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Ecrit le 15 septembre 2021
Demain, à la porte !
Il y a 18 mois, en pleine période de Covid, « elles » n’ont pas ménagé leur peine. « Elles », les travailleuses à domicile, assistantes de vie, aides au ménage ou à la toilette. Elles ont mis un masque, elles ont porté une blouse, elles ont enfilé des gants, et surtout elles ont gardé toute leur bienveillance pour continuer à accompagner les personnes qui en ont besoin. On n’a pas entendu dire qu’il y ait eu une contamination massive, ni des aides à domicile, ni des personnes accompagnées.
Pour certaines personnes, ces aides à domicile ont été le seul lien social existant, chaleureux, plein de sollicitude. Et puis le temps a passé, on est arrivé au vaccin, le remède miracle (pas tant qu’on croit !). Le gouvernement a acheté des vaccins, il en a un stock à écouler d’ici la fin octobre, il faut donc vacciner à tours de bras. Quitte à créer une obligation.
Ah non, ce n’est pas obligatoire d’être vacciné. Sauf que les portes sont fermées aux personnes qui n’ont pas le fameux passe sanitaire. Des soignants pourtant sont encore réticents. Alors ce vaccin, non-obligatoire, s’est accompagné de règles strictes. « Nous qui nous sommes dévouées, depuis le début, on nous menace maintenant de licenciement ! » disent les salariés de l’aDAR et de l’aDMR que nous avons rencontrées à Châteaubriant.
Menacer de licenciement, c’est faire peu de cas de leurs conditions de travail, horaires et rémunération. Les horaires, bien entendu, sont hachés : tôt le matin pour les toilettes, tard le soir pour le dîner et la mise au lit. « Pour un trois-quarts de temps, je travaille six jours sur sept et souvent même le dimanche » dit une salariée. La rémunération est fort modeste et pas revalorisée depuis des années : par exemple 10,93 €/heure, bruts, pour une auxiliaire de vie, diplômée, qui a 10 ans d’ancienneté.
Et l’indemnisation des déplacements ne couvre pas les frais réels. « Mon association nous donne une participation pour les déplacements s’il y a moins de 30 minutes entre deux bénéficiaires. Du coup, on a souvent une ou deux heures de ’pause’ entre les prestations pour minimiser les frais ».
Et pas question de faire des heures supplémentaires ! s’il y a une fille absente pour maladie, il n’est pas possible de pouvoir la remplacer car l’ordinateur bloque les ordres de mission. Les personnes âgées qui attendaient une aide attendront.
Ce personnel est pourtant qualifié mais encore une fois pas reconnu ! Par exemple une aide à domicile qui passe l’examen d’auxiliaire de vie, gagne, c’est royal, 1,20 €/heure de plus que les autres.
Un aspect souvent oublié : Les contraintes augmentent la charge mentale :
â— consignes imprécises ou différentes selon l’interlocuteur, injonctions paradoxales (hiérarchie, personne aidée, famille de la personne aidée... ) ; « l’autre jour, j’ai vu comment Mme C. s’adressait à sa mère. Celle-ci était tremblante devant sa fille. Je ne pouvais intervenir. Je suis sortie les larmes aux yeux »
â— nécessité de s’adapter aux demandes de la famille, de la personne aidée ;
â— manque de reconnaissance professionnelle (y compris par les soignants), de considération ;
â— difficultés de communication ;
â— stress lié à la gestion de situations d’urgence ;
â— stress dû à la gestion du temps ;
â— isolement professionnel, travail d’équipe insuffisant, absence d’échanges entre pairs ;
â— confrontation à la souffrance et à la mort ;
â— liens affectifs tissés avec les personnes aidées. « Quand je quitte la personne accompagnée, je suis inquiète car je sais qu’elle ne verra personne d’autre que moi ». « c’est un peu le cercle vicieux : J’ai peur de devenir maltraitante pour la personne aidée à cause de mes conditions de travail stressantes. Je ne suis pas, je ne veux pas être une machine à aider ».
Et puis il n’est pas rare que les aides à domicile soient l’objet de remarques désobligeantes, voire humiliantes, racistes ou sexistes. Bien trop souvent encore, ces travailleurs et travailleuses sont considérées, et traitées, comme des domestiques auxquelles on peut tout demander. L’impact psychologique d’un tel traitement peut conduire à l’insomnie, à l’épuisement professionnel.
« De toutes ces difficultés que nous affrontons quotidiennement, notre structure-employeuse s’en soucie peu ! Nous avons le sentiment qu’elle suit les rentrées financières mais qu’elle oublie l’humain ».
« Et là , au sujet du vaccin, par suite de menaces en cascade, nous recevons une lettre comminatoire qui, pour nous, est une vexation. Et une incompréhension quand on constate de nombreuses incohérences » :
– une personne s’est rendue à la médiathèque à Châteaubriant, sans passe sanitaire. Oui elle a eu le droit de rendre les livres empruntés. Non, la médiathécaire n’a pas voulu lui remettre le livre qu’elle avait auprès d’elle.
– des gendarmes contrôlent les passes sanitaires mais n’ont pas l’obligation d’être eux-mêmes vaccinés !
– dans le TGV il faut le passe sanitaire. Mais dans le métro, non !
– à la foire, il faut le passe pour monter, seul, dans la nacelle d’un manège, mais le passe n’est pas exigible pour la foule qui se presse dans les allées.
« Ce que nous voyons, ce sont des collègues mises en arrêt maladie, des infirmières libérales qui préfèrent arrêter leur métier, des kinés qui font de même. Le personnel soignant va se faire plus rare ! Alors une association comme l’aDAR recrute 40 CDI sur le département. Directement en CDI, on ne voyait pas cela avant ! Et en même temps, elle ne trouve pas de personnel. Qui donc fera le travail ? Peut-être devrons-nous envoyer nos députés faire le boulot ? ». c’est évident, il y a un mal-être
La crise sanitaire du Covid-19 est venue rappeler l’utilité de l’aide à la personne au sein d’une société vieillissante et confrontée à la dépendance. Mais les candidats sont rares, en raison de la méconnaissance de ces métiers et de conditions de travail souvent pénibles pour un salaire faible.
Pourtant, aide à domicile c’est un beau métier. Dans son livre « Un métier presque ordinaire », Blandine Bricka donne la parole aux aides à domicile, à celles qui excellent dans le prendre soin, en cultivant la compassion, la diplomatie, l’empathie, l’écoute et l’altruisme. A celles qui savent apprivoiser la personne réticente pour qu’elle ouvre sa porte, sa maison, son intimité, sa nudité et détecter le mal-être sous ses provocations. Elle savent découvrir derrière l’enveloppe extérieure d’un corps souffrant et dégradé, un sujet avec sa propre histoire de vie et sa personnalité. Elles savent agir en respectant le rythme et les habitudes de la personne même et surtout s’il s’agit d’une personne lourdement polyhandicapée ayant fait le choix de rester à domicile.
Alors, plutôt que des menaces au sujet de l’obligation vaccinale, les aides à domicile de Châteaubriant, souhaiteraient un soutien chaleureux de leurs actions. Mais non. Jeudi 9 août la direction a appelé des filles. « Etes-vous vaccinée » ? réponse : j’aurai la deuxième injection mercredi 15 après-midi « . - » Mais dans ces conditions, je vous interdis de venir travailler mercredi matin « . » il y a un an on nous applaudissait. Et maintenant c’est un coup de pied dans le derrière. c’est ignoble ! Nous ne pouvons plus décider pour notre propre santé. « On » exerce une pression psychologique sur nous, le chantage au chômage. c’est ignoble ! « En 2030, 300 000 emplois seront nécessaires pour s’occuper des personnes âgées, or 60 000 postes sont actuellement non pourvus dans ces métiers. A domicile, le défaut de prise en charge par manque de personnel concerne près d’une nouvelle demande sur deux : » On arrive à des déserts d’accompagnement ", estime Marie-Reine Tillon, la présidente de la fédération UNA.
Et pendant ce temps-là , la loi « Grand âge et autonomie », maintes fois reportée depuis 2019 et que tout le monde attendait, est une nouvelle fois reportée ...
Ecrit le 15 septembre 2021 :
A la manière de Paul Eluard, une élève, Lina P, du Collège Ville aux Roses à Châteaubriant, a écrit un poème ...
« Solidarité »
Sur le danger venu de loin
Sur les mesures obligées
Sur la privation engendrée
J’écris ton nom
Sur la porte qui s’est fermée
Sur les visages embrumés
Sur les papiers qu’on doit signer
J’écris ton nom
Sur la méfiance dévoilée
Sur l’inquiétude déclarée
Sur le grand vide ressenti
J’écris ton nom
Sur une fenêtre close
Sur un voilage entrouvert
Sur un regard d’humanité
J’écris ton nom
Sur un couloir vidé de tout
Sur un message affiché
Sur une détresse collée
J’écris ton nom
Sur des personnes séparées
Sur des familles endeuillées
Sur des soignants en tout dévoués
J’écris ton nom
Sur un visage questionnant
Sur un beau geste engagé
Sur un acte de noblesse
J’écris ton nom
Sur un voisin un peu inquiet
Sur l’inconnu venu te voir
Sur la famille toute proche
J’écris ton nom
Sur les ressources exploitées
Sur les liaisons exacerbées
Sur les formes innovantes
J’écris ton nom
Sur des humains aux petits soins
Sur un besoin du quotidien
Sur une brave main tendue
J’écris ton nom
Sur les livreurs du p’tit matin
Sur les bosseurs qui lâchent rien
Sur chaque main frappant le soir
J’écris ton nom
Et tous ces gens qui ont aidé
Dont le grand cœur est dévoilé
Mais retenir et continuer
Pour éclater
Solidarité.
Retrouvez le collège ici : villeauxroses-chateaubriant.loire-atlantique.e-lyco.fr/