Ecrit le 20 mai 2020
Du pain et des jeux : les dominants ont toujours su manipuler ces deux méthodes pour maintenir les foules sous contrôle. A l’époque romaine on disait panem et circenses, les jeux étant les jeux du cirque.
Dans nos pays riches, le pain n’est plus un souci même si se nourrir reste difficile pour une bonne partie de la population. Voir la nécessité des restos du cœur.
Les jeux sont partout, ils envahissent la télévision, les téléphones portables, les rayons des supermarchés, le peuple est moins regardant quand sa pensée est plus vide !
Un troisième levier est donc utilisé désormais : la peur. La différence avec les siècles passés tient à la vitesse de propagation des informations, vraies ou fausses. Les grandes multinationales possèdent la presse, les principaux réseaux sociaux. Elles ont leurs copains au plus près du pouvoir. Il leur est donc facile de créer et diffuser ce qu’il faut absorber et croire. c’est ainsi qu’on nous sature les neurones toute la journée à coups de disparition d’avion, d’attaques de requins, de délinquance au bout de la rue, de frelon asiatique, de moustique-tigre, de hacker russe, de marijuana colombienne, de fusillade californienne, de mauvaise chute boursière, ou d’invasion de migrants à bord de zodiacs en plastique. On nous « fragilise ». ,, mais on oublie de nous faire peur en parlant du réchauffement climatique et de la perte de la bio-diversité.
Il semble qu’en France cette pression médiatique se soit franchement accentuée depuis quelques années. Les attentats de Charlie-Hebdo et du Bataclan sont bien évidemment des actes inacceptables. Mais nos dirigeants n’ont-ils pas parfois tiré un peu trop sur la corde de l’émotion ? Au mépris du respect des victimes et de leurs proches et surtout de la réflexion ?
L’état d’urgence décrété le 14 novembre 2015, fallait-il vraiment le renouveler le 25 février 2016, et puis le prolonger encore le 26 mai, et à nouveau le 22 juillet, ainsi que le 22 décembre. Et encore le 16 juillet 2017 ? Et surtout, le gouvernement Macron, après ces deux années de forte limitation des libertés, devait-il faire voter un renforcement de la loi sur la sécurité intérieure, qui revient presque à sanctuariser cet état d’urgence de façon permanente dans notre Hexagone ? Du jamais vu. (1)
Mais ce n’est pas tout.
On nous fait peur aussi au travail, en évoquant chômage technique, risque de rachat par une plus grosse pieuvre, possibles délocalisations.
On nous fait peur dans la rue avec des policiers municipaux en armes, des fouilles au corps dans les gares, des minutes de silence pour des événements survenus à l’autre bout du monde.
On nous fait peur sur les réseaux sociaux, avec des conseils pour protéger ton compte, tes enfants, ta maison. Ton chat.
On nous fait peur avec le Brexit-catastrophe-financière pour que nous laissions le gouvernement taxer faiblement les hauts cadres de banques transférées de Londres à Paris.
On nous fait peur avec les tensions internationales de plus en plus va-t-en-guerre (ah bon ? Au siècle dernier c’était mieux, y’avait moins de conflits ?), pour qu’on incites les élus à augmenter le budget militaire et acheter plus d’armement.
On nous fait peur avec l’espionnage industriel, les smartphones chinois et les gaz Novitchok (la peur de l’étranger, la xénophobie, est un moteur très efficace), pour que nul ne s’oppose à la ratification de la loi sur le secret des affaires. Qui permettra de poursuivre plus brutalement les lanceurs d’alerte.
On fait peur avec la dette publique (qui est justenous un emprunt), un trou béant bourré de zéros, pour qu’on travaille jusqu’Ã soixante-dix ans, sans renâcler.
Quand viennent les Gilets jaunes et toutes les autres revendications de ces dernières années (hôpitaux, EHPAD, retraites...), le pouvoir trouve encore un nouveau degré dans l’intimidation. La vraie peur de se prendre un coup, de perdre un Å“il. Les forces de l’ordre déploient LBD et GLI-F4, défilent en chars blindés sur les Champs Elysées. Il s’agit clairement de dissuader le peuple de manifester et de s’exprimer.
Et puis cette année, arrive le coronavirus.
Il ne s’agit pas de minimiser la dangerosité de ce virus. Mais revoilà un état d’urgence... Un état d’urgence sanitaire cette fois-ci. Le prétexte est différent, mais l’effet reste le même, réduction des libertés individuelles. Combien de fois sera-t-il « renouvelé » celui-là ?
Il est vrai qu’il y a pire ailleurs, en Hongrie par exemple, où Victor Orban vient de s’octroyer des pouvoirs quasi illimités via un état d’urgence qu’il peut reconduire aussi longtemps qu’il le souhaite, il peut mettre décider de reporter les élections et rester sur le trône. Aux USA aussi où se développent la maladie et le chômage d emasse tandis que de nombreux Américains sont sans couverture sociale.
Dans son énième discours télévisé le 16 mars, le président Manu a martialement martelé « nous sommes en guerre ! ». En guerre contre une bestiole grosse comme le dix-millième de millimètre. Serait-ce pour faire oublier ses atermoiements et son inaction des semaines précédentes ?
Pour préparer la population à un durcissement (toujours présenté officiellement comme provisoire, avant d’être prolongé puis permanent) du droit du travail ? Faire digression quant au débat sur l’appauvrissement des hôpitaux publics (sur lequel alertent des millions de manifestants depuis le début de son mandat) ? l’abandon des stocks de matériel médical ? Le non financement de la recherche publique ?
préparons-nous dès aujourd’hui à l’après-crise. Le néolibéralisme et ses représentants au pouvoir, eux, dament déjà le terrain en propageant sans barrière cette peur virale (d’après Les Echos, journal de Bernard Arnault, le 18 mars, plus de huit Français sur dix se disent « inquiets » ou « très inquiets »). Pour tenter de nous faire avaler ensuite des décisions plus liberticides, plus inégalitaires, plus libérales.
En ces temps de confinement, il y a eu des solidarités. Il pourrait y en avoir plus de la part des classes aisées. Le virus c’est aussi la montée des égoïsmes. Mais qu’on n’oublie de s’interroger sur toutes les personnes âgées, cloîtrées dans les EHPAD qui seront prochainement victimes d’un syndrome de glissement pour avoir vécu l’abandon (forcé) de leurs proches.
Qu’on n’oublie de compter toutes les personnes atteintes de maladies chroniques : pendant deux mois, certaines ont pratiqué l’automédication, interrompu leur traitement, ou la peur du Covid a freiné leur suivi dans un cabinet médical ou à l’hôpital. Les traitements contre le cancer ont été interrompus et les malades constatent que leurs analyses, après le confinement, sont moins bonnes. Des opérations chirurgicales ont été repoussées avec toutes les complications que cela pose. La pénurie de produits anesthésiants, nécessaires pour endormir les patients, freinera forcément encore l’activité du bloc opératoire.
C’est terrible de se dire qu’on se rendra peut-être compte, dans quelques temps, que les maladies périphériques au Covid ont fait davantage de morts !
Par ailleurs, de nombreux psychiatres avertissent depuis quelques semaines sur le risque de voir le nombre de suicides, d’addictions, de crises d’angoisse se multiplier, y compris sur des plus jeunes qui, jusqu’ici, n’avaient eu aucun trouble.
« Quel sera l’état de santé général à la sortie de cette crise et à l’avenir », questionne gérard Raymond de France Asso Santé. Quel sera aussi l’état du monde ? En plus des tensions que l’on constate sur l’Europe, 500 millions de personnes sont menacées de pauvreté dans le monde, cela pourrait représenter un recul d’une dizaine d’années sur les progrès réalisés pour réduire la pauvreté, Et cela touche aussi les Etats-Unis et l’Angeterre sans oublier l’Italie et l’Espagne.
(1) Source : Clément Jourdain et Robert Joumard, 3 avril 2020. Militants d’Attac