Ecrit le 18 mai 2011
L’étude d’élaboration des Programmes Locaux de l’Habitat (PLH) du Castelbriantais, du Secteur de Derval, et de la Région de Nozay a été lancée le 24 septembre 2010 lors du premier Comité de Pilotage qui s’est tenu à Derval avec les cabinets d’étude CERUR de Rennes et Terre Urbaine de Nantes. d’autres comités de pilotage ont eu lieu les 28 janvier 2011 et 10 mai. En voici quelques éléments :
Le Pays de Châteaubriant compte 56 545 habitants au 1er janvier 2011, soit 4% du département Son attractivité démographique est récente (+ 6 140 hab. entre 1999 et 2008), et les dynamiques sont très contrastées au sein du territoire, fortes par exemple au sud-ouest du territoire (Vay, La Grigonnais, Saffré, Abbaretz), et faibles au nord-est.
+ 3052 sur les 7 communes de la Com’Com’ de Nozay+ 1192 sur les 7 communes de la Com’Com’ de Derval+ 1896 sur les 19 communes de la Com’Com’ du Castelbriantais
– Châteaubriant est le seul réel pôle d’emploi polarisant du Pays, les deux autres CC étant plus marquées par une vocation résidentielle
– Le territoire est polarisé par un centre urbain structurant, Châteaubriant, et deux pôles secondaires, Derval et Nozay
– Des projets structurants majeurs sont potentiels de développement futur : l’arrivée du tram-train, 4 voies Rennes:Angers, amélioration de l’axe Nozay:Châteaubriant, aéroport,
ménages pauvres
Il y a 22% de ménages pauvres sur le Pays de Châteaubriant (moyenne de 15 % en Loire-Atlantique). Plus de la moitié des foyers sont non imposables en 2008.
Les propriétaires occupants sont pauvres aussi : 43 % d’entre eux ont des revenus inférieurs à 60 % du plafond HLM. (24 % en moyenne départementale).
Logements anciens
On compte 22 800 résidences principales dans le pays de Châteaubriant et 41% du parc est antérieur à 1915 (20% en Loire Atlantique). Les professionnels du logement sont bien conscients de l’existence d’un parc dégradé.
Il y a 2750 logements vacants, répartis dans quasiment toutes les communes, 70 % d’entre eux sont antérieurs à 1915.
Il y a en outre 2000 logements « indignes » essentiellement à Châteaubriant, Nozay, Sion-les-Mines, Moisdon. L’habitat indigne ou dégradé concerne tout particulièrement des logements occupés par des propriétaires âgés.
Dans la période actuelle, il faudra penser à améliorer les performances énergétiques des logements anciens (antérieurs à 1975) et aider les familles les plus modestes à faire face à la hausse des factures d’énergie.
Le marché du logement
Compte tenu des niveaux de prix (les plus bas du département), le Pays de Châteaubriant est un territoire particulièrement attractif pour les ménages modestes
– 1480 € / m2 en moyenne, soit près de 1000€/m2 en moins que la moyenne départementale (2 395 € /m2)
– Un atout de localisation pour les ménages bi-actifs travaillant sur Rennes et Nantes (mais un profil qui demeure limité), ou des logiques de « retour au Pays »
– Un choix plutôt « par défaut » pour des ménages qui ne peuvent accéder à la propriété dans les métropoles.
La construction neuve
Sur la période 1999-2007 on compte 547 logements nouveaux par an pratiquement exclusivement en construction neuve.
51 % de cette production a permis de maintenir la population (du fait de la transformation de logements existants et de l’évolution sociologique de la population), et 49 % a permis d’accueillir l’augmentation de la population.
Situations fragiles
Le choix d’accéder à la propriété peut fragiliser les ménages. Par exemple :
ménage couple + 2 enfants, revenu de 3 000 € / mois
– Si achat à 100 000 € : coût mensuel moyen : 630 €, soit taux d’effort de 21% : Ca passe.
– Si achat à 150 000 € : coût mensuel moyen : 950 €, soit taux d’effort de 32% : Ca passe encore.
ménage couple + 2 enfants, revenu de 1865 € / mois (soit 60% du plafond HLM,
comme 42% des ménages du Pays)
– Si achat à 100 000 € : coût mensuel moyen : 630 €, soit taux d’effort de 34% : risqué
– Si achat à 150 000 € : coût mensuel moyen : 950 €, soit taux d’effort de 51% : très risqué.
d’autant plus que les taux d’effort peuvent se trouver fortement alourdis par les coûts de déplacement pour les actifs travaillant à Nantes ou Rennes :
– 260 € par mois (par véhicule, et hors coût amortissement) depuis Châteaubriant
– 160 € par mois depuis Nozay
On observe alors une recrudescence des accédants surendettés. Les ménages modestes sont mal informés sur les risques liés à l’accession.
Le marché locatif privé
Le parc locatif privé, 4240 logements, est ancien (87 % des logements ont été construits avant 1915) et concentré à Châteaubriant d’où une problématique de qualité pour une partie de l’offre proposée : des situations de mal-logement pour des personnes fragiles accueillies dans du locatif privé bon marché mais de mauvaise qualité (et des impacts en termes de gestion sociale de ces publics par les communes)
Le parc locatif social est de 1900 logements, dont plus de la moitié concentrés sur Châteaubriant, avec beaucoup de collectifs. Une bonne réponse à la demande des ménages modestes.
Des publics particuliers
– En termes d’hébergement d’urgence et d’insertion, l’offre ne répond pas à tous les besoins. Par exemple, il n’y a que trois locaux pour SDF sur Nozay, Châteaubriant, Soudan, et un logement géré par SOS femmes Châteaubriant. Il y a trois logements d’urgence au Petit Auverné, La Grigonnais, Saffré, et un projet à Treffieux : les travailleurs sociaux peinent à trouver des solutions : recours aux nuitées à l’hôtel, en gîtes, au camping l’été, ou renvoi des ménages vers l’agglomération nantaise.
Pour l’hébergement d’insertion, ils renvoient vers les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) des autres territoires.
Il manque des logements adaptés pour les publics rencontrant des problématiques sociales complexes
– Aucune offre de logement adapté du type maison relais (un projet en cours à Treffieux) pour des personnes ayant connu la rue ou fortement désocialisées.
– Des ménages sont orientés vers l’offre de sous-location proposée par « une famille un toit », mal adaptée pour un accompagnement social sur le long terme, ou pour une prise en charge thérapeutique (troubles psychiatriques, dépendances).
– Pour les personnes âgées, il y a 675 places en hébergement pour 1016 personnes âgées de 85 ans et +, (soit 2 places pour 3 personnes) :
– 412 places dans la CCCastelbriantais
– 103 dans la CCRNozay
– 160 dans la CCSDerval
Il y a en outre 127 places dédiées aux personnes désorientées.
Des logements spécifiques (logements sociaux+services) répondant à de réelles attentes, existent, mais se pose la question de l’accessibilité aux ménages les plus modestes.
Il faudra prévoir des travaux d’adaptation et d’amélioration de l’habitat particulièrement compliqués pour personnes âgées.
L’offre en hébergement temporaire et accueil de jour est très limitée (4 places à Nozay) par rapport à l’accroissement de la
demande.
Pour les jeunes, il n’y a pas de gros problèmes, grâce à l’action de l’aLJC (association pour le logement des jeunes) : hébergements collectifs, petits logement accessibles dans le parc privé, possibilités de baux glissants et de logements temporaires.
Pour les personnes handicapées, la situation est plus problématique étant donné le pourcentage de logements anciens, mal adaptés aux nécessités de circulation en fauteuils roulants. Mais le handicap moteur n’est pas le seul à prendre en compte. Il faut penser aussi à améliorer la qualité acoustique, l’éclairage, à organiser différemment une cuisine ou les équipements sanitaires, à prévoir les dispositifs électriques de commande de volets roulant ou de portes d’entrée.
On retrouve ici la question des maisons-relais, constituant une réponse adaptée à une partie de la population de handicapés psychiques.
Les gens du voyage : la question qui fâche. Il existe une aire d’accueil à Châteaubriant (16 places), loin de la ville, et des haltes de passage sur les communes de Nozay, Mouais et Sion-les-Mines, mais il existe des besoins particuliers liés à l’implantation historique de familles du voyage, permettant à la fois la sédentarisation progressive et la continuation d’un certain mode de vie collectif.
Les questions et les enjeux pour l’avenir
Les questions et les enjeux pour l’avenir
Comment intervenir sur la réhabilitation du bâti face aux difficultés de financement (propriétaires modestes) et face à des questions de « retour sur investissement » (propriétaires âgés) ?
Comment adapter-réhabiliter le parc ancien marqué par des charges élevées (chauffage, ) ?
Comment intégrer les évolutions du territoire en lien avec la desserte du tram-train ?
Comment cibler les centres urbains disposant de services et de capacité de transport en commun ?
Comment inscrire dans les politiques locales les exigences en termes de mixité de logements ?
Trois propositions
Les deux cabinets d’études proposent trois orientations s’appuyant sur une attractivité renforcée par l’arrivée du tram train :
– 1a : l’attractivité renforcée est faiblement régulée par l’intervention publique. L’hypothèse de production de logements est identique à la période 1999-2007. Le principal outil utilisé par les Communes est le PLU avec des interventions au coup par coup sur le foncier et une large disponibilité de zones à urbaniser.
Le risque de perte de l’identité rurale est sous-jacent, et l’impact foncier sur les terres agricoles peut être significatif. Le renforcement des équipements à la population est également à prévoir de manière soutenue. Cela conduit à un besoin de construction de 448 logements neufs par an (214 sur la CCC , 178 sur la CCRN , et 56 sur la CCSD ).
– 1b : l’attractivité renforcée est encadrée par une politique publique volontariste. L’hypothèse de production de logements est toujours identique à la période 1999-2007.
Les Communes et Communautés de Communes s’engagent dans un programme ambitieux et exigeant avec création de réserves foncières, recherche de maîtrise du foncier par densification, encadrement du rythme de développement des projets dans les PLU , portage public d’opération d’aménagement (Zones d’Aménagement Concerté, lotissements) et de construction neuve permettant de réguler la hausse des prix, et priorité donnée à la réhabilitation du parc de logements privés, avec un programme d’actions élargi permettant d’accompagner le maintien des personnes âgées à domicile, la réduction de la précarité énergétique, et la remise sur le marché de logements vacants avec résorption du parc de logements potentiellement indignes.
La construction de logements neufs est mieux répartie sur le territoire, et réduite du fait de l’action forte sur le parc de logements ancien. Cela conduit à un besoin de construction de 396 logements neufs (177 sur la CCC , 157 sur la CCRN et 62 sur la CCSD ).
– 2 : l’attractivité renforcée est concentrée sur les pôles de services et d’emplois suite à croissance économique plus timorée et hausse importante du prix du pétrole. La production de logements est concentrée sur les Chefs-lieux et les Communes sièges des gares tram train.
Les Communes et Communautés de Communes sont alors amenées à agir plus fortement sur les opérations d’aménagement pour compenser la relative frilosité des opérateurs privés. Les politiques de réserves foncières sont poursuivies, et une intervention significative sur l’aménagement des centres bourgs des Communes rurales est nécessaire pour maintenir leur attractivité.
La concentration de l’accueil de population sur les pôles se traduit par une augmentation du besoin de construction neuve. Cela conduit à un besoin de construction de 556 logements neufs (268 sur la CCC , 195 sur la CCRN , et 93 sur la CCSD ).
Les trois Communautés de Communes devront valider une de ces propositions avec ou non des variantes, si possible avant l’été.
L’étape suivante consistera à élaborer un programme d’actions qui comprendra un volet commun à l’échelle du Pays pour les actions qu’il s’avère pertinent de mener à ce niveau et à l’échelle de chaque Communauté de Communes pour répondre aux spécificités et aux volontés des élus concernés.
On peut cependant regretter que ces
trois propositions ne posent pas
la question des choix urbanistiques
indispensables.
Un PLH doit en effet permettre de faire des choix
– développer des lotissements neufs éloignés du centre-bourg ? Ou réhabiliter les logements du centre bourg pour recréer une dynamique communale ?
– préférer la réhabilitation de grands logements ? Ou de petits logements à des prix accessibles ?
– Se contenter d’apporter des possibilités de financement en laissant libre choix aux propriétaires ? Ou orienter les choix au service de l’intérêt collectif ?
– Concevoir une réhabilitation du bâti, au coup par coup, ou définir des priorités d’aménagement ? Il peut être intéressant pour une commune, par exemple, de préempter certaines maisons bien placées pour créer des petites salles communales, lieux de rencontres et d’animation pour des clubs, voire des structures médico-sociales, en centre bourg.
Il faut demander aux deux cabinets d’études chargés de l’élaboration du PLH, de rencontrer les structures associatives, spécialement dans les petites communes, aptes à porter les demandes des personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes.
Le PLH devrait notamment prévoir :
– la réalisation obligatoire d’un quota de logements adaptés aux individus, aux familles les plus fragiles et aux handicapés.
– l’intégration des besoins des handicapés sensoriels (et pas seulement physiques) dans les normes d’accessibilité.
En effet, lorsque le droit au logement n’est pas assuré, les victimes ne sont pas seulement les personnes, les familles, les enfants qui vivent dans des conditions indignes, c’est aussi la société tout entière qui est atteinte dans sa cohésion sociale, dans la confiance de ses citoyens envers la démocratie et la capacité des institutions à assurer à la fois les solidarités souhaitables et le respect de ses lois.
Aujourd’hui les messages d’alerte nous parviennent de tous côtés : les plus pauvres et les plus fragiles souffrent et ceux qui ont en charge leur soutien, travailleurs sociaux, associations, opérateurs du logement, élus locaux ne sont pas en mesure de leur apporter des réponses. Dans ce contexte, il est bon de se rappeler qu’il y a 50 ans, suite à l’appel de l’abbé Pierre, une France qui était loin de son niveau actuel de richesse, confrontée à une pénurie beaucoup plus lourde, avait su prendre les mesures nécessaires pour produire les logements qui manquaient.
Il n’y a pas de fatalité au mal-logement : les moyens permettant de le résorber sont
largement à la portée de la société développée dans laquelle nous vivons
(source : le neuvième rapport du haut-comité pour le logement des personnes défavorisées : http://www.hclpd.gouv.fr/)