Ecrit le 9 septembre 2020
L’histoire se passe le 25 août dans une petite commune au sud de Châteaubriant. Un homme âgé s’en va voir son médecin pour une histoire de diabète. Il est 16 h . C’est un médecin remplaçant qui est là. L’homme évoque ses autres soucis : un cambriolage récent dans sa maison, le vol de sa voiture, un accident avec un tracteur qui a reculé imprudemment et un cancer en cours de traitement qui l’oblige à des soins et des déplacements plusieurs fois par semaine. L’homme se montre un peu insouciant au sujet du traitement de son diabète, il explique qu’il a bien d’autres préoccupations, il mélange un peu. Le médecin ne l’écoute pas et le ton monte mais sans violence.
L’homme rentre chez lui ; et le soir même, vers 22 h, tandis qu’il est dans son jardin, il a la visite imprévue d’une ambulance, de quatre infirmiers du genre malabar assistés de deux gendarmes ; ils viennent l’interner de force en psychiatrie à la demande du médecin qui a pris contact avec le maire et le préfet, en évoquant « mise en danger de sa santé car n’arrive pas à assurer le suivi des maladies chroniques. Désorganisation majeure et obnubilation ».
En raison de cette visite … tardive et surprenante, l’homme prend l’avis de quelques amis qui lui conseillent de ne pas se rebeller. ll se laisse emmener calmement vers Pont-Piétin à Blain. Pas assis, non, couché. Et sans comité d’accueil un peu chaleureux à l’arrivée. Sa nuit est calme, même s’il est difficile de dormir quand le personnel vient voir toutes les heures si vous êtes encore vivant et contrôle trois à quatre fois votre valise au cours de la nuit. Le lit, pas fameux, ne fait pas bon ménage avec les prothèses de hanche. Mauvaise journé, mauvaise nuit !
- Chambre à Pont-Piétin
Le lendemain, notre homme cherche toujours à comprendre ! il se demande pourquoi le médecin a prescrit un internement psychiatrique d’office, pourquoi le maire a pris un arrêté pour « danger imminent pour lui-même et pour la sûreté des personnes ».
Son entourage ne comprend pas non plus, sa compagne est stupéfaite ! Ses amis savent que « lorsqu’il il a demandé l’aide des gendarmes pour le cambriolage chez lui, il n’a vu personne et là ils viennent pour un internement abusif ! » il y a de quoi se poser des questions.
Des questions sur le médecin surtout : en face d’un homme qui a des soucis, mais surtout qui veut vivre, il décrète un internement ce qui provoque l’intervention massive d’infirmiers et gendarmes à dix heures du soir. Pire que s’il y avait eu un forcené menaçant toute une ville ! finalement c’est peut-être le médecin qu’il faudrait enfermer !
Mais revenons à notre homme qui se désole dans sa chambre. Une chambre austère, sans table, sans chaise, avec une vue magnifique sur un grillage. Ne manquent plus que des barbelés et des clôtures électriques pour donner plus de cachet à cette garde à vue ! L’homme reste calme, entre le lit et la télévision. D’autres seraient en rage, juste ce qu’il faudrait pour justifier un internement.
Vous ne seriez pas en rage, vous ?
Dans la journée du mercredi, le médecin de Pont-Piétin reconnaît que cet internement n’est pas nécessaire. Le 26 août à 15h30 « l’admission en soins psychiatriques sans consentement n’est pas confirmée » écrit-il.
- Chambre à Pont-Piétin
Bon. Retour à la maison alors ? Ah ! Mais non ! Car il y a eu une prise de sang, faut attendre le résultat. Notre homme ne l’aura pas. Retour à la maison alors ? Ah, mais non, car il y a eu dépistage d’un éventuel Covid-19. Négatif. Bon, alors, retour à la maison ? Non, le jeudi se passe à attendre, entre le lit et la télé. Notre homme s’est même fait retirer le chargeur de son téléphone portable, des fois qu’il aurait l’idée de s’en servir pour se suicider. Il reste les fils de la télé pour ça …Mais notre homme, qui va régulièrement au centre René Gauducheau pour son cancer, a bien envie de vivre ! A propos, le traitement engagé a été interrompu ...comme il l’a été pendant le confinement. C’est pas bon ça.
Sur son (mauvais) lit, sans chaise, sans table, sans livre, sans revue, sans téléphone, sans le droit de sortir de la chambre, l’homme se morfond. D’autres que lui auraient piqué une colère … justifiant ainsi un maintien en ‘garde à vue’.
Enfin, le vendredi 28 août à 11 h, notre homme apprend qu’il peut être reconduit à la maison. Le taxi est là à 15 h. Ah oui ? Mais non, il y a encore un papier à signer. Il faut faire six stations (la moitié d’un chemin de croix) pour obtenir les signatures et tampons nécessaires. Le départ n’aura lieu qu’à 16h48. Le chauffeur du taxi lui-même pense devenir fou ! Un arrêté du Préfet en date du 26 août dit que « l’hospitalisation en soins psychiatriques n’est pas justifiée » [Ndlr : nous avons vu tous les documents]
Résultat . 66 heures de « garde à vue », des frais de séjour et de transports sans doute à la charge du contribuable, on parle de 6000 à 8000 € car une réquisition, la nuit, ça se paie. Et un bonhomme abattu, dégoûté !
Le médecin prescripteur, qui l’appelle, lui dit : « si je vous avais proposé cette hospitalisation, vous n’auriez pas voulu. Votre diabète m’inquiète beaucoup » … mais il n’a pas parlé de diabète sur son certificat médical. Et il ne sait pas qu’à cet homme, diabétique, on a donné du sucre pour son petit déjeuner.
Et on se dit que nul n’est à l’abri de ce genre de « punition » et on sait que ce médecin avait déjà fait le coup auparavant sur une autre personne. Au fait, c’est peut-être lui qu’il faudrait interner d’office, juste pour qu’il voie ce que ça fait !
Que dit la loi ?
Lorsqu’une personne est hospitalisée sans son consentement, on parle d’une hospitalisation sous contrainte. L’hospitalisation peut être demandée par un membre de la famille du malade ou une personne ayant un intérêt à agir (tuteur ou curateur). On parle alors d’une hospitalisation à la demande d’un tiers. L’hospitalisation peut également être demandée par un médecin extérieur à l’établissement d’accueil ou par le préfet, il s’agit de l’hospitalisation d’office.
Selon le service de psychiatrie du CHU d’Angers : « La loi du 4 mars 2002 subordonne l’hospitalisation d’office à trois conditions : l’existence d’un trouble mental, la nécessité de soins de ce trouble, et une atteinte grave à l’ordre public ». Dans le cas présent une condition au moins n’était pas remplie : une atteinte grave à l’ordre public. Une certaine négligence dans le suivi des soins manifeste-t-elle un trouble mental ? Si oui, il y aurait plein de gens à enfermer ! La CCDH (Commission des citoyens pour les Droits de l’homme) a dénoncé, en mai 2020, une augmentation inquiétante des internements abusifs.
Le recours à une hospitalisation d’office en psychiatrie, sans doute nécessaire parfois, est un sujet très sensible, d’une part d’ordre légal et éthique vis-à-vis du respect des libertés individuelles, de la légitimité de ces mesures, de la sécurité du patient et de celle d’autrui, et d’autre part d’ordre clinique et organisationnel vis-à-vis de la qualité de la prise en charge, de la pertinence des mesures et de leur impact.
De François René Chateaubriand
" La mode est aujourd’hui d’accueillir La Liberté d’un rire sardonique,
de la regarder comme vieillerie tombée en désuétude avec l’Honneur.
Je ne suis pas à la mode, je pense que sans la Liberté il n’y a rien dans le Monde "