Accueil > Thèmes généraux > Femmes, masculin-féminin > délivrez-nous du mâââle
Ecrit le 29 septembre 2021
Le 21 septembre avait lieu à Lusanger, à l’invitation des Potes des Sept Lieux, une conférence gesticulée de Jean HORGUES sur le thème « délivrons nous du mâle ! » Il y avait 25 personnes dont 70 % de femmes. c’est une constante dans les réunions des Potes : peu d’hommes participent à des rencontres de réflexion
Mots-Clés de la conférence :
Domination, Éducation, Émancipation, Famille, Identités, Masculinité, Patriarcat, Sexisme, Sexualité, Violence.
La conférence était « Gesticulée » car Jean Horgues avait une pratique théâtrale, avec décor et déguisements.
Contenu : qu’est-ce que le genre ? Quelle est l’origine de la domination masculine ? Peut-on y changer quelque chose ?
On ne naît pas homme on le devient ou pas ! Cette conférence a abordé un sujet sensible et délicat, car il relie l’intime, l’inconscient, nos convictions personnelles aussi bien que la société et la politique.
Jean Horgues, à partir de sa propre expérience d’homme lambda, propose une grille d’analyse autour du mythe de la virilité qui nous emprisonne depuis des millénaires, les femmes comme la plupart des hommes. Nous libérer du patriarcat demande de lutter pas seulement contre ses effets néfastes, mais aussi de l’attaquer à la source, pour nous en délivrer individuellement et collectivement (d’où le titre ! )
Intersexué
Le sexe et le genre, ce n’est pas la même chose. Certains enfants naissent avec un sexe que les médecins qualifient d’ambigu au plan biologique, c’est-Ã -dire difficilement définissable et qui ne correspond pas à la norme. Face à cette situation, de nombreuses familles, soutenues par des médecins, décident donc elles-mêmes du sexe de leurs enfants à la naissance, ce que déplorent les partisans du « sexe neutre » : « On tente arbitrairement de choisir un sexe masculin ou féminin sans savoir comment ces bébés vont évoluer en les opérant ». « Ces opérations n’ont pas d’intérêt thérapeutique. On ne privilégie donc pas l’intérêt de l’enfant et son bien-être, mais plutôt celui des parents et de la société, qui n’a prévu que deux cases, masculin et féminin », ajoute Mila Petkova, avocate, soulignant les séquelles psychologiques et corporelles de ces opérations. Souffrances corporelles (ablation des seins ou du pénis) oui, et hormonothérapie à vie par exemple à base d’hormones pour faire pousser les seins d’un enfant classé comme femme
Sexe et genre
Le sexe est physiologique (les corps), le genre est culturel (les comportements). La majeure partie des individus vivent leur identité de genre en adéquation avec le sexe qui a été déterminé à leur naissance ; on dit qu’ils sont « cisgenre ». d’autres individus vivent une identité de genre différente du sexe et du genre qui leur ont été assignés ; on dit qu’ils sont « transgenre ».
Le genre s’accompagne de normes hiérarchisées et hiérarchisantes entre les individus mâles et femelles, entre ce qui est dit « féminin » et ce qui est dit « masculin ». « Un homme ne pleure pas » - « La femme est plus faible que l’homme ». Les stéréotypes ont la vie dure. Même les jouets que propose la société sont des outils de construction du masculin et du féminin dans la socialisation des enfants.
Les stéréotypes masculins sont utilisés pour donner aux hommes un rôle de domination, de commandement. Les punitions des garçons à l’école servent à renforcer leur « virilité » ! Les municipalités ont investi massivement ces trente dernières années dans des terrains de sport d’accès libre (skateparks, citystades) qui sont exclusivement occupés par les garçons. Cherchez l’équivalent pour les filles.
Les stéréotypes féminins sont utilisés pour justifier et maintenir la domination historique des hommes sur les femmes ainsi que les comportements sexistes qui empêchent les femmes de progresser.
Normes intériorisées
Ces normes sont bien souvent intériorisées, au point qu’on ne s’étonne même plus de symboliser un homme avec un pantalon et une femme avec une jupe, sur les portes des toilettes publiques !
Michel Foucault, dans son livre Histoire de la sexualité, montre, en relisant plusieurs auteurs anciens (Aristote, Saint François de Sales, Galien et autres), comment le droit et la morale ont contribué au cours des siècles à élaborer une norme du masculin et du féminin « qui, silencieusement, inventent les formes de domination ».
Il n’y a pourtant aucune raison objective, biologique, naturelle qui impliquerait une infériorité féminine et une supériorité masculine. Les deux sexes sont différents mais la nature ne dit rien en terme de hiérarchie. La domination des hommes est une construction sociale.
Pour Françoise Héritier, "Le coït étant nécessaire à la fécondation, [nos ancêtres] en ont conclu que c’était les hommes qui mettaient les enfants dans les femmes, Pour avoir des fils, et prolonger l’espèce, il leur fallait donc des femmes à disposition. Des femmes dont il fallait s’approprier le corps car il importait que personne ne leur vole le fruit qu’ils y avaient mis. Des femmes sur lesquelles ils pouvaient aussi capitaliser, puisque ne pouvant pas coucher avec leurs soeurs, en vertu de l’interdit de l’inceste, ils pouvaient au moins les échanger contre les soeurs des autres hommes.
Ainsi s’est créée une société parfaitement inégalitaire où la mainmise sur les corps et les destins des femmes a été assurée, au fil du temps, par des privations (d’accès au savoir et au pouvoir) et par une vision hiérarchique méprisante.« »Pour diverses raisons, relevant toujours du symbolique et non de contraintes biologiques, l’alimentation des femmes a toujours été sujette à des interdits, écrivait-elle en 2007 dans Libération. Notamment dans les périodes où elles auraient eu besoin d’avoir un surplus de protéines, quand enceintes ou allaitantes, elles puisent énormément dans leur organisme sans que cela soit compensé par une nourriture convenable ; les produits ’bons’, la viande, le gras, etc, étant réservés prioritairement aux hommes. Cette ’pression de sélection’ qui dure vraisemblablement depuis l’apparition de néandertal, il y a 750.000 ans, a entraîné des transformations physiques. A découlé de cela le fait de privilégier les hommes grands et les femmes petites pour arriver à ces écarts de taille et de corpulence, entre hommes et femmes.« Ainsi la sélection dite »naturelle" a utilisé les différences entre les hommes et les femmes pour faire une hiérarchisation. Et n’oublions pas le poids des religions à travers le temps où le prophète a toujours été un homme !
Il est urgent de penser à la parité, à l’équilibre entre les sexes afin d’éviter que les postes de commandement soient exclusivement réservés aux hommes. Mais comment procéder pour une meilleure gouvernance en la matière ? Jean Horgues indique de petits moyens faisables (par exemple supprimer l’indication du sexe sur la carte d’identité) ou symboliques (la réforme de la langue, pourquoi dit-on : un tabouret, une chaise, un vagin, une verge ?) et un grand moyen : l’amour (facile à dire !).
La virilité imposée
Le combat pour l’égalité des sexes est une nécessité pour les femmes elles-mêmes, pour la société qui ne peut que s’enrichir de leurs capacités, et pour les hommes aussi sur lesquels pèsent des injonctions très lourdes. Qu’il s’agisse de la gestion du foyer, de la réussite scolaire ou professionnelle, la pression sociale exercée sur les hommes est forte. Un jeune homme dit : « On fait croire à l’homme que la virilité s’exprime à travers la force, la puissance et la domination de son sexe et nécessairement, c’est très difficile d’être complètement imperméable à ça. » Un autre liste ce qui est attendu de lui en tant qu’homme : « réussite sociale, performances sexuelles, attentes genrées (le fait que je doive faire jouir ma copine, pas éjaculer trop vite, que je doive être musclé, ne pas me faire marcher dessus mais être gentil à la fois...). » : les hommes victimes de la virilité imposée.
Dans Une pensée en mouvement (Odile Jacob, 2009), Françoise Héritier évoquait la nécessité de transformer la vision masculine, c’est-Ã -dire la vision que les hommes ont de la compréhension et de l’organisation du monde. Au risque d’en heurter beaucoup, elle pensait qu’il ne revenait pas qu’aux femmes de transformer les représentations et les injonctions dont elles étaient les victimes, mais que femmes et hommes devaient ensemble transformer la vision masculine du monde, voire qu’il fallait convaincre les hommes de s’attaquer par eux-mêmes aux représentations dont ils étaient tout à la fois les bénéficiaires et les victimes.
délivrez-vous du mâle !