage des activités entre les deux établissements, l’hôpital renonçant à la chirurgie (secteur rentable) pour la laisser à la clinique. La médecine, les urgences et la cancérologie sont confiées à l’hôpital.
9 mai 2000 : est signé un « Contrat d’objectifs et de moyens » entre l’hôpital et l’agence régionale de l’hospitalisation. Il est alors promis à l’hôpital un certain nombre de moyens financiers pour modifier les locaux en vue du regroupement avec la clinique.
5 décembre 2003 (cette fois le président du Conseil d’administration est Alain Hunault, maire) : un avenant au « contrat d’objectifs et de moyens » précise que l’hôpital recevra 500 000 € par an pendant 20 ans, pour faire face aux emprunts correspondant à l’aménagement suivant :
. construction d’une maternité et d’un hall d’accueil
. Restructuration de locaux pour les urgences, la pédiatrie et le bloc opératoire
. Réhabilitation des locaux actuels de la Clinique en lieux d’hébergement pour les élèves-infirmiers de l’école « IFSI » (institut de formation en soins infirmiers)
Les surfaces, les montants, les crédits sont indiqués avec précision.
- Dessin de E
- Dessin de Eliby, journaliste parlementaire, journaliste Unesco, écrivain. Membre de la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. 06 23 789 305
Pourquoi une restructuration ?
L’arrivée de la clinique (actuellement en cours de construction à côté du hall d’entrée de l’hôpital), entraîne des bouleversements : par exemple les chirurgiens de la clinique vont avoir besoin de bureaux de consultation donc il est prévu :
Les bureaux de consultation des chirurgiens de la clinique iront occuper les locaux actuels des « consultations externes » de l’hôpital.
Les « consultations externes » de l’hôpital iront occuper les locaux actuels de l’administration de l’hôpital.
L’administration de l’hôpital passera au deuxième étage, là où est la pédiatrie, quitte à construire sur le toit !
La pédiatrie ira dans un bâtiment neuf à construire près de la maternité, de façon à constituer un pôle mère-enfant.
Enfin il est prévu de construire un local plus important pour les urgences. En effet les urgences de l’hôpital accueillent actuellement 12 000 patients par an, de son côté la clinique en accueille encore 3000. Quand la nouvelle clinique sera terminée (à côté de l’hôpital), c’est l’hôpital qui accueillera les 15 000 patients.
Enfin il est promis 10 lits d’oncologie (cancer) à l’hôpital : cela veut dire : 10 chambres et les services qui vont avec.
Total de ces travaux : 8 300 000 €. Les plans sont faits, ils sont approuvés par le Conseil d’administration de l’hôpital en juin 2004.
Immobilier
Dans le contrat de décembre 2003, l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation) impose à l’hôpital le rachat des locaux actuels de la clinique. L’ARH donne 2 millions d’euros à l’hôpital pour cet achat. « Si l’ARH veut faire ce cadeau à la clinique, ça la regarde. Mais en obligeant l’hôpital à acheter, cela crée de nombreuses difficultés : qui va entretenir ces nouveaux locaux, qui va les rénover, combien ça va coûter, qu’est-ce qu’on va en faire ? la location à des étudiants couvrira-t-elle les frais ? qui s’occupera de la gestion ? » interroge la CFDT qui estime que l’hôpital n’a pas une vocation immobilière et qui précise que, en de nombreux endroits, les centres hospitaliers qui ont des logements d’internat les ferment !
« Cet achat est une subvention indirecte à la clinique, une subvention déguisée. Quand nous l’avons dit à l’ARH, son directeur, M. Paille, nous a dit qu’il ne fallait pas dire ça. Et même qu’il valait mieux ne rien dire du tout » continue la CFDT.
On réduit
Et voilà que les choses se gâtent : une décision de l’ARH en date du 19 juin 2004 demande de réduire les constructions (1800 m2 de constructions neuves au lieu des 2600 m2 prévus). « On nous demande d’étendre l’hôpital en restant dans l’existant. Or nous sommes déjà à l’étroit » dit la CFDT.
« Quand nous disons : à l ‘étroit, ce n’est pas une question de confort ! C’est tout simplement qu’il manque des équipe-ments. Les médecins sont obligés de réduire leurs consultations pour laisser le bureau à leurs collègues ».
On ampute même !
En même temps que l’ARH demande une réduction des surfaces, elle ampute le budget de 30 %. « Ce n’est pas possible ! une chambre de malade un peu plus petite ne coûte guère moins cher car elle doit avoir, de toutes façons, porte, fenêtre, salle d’eau, équipements pour l’oxygène, etc. Même chose pour les salles de soins, salles d’opération, bureaux de consultation ... Réduire les surfaces ne permet guère de réduire les coûts » dit la CFDT.
« Ces réductions de surface vont entraver l’activité de l’hôpital. Or, en 2007, nous rece-vrons des fonds en fonction de notre activité. On nous empêche donc de nous développer ».
« Notre budget construction est réduit de 30 % mais la subvention déguisée donnée à la clinique pour ses locaux n’est pas touchée »
« L’ARH nous avait dit : à Châ-teaubriant il y aura deux gagnants ou deux perdants. Nous consta-tons que la clinique est gagnante et que l’hôpital sera perdant ».
Adieu les plans approuvés en juin 2004, il faut tout recommencer, donc de nouveaux frais pour l’hôpital et du temps perdu. « La clinique sera prête comme prévu fin 2005 ou début 2006, l’hôpital, lui, ramera encore. Serons-nous crédibles ? ».
Ce retard des travaux n’est pas imputable à l’hôpital, mais à l’ARH (c’est-à-dire à l’Etat). Et cela va créer d’énormes complications : dans le projet de pôle de santé castelbriantais, il est prévu que la pharmacie, la radiologie, les cuisines-restauration, les urgences soient communes aux deux établissements. Le bureaux des chirurgiens de la clinique seront installés dans l’hôpital. Si la restructuration de l’hôpital n’est pas faite (et elle ne le sera pas avant un an), la clinique ne pourra pas aménager ses nouveaux locaux. Ceux-ci resteront donc vides ?? Cela va générer des coûts supplémentaires.
Au niveau national de beaux effets d’annonce parlent d’un plan « Hôpital 2007 ». Dans la réalité des choses, les crédits prévus sont largement rognés. Châteaubriant n’est pas seule dans cette situation. Guingamp et Nord-Mayenne connaissent la même chose. En revanche, Sablé n’est pas touché (son maire est François Fillon !). « Ce n’est pas juste, dit un ancien directeur de l’hôpital. Châteaubriant représente environ 11 millions d’euros, ce n’est rien à côté de Sablé qui fait 4 fois plus ».
On n’achète pas
« Il y a une solution, dit la CFDT : l’hôpital n‘achète pas les locaux actuels de la clinique. L’ARH peut le faire si elle veut, en se débrouillant avec les contribuables.
De toutes façons, rien n’a été voté par l’hôpital en ce qui concerne ce rachat »
La CFDT demande que le directeur de l’ARH vienne s’expliquer au prochain Conseil d’Administration de l’hôpital, prévu le 22 octobre. Elle demande à la population de se mobiliser.
« il ne s’agit pas d’attaquer la clinique privée mais il s’agit de défendre le pôle de santé public-privé. Or actuellement c’est le public qui est perdant. L’ARH a menti, les accords signés sont remis en cause unilatéralement. Si nous devons faire un pôle de santé au rabais nous aurons encore plus de mal à trouver des médecins. Est-ce cela qu’on veut ? »
Le Conseil d’Administration du 22 octobre sera sans doute « chaud ». Tout le monde est combatif, à commencer par les praticiens hospitaliers. Le directeur de l’ARH se défile : il se fera représenter par M. Pruel, directeur départemental de la DDASS (direction des affaires sociales). Nous en reparlerons.
BP
Ecrit le 26 octobre 2004 :
Fin de la mascarade ???
Ne coulez pas l’hôpital
Dans le béton de la clinique
Vendredi 22 octobre, 8h45, beaucoup de monde dans le hall de l’hôpital. Des drapeaux rouges marqués CFDT et des affichettes rappelant « l’ARH m’a tuer », « La santé a un prix, ne nous faites pas le coût du lapin », « hôpital, promoteur de santé et non pas promoteur immobilier », « Ne coulez pas l’hôpital, dans le béton de la clinique ». M. Pruel, directeur de la DDASS, représentant l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation), passe rapidement et s’engouffre dans l’escalier. Les manifestants font un ban ironique. Le maire Alain Hunault passe aussi, et revient faire une déclaration, « Je me réjouis de voir le personnel mobilisé. Plus nous serons unis, plus nous serons efficaces, vous pouvez compter sur ma détermination ».
En séance du Conseil d’administration la CFDT lit le communiqué suivant :
« Le personnel de l’hôpital dénonce :
la décision unilatérale de l’ARH de modifier l’avenant au Contrat d’objectifs et de moyens de 2003
et l’approche purement économique [faite par l’ARH]
Il s’oppose à cette réduction de moyens par le refus d’achat, et de réhabilitation de la clinique. Nous n’avons pas vocation à être promoteur immobilier.
Le personnel demande l’application de l’accord-cadre de 1998 permettant d’ouvrir les 10 lits d’oncologie, et les moyens en personnel pour faire fonctionner la restructuration.
Nous nous adressons aux administrateurs afin qu’ils sentent le poids des responsabilités qu’ils ont sur le dos . Il ne s’agit pas que de l’avenir de l’hôpital mais bien de celui du pôle de santé de Châteaubriant.
L’ARH nous avait dit en juillet qu’il n’y aurait pas un gagnant et un perdant, mais deux gagnants ou deux perdants... Ce n’est pas l’impression que nous ont donnée les évènements de ces dernières semaines...
Le personnel serait heureux d’entendre vos explications, bien que vous nous ayez déjà démontré qu’il ne fallait pas les prendre pour paroles d’évangile. »
A la fin du Conseil d’administration, par fax, le directeur de l’ARH s’engage à respecter ses engagements. Fin de la mascarade.
- Vue de l’Hôpital avant qu’il ne soit caché par la construction de la Clin
- « L’hôpital ne doit pas vivre dans l’ombre » dit le personnel
Passacaille
Cette histoire ressemble à une danse de la Renaissance : la passacaille,
Figure 1 : le rapprochement Hôpital-Clinique en un pôle unique de santé, est signé en 1998. Le Contrat d’objectifs et de moyens date du 9 juillet 2002. Un avenant du 5 décembre 2003 prévoit pour le Centre Hospitalier de Châteaubriant une enveloppe financière de 10 901 000 € pour effectuer sa restructuration et s’engage à verser 500 000 € pendant 20 ans. Suite à quoi des plans sont faits et avalisés par le Conseil d’administration du 25 juin 2004
Figure 2 : durant l’été, sur injonction du gouvernement (qui promet d’un côté et ratiboise les fonds de l’autre), l’ARH tâte le terrain. Oh non ! L’ARH laboure le terrain, méthodiquement, profondément : « Vous aurez 30 % de moins en crédits » dit le directeur, M. Paille. Il l’écrit.
Figure 3 : le Directeur de l’hôpital en informe son Conseil d’administration. « C’est pas bien » dit l’ARH qui aurait voulu garder tout secret. Secret, ça le reste en effet, un certain temps. Le maire écrit à l’ARH le 10 août pour lui demander de respecter ses engagements, mais cela reste dans les petits papiers de la correspondance.
Figure 4 : la CFDT siffle la fin de ce « divertissement » et informe la presse, pour relais dans l’opinion publique. La CFDT mobilise pour le jour du Conseil d’administration et M. Pruel, représentant de l’ARH, reçoit un accueil vif et « chaleureux ».
Figure 5 : l’ARH recule. M. Paille promet « Je respecterai tous les engagements pris ». Certes, il aurait bien voulu gratter des sous mais il le fera là où il n’y aura pas de réaction.
- Dessin de Eliby, journaliste parlementaire, journaliste Unesco, écrivain. Membre de la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Tél/Fax 02 40 94 3
Une motion votée à l’unanimité, a demandé et obtenu le respect des accords signés, « dans leur globalité à la fois sur les plans financier et fonctionnel (personnel et équipements) notamment sur les 10 lits d’hospitalisation en oncologie ». Cette globalité est inquiétante. Il aurait été préférable de respecter « dans le détail »
« C’est nous qui avons insisté pour qu’on rappelle les dix lits d’oncologie, par écrit » dit la CFDT, contente de la mobilisation qu’elle a su créer. « Nous irons jusqu’au bout » dit le maire de Châteaubriant. Quant au Directeur de l’Hôpital, il s’engage à ce que maintenant, tout aille vite. « Nous allons redoubler de vigilance » dit-il.
M. Airaud, Président de la Commission Médicale d’établissement, rappelle que le retard pris à l’hôpital pénalise aussi la clinique car celle-ci a besoin des équipements de l’hôpital : urgences , restauration, radio, hall d’entrée commun, etc.
Enfin, pour l’instant, tout est bien qui finit bien. Reste à mener la danse jusqu’au bout, sans mollir.
« Qu’en fasse confiance au personnel pour cela » dit la CFDT, heureuse du bon aboutissement de l’action du personnel.
Le directeur refuse d’être funambule
A propos de l’hôpital de Sablé :