Ecrit le 10 mars 2021
Anne-Sophie Centis kiné aveugle hors-norme
Anne-Sophie Centis, 37 ans, est une kiné hors-norme. née avec un glaucome (maladie dégénérative du nerf optique qui amène vers une perte progressive de la vue) et une cataracte congénitale, elle perd la vue à l’âge de 20 ans, alors qu’elle venait d’entamer des études en kinési-thérapie. « C’était difficile d’imaginer un avenir sans vue », avoue celle qui mettra plusieurs mois ses études en pause, à cause de sa cécité, des chirurgies et des complications post-opératoires.
Pour la jeune femme, il y a eu quatre à cinq mois difficiles à gérer. « Quand on ouvre les yeux le matin, et qu’on est dans le néant, on n’a pas envie de se lever, explique Anne-Sophie Centis. Mais il y a un moment où on se dit ’ça suffit’, on a le choix d’essayer d’avancer et de vivre au mieux avec ce handicap. C’est ce que j’ai essayé de faire. »
Pour reprendre ses études, elle a pris des cours de psycho-motricité, pour « apprendre à me servir d’une canne blanche et prendre des cours d’informatique pour utiliser la synthèse vocale ». Deux conditions indispensables pour sa reprise d’études à Paris. « Je me suis épanouie durant ces années même sans la vue, poursuit-elle. J’ai appris à revivre. »
Un autre regard sur la kinésithérapie
Aujourd’hui, Anne-Sophie Centis compte 13 ans de carrière et travaille au service de réanimation pédiatrique de l’hôpital Jeanne de Flandre, à Lille. Dans son équipe, elle est une professionnelle reconnue et respectée de tous. Pourtant, son arrivée a été source d’inquiétude.
« On se posait des questions quant à l’organisation des soins, les transmissions, parce qu’Ã l’hôpital on a une culture de l’écrit, explique Valérie Demoulin, kinésithérapeute et collègue. Finalement, ça s’est très vite fait. Anne-Sophie, pour moi, ce n’est pas une kiné aveugle, c’est une collègue. Point. »
« Je considère que j’ai moins droit à l’erreur qu’une personne valide. Si j’en fais une, le raccourci sera fait tout de suite avec mon handicap » dit Anne-Sophie Centis. « L’inconnu, la différence et la méconnaissance font peur, analyse-t-elle. J’ai dû remonter mes manches et faire mes preuves ». Et l’impression d’être en constante probation semble perdurer, malgré tous les éloges effectués à son égard. « J’ai la conviction que je dois être irréprochable pour justifier ma place. »
Le service a pu s’adapter à tout ce qui pouvait être un frein à son indépendance totale du travail. Et maintenant, Anne-Sophie Centis connaît chaque recoin et chaque chambre sur le bout des doigts, et fait son travail de façon totalement auto-nome, notamment grâce à la synthèse vocale, qui mériterait toutefois quelques améliorations.
Un métier au-delà des regards
L’avantage du métier de kinésithérapeute, c’est que les soins passent beaucoup par les mains et le toucher. Avec la perte d’un de ses sens, Anne-Sophie Centis a pu sur-développer ceux qui lui restaient. Elle arrive, par exemple, à savoir si un patient hypoventile seulement au contact de la poitrine. « Qu’on soit handicapé ou non, aveugle ou non, si on a de l’empathie, on peut faire les métiers du soin, note Valérie Demoulin. Des fois, elle voit mieux avec ses mains que moi avec mes yeux. »
Son intégration dans l’équipe, sa volonté et sa motivation ont même conduit Anne-Sophie à décider de reprendre un master en kinésithérapie pour devenir professeur en école dans les années à venir. Une preuve supplémentaire qu’on peut toujours voir loin, même sans la vue.
A voir ici :voir le site youtu.be
Helen, Anne-Sophie et d’autres, il y a tant de femmes d’exception dans le monde !