Fin de vie
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Ecrit le 17 mars 2021
Ex-secrétaire d’Etat aux personnes âgées de 2001 à 2002, Paulette Guinchard-Kunstler a décidé, se sachant condam-née, de mourir assistée la semaine dernière en Suisse. Elle avait demandé à son amie depuis quarante ans, Marie-Guite Dufay, présidente (PS) de la région Bourgogne-Franche-Comté, de témoigner de ce choix pour « faire bouger les lignes » dans le débat sur la fin de vie en France.
Paulette n’était pas une militante de l’euthanasie, qui offre la possibilité à un médecin d’injecter un produit létal à un malade dans l’intention de provoquer sa mort. Initialement, elle n’était pas non plus une militante du suicide assisté, qui donne la possibilité non pas au médecin mais au patient lui-même d’injecter le poison. Paulette était avant tout une militante des soins palliatifs qui visent à soulager.
Mais la vie l’a rattrapée, elle, sa famille, ses proches. La douleur l’a rattrapée. Jusqu’au bout Paulette était l’esprit vif, lucide, courageux, déterminé, combatif qui a tant séduit, toute sa vie, celles et ceux qui ont eu la chance de croiser sa route. Un esprit enfermé dans un corps qui souffrait. Un esprit qui souffrait de cette dépendance qui croissait, pour tous les actes de la vie quotidienne.
Paulette a dit sa douleur. Et puis elle a dit sa volonté d’en finir avec celle-ci.
Il faut mesurer la portée d’une telle décision, ses conséquences. Il faut mesurer le cheminement qu’il implique. Annoncer aux gens que l’on aime, et qui vous aiment, que malgré cet amour, la douleur n’est plus supportable, et qu’elle doit cesser. Annoncer aux gens qui vous aiment que, quel que soit l’amour infini dont vous les savez capables, vous refusez qu’ils vous voient dégradée, affaiblie, dépendante. Parce que vous refusez vous-même de vous imaginer ainsi. Est-ce condamnable"‰ ?
On n’est jamais prêt, dans l’entourage, à entendre une telle décision. c’est un séisme. Et le premier réflexe, l’instinct de survie qui est en chacune et chacun de nous esquive, minore, refuse. Il faut apprendre à écouter, entendre la douleur qui perce sous cette décision. Se sachant condamnée, voyant sa dépendance croître, son corps se dégrader, Paulette a pris sa décision.
l’aimer, c’était la respecter. l’aimer, c’était la laisser partir. Elle ne s’infligerait pas, et elle n’infligerait pas à ses proches, cette vision-là , cette période-là . Dès lors, elle a cherché les voies et moyens pour mettre son projet à exécution.
Le choix du bon moment
Elle a voulu utiliser la loi de notre pays. Elle en a découvert toutes les limites. Les médecins ont été d’un appui sans faille, mais quels que soient leur écoute, leur attention, leur immense professionna-lisme, Paulette ne pouvait se prévaloir de la loi française pour être aidée. Aux yeux de celle-ci, et bien que chacun la sache condamnée, c’était trop tôt.
Comme s’il fallait que la maladie, dont la morsure était déjà si visible, si invalidante, produise le plein de ses effets dévas-tateurs pour que des droits s’ouvrent.
Comme si le droit à être épaulé ne pouvait être acquis qu’au terme : au terme"‰ ! : du processus de dégradation corporel et psychique sur fond de douleur, auquel nous destinent ces maladies de long cours.
Pourquoi ?
Pourquoi« ‰ ? Pourquoi faut-il infliger cela comme préalable pour être aidé »‰ ? Pourquoi ne laisse-t-on pas au malade le choix du bon moment, dans un cadre strict et régulé par la loi « ‰ ? Pourquoi le contraindre à se voir diminuer »‰ ? Face à cette incapacité à faire valoir ce qu’elle pensait être un droit, dans son pays, Paulette s’est tournée vers l’étranger. c’est là qu’elle a mis fin à sa vie et à ses souffrances, elle-même, entourée.
Paulette était mon amie depuis quarante ans. Paulette souhaitait que son geste soit connu, avec l’espoir, espérait-elle, de faire bouger les lignes. c’est le sens de ma prise de parole aujourd’hui. Il faut apprendre à écouter. Il faut entendre la parole des malades. Il faut écouter leurs souffrances, et leurs décisions. La loi doit évoluer. Elle n’est pas suffisante pour honorer les volontés de celles et ceux, lucides, qui souffrent et se savent condamnés. Car pour les aider, on les condamne une seconde fois : à vivre l’épreuve de la déchéance intellectuelle et physique, à partir de laquelle, seulement, des solutions médicales et encadrées peuvent intervenir. Ce n’est pas digne de notre pays, en 2021.
Nos conditions de mort
Je sais la difficulté de ce débat, car il interroge chacune et chacun d’entre nous sur son rapport intime à la vie et à la mort.
Mais la mort fait partie de la vie, et nos conditions de mort valent bien un débat égal à ceux que nous avons sur nos conditions de vie. Portons-le. Ayons ce courage.
Au nom des malades et de leurs douleurs, au nom de leurs proches et de leur impuissance.
signé : Marie-Guite Dufay
Ecrit le 17 mars 2021
Droit à mourir dans la dignité : Michelle Meunier rapporteure de la proposition de loi socialiste
Jeudi 11 mars, le sénat a examiné une proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, déposée par la sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie et plusieurs membres du groupe socialiste.
Michelle Meunier, sénatrice de Loire-Atlantique et cosignataire de cette propo-sition de loi, a été désignée rapporteure pour son examen par le sénat. Depuis février, elle a conduit les auditions d’une quinzaine d’associations, personnalités compétentes et comités d’éthique. La pro-position de loi entend compléter la loi Clayes-léonetti de 2016 afin de recon-naître à chacun le droit à une mort digne et choisie, par l’instauration d’une aide active à mourir, sous la forme du suicide assisté ou de l’euthanasie.
La proposition de loi entend également mieux définir les personnes de confiance pour le recours à l’aide active à mourir lorsque la personne l’a mentionné dans ses directives anticipées mais qu’elle ne peut plus exprimer sa volonté.
Pour Michelle Meunier, « L’opinion est très majoritairement favorable à recon-naître un droit à l’euthanasie. Cette loi vient donc mettre un terme aux situations exceptionnelles auxquelles la législation actuelle n’apporte pas de réponse satis-faisante. Par ailleurs, nous souhaitons rendre pleinement effectif le droit de toute personne à bénéficier de soins palliatifs et d’un accompagnement de qualité afin de mourir dans la dignité. »
Michelle MEUNIER
Directives anticipées
L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) lance son application pour smartphone. Les personnes inté-ressées pourront y déclarer leurs direc-tives anticipées de fin de vie. Ces documents servent à indiquer comment on souhaite être pris en charge en fin de notre vie, dans le cas où on ne serait pas en mesure de dire ce qu’on veut à ce moment-là .
Ces directives anticipées sont prévues dans une loi datée de février 2016, mais à ce jour « l’Etat n’a pas pris en charge l’organisation de ces directives », mettant seulement en ligne un modèle de directives, « et aujourd’hui, seules 18% des personnes de plus de 50 ans ont rédigé les leurs », déplore Philippe Lohéac, délégué général de l’ADMD. « C’est pourquoi l’ADMD a créé un fichier natio-nal de directives anticipées, maintenant accessible via notre application. » Il n’est pas nécessaire de passer par un notaire pour faire rédiger ces directives.
Sur l’application, les personnes peuvent choisir une personne de confiance, et ensuite cocher ce qu’elles souhaitent pour leur fin de vie, par exemple si elles veulent être réanimées, bénéficier d’une sédation ou non.