Accueil > Châteaubriant > Santé > Suicide : Comment ça va ? Couci-couça.
Ecrit le 16 octobre 2013
prévention du suicide
A l’initiative du CCAS (Centre Communal d’Action sociale) de Châteaubriant, du Centre Hospitalier de Blain, des structures de santé mentale de la région Châteaubriant-Nozay-Derval, de l’Agence régionale de Santé, un colloque sur le suicide s’est tenu à Châteaubriant le 8 octobre 2013. Avec 500 participants effectivement présents, c’est un grand succès... et un bouleversement des idées reçues...
Mme Desaulle, Directrice Générale de l’ARS (Agence régionale de Santé) a expliqué que cinq catégories de personnes présentent, plus que d’autres, des risques de suicide : les 0-20 ans, les personnes âgées, les personnes en souffrance mentale, les personnes atteintes de troubles addictifs et celles atteintes de maladies graves comme le cancer. Le projet régional de santé porte sur le soin lui-même (prévention, traitement, accompagnement) puis sur la recherche des structures de dépistage et d’aide (soignants, collectivités, éducation nationale, milieux professionnels) pour « proposer des réponses adaptées à la sociologie des personnes et des territoires » - « Nous mettons l’accent ensuite sur l’échange des pratiques et sur la formation, qu’elle soit initiale ou continue ».
De quoi je me mêle ?
Première intervenante, Mme Kahina Yebbal, responsable de l’unité de prévention du suicide au centre hospitalier Daumezon de Bouguenais. Derrière le titre « De quoi je me mêle », elle explique le lent cheminement conduisant au maillage d’un territoire : un projet par an. Ce fut d’abord la formation des intervenants, la mise en place de consultations pour les personnes suicidaires et les familles, mais aussi pour ceux qui restent (les endeuillés). Les consultations ont lieu au cabinet des médecins généralistes volontaires, une ou deux fois par semaine, ce qui limite les frais : pas besoin de louer un local, ni de financer du personnel de secrétariat. Le médecin reste l’interlocuteur médical de la personne suicidaire. Dans tous les cas, il s’agit de briser l’isolement, d’empêcher la récidive.
La formation des médecins a consisté en repérages de la souffrance psychique ; et avec l’UNPS (Union Nationale pour la prévention du Suicide), des « sentinelles » ont été formées : environ 120 personnes, bénévoles, volontaires, capables d’écouter 24 h sur 24 les personnes en grande souffrance psychique. « Nous avons décidé d’identifier les personnes à risques, les patients et les proches confrontés aux troubles de l’humeur, de ne pas attendre qu’ils viennent vers nous, mais d’aller vers eux » - « Dans ce groupe de prévention du suicide, les psychiatres ne se posent pas en » experts « , mais au même niveau égalitaire que les partenaires » a dit Mme Yebbab.
L’avenir,
il ne s’agit pas de le prévoir,
mais de le rendre possible.
Recherches et rencontres
L’association Recherches et Rencontres est née d’abord à Paris, pour analyser l’isolement et les causes, et empêcher les conséquences graves. Elle a essaimé ensuite en France. A Nantes, le groupe accueille les personnes dans ses locaux, tous les jours, toute l’année, pour les écouter, pour les aider à reprendre confiance en eux-mêmes, à surmonter leur mésestime d’eux-mêmes, leur sentiment d’échec, leur rupture des liens sociaux. Dans un deuxième temps est proposé un suivi régulier par un psychologue et/ou une assistante sociale. Dans un troisième temps la personne peut participer à un groupe de créativité, pour expérimenter d’autres formes d’expression que la parole.
L’association s’est orientée plus récemment vers une population jeune, avec des actions spécifiques dans les établissements scolaires, des groupes de parole, des échanges avec la communauté éducative. Elle a aussi mis en place des groupes de parole pour les endeuillés (tous les 15 jours) : soutien affectif, respect des autres. Et des groupes d’entraide mutuelle s’adressant au public en grande souffrance psychiatrique. « Nous avons constaté l’efficacité de cette démarche » a dit Mme métivier.
Terrarisme
Le professeur Terra est intervenu ensuite avec des exemples et des phrases choc. « Avons-nous les épaules assez larges, avons-nous la solidité pour affronter les ténèbres ? » a-t-il demandé, disant aux auditeurs : « Vous êtes des secouristes psychiques, il ne faut pas hésiter à aller, franchement, porter secours ».
Les gens qui travaillent avec lui à la prévention du suicide, n’hésitent pas à aller à domicile pour aider les personnes qui ne demandent pas ou qui refusent les secours. « Il ne faut pas dire : comment ça va ? Car une question floue attire une réponse floue : couci couça ». Pas de « pourquoi ? » non plus. « Pourquoi votre femme vous a-t-elle quitté ? » - « Docteur, si je le savais, je l’aurais retenue » - « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » - « Docteur, je ne le sais pas, c’est pour cela que je viens vous voir ».
Il faut poser des questions plus directes, plus précises :
- « Est-ce que vous souffrez au point de vouloir vous tuer ? »
- « Est-ce que vous avez pensé à la manière dont vous pourriez vous suicider ? »
- « Avez-vous pensé quand le faire ? »
Si oui : explorer le « couloir de la mort » et rechercher les « pensées Velcro®, celles qui, au dernier moment, retiennent le geste suicidaire »
Mais ceci suppose une réelle attitude d’écoute : prendre le temps, une voix douce et grave, suivre le rythme de la personne, poser des questions ouvertes et éviter les pourquoi, ne pas penser aux solutions trop tôt pour être réellement à l’écoute ...
et puis aborder les émotions . « Il est important de bien choisir ses mots. L’idée est de nommer, avec la personne, les émotions qui ont atteint un seuil insoutenable pour elle. Et lui dire que l’on a compris où elle en est. Grâce à cet échange, elle va se sentir moins seule. Ce qu’elle ressentait auparavant comme inhumain devient partageable, et par là même humain, grâce au dialogue ».
C’est mettre des mots autour d’une souffrance avant de passer à une autre car à l’origine de ces souffrances se retrouvent souvent les facteurs de risque de suicide. « Pour apaiser la personne, il est primordial de déterminer avec elle le dernier événement qui a aggravé sa souffrance - mettre des mots dessus permet de diminuer un peu la tension. Il faut accepter aussi d’être sa bouée de sauvetage, de devenir important à ses yeux, même si l’on n’est pas la personne la plus proche d’elle. Car lorsque l’on a détecté ses émotions, on devient quasiment le reflet de la vie ».
Des facteurs de protection :
- Le soutien apporté par la famille et les relations sociales
- La présence d’un proche, un conjoint, un confident
- La grossesse, les enfants vivants à la maison
- Les responsabilités familiales
- L’intégration au sein de la communauté et de la société
- Une forte croyance religieuse
- Une culture qui sanctionne sévèrement le suicide
- La résilience et la capacité de résolution de problèmes
- La capacité à demander de l’aide
« Il faut franchir des frontières, avec délicatesse, avec respect, mais aussi avec précision, en profondeur » dit le Pr Terra.
Ne t’inquiète pas
Cette attitude d’écoute active n’est pas évidente, c’est pourquoi des formations sont organisées, par exemple avec le CHS de Blain, qui s’adressent aux soignants, aux responsables d’asso-ciations et à toute personne intéressée : « Nous avons déjà formé 758 personnes, du personnel médical, des bénévoles, des prêtres, des pompiers ... » (mais pas encore de gendarmes). La formation porte aussi sur la crise suicidaire, sur l’évaluation de l’urgence, et sur plein d’autres choses. Par exemple, ne dites pas à une personne suicidaire : pense à tes enfants, car elle peut interpréter ces propos négativement. Comment, tu penses que je suis une mauvaise mère ? : Ne distribuez pas des recettes aussi simples qu’inefficaces comme : n’y pense plus ; secoue-toi ; ne t’inquiète pas, ça va aller !
Les souffrances fondamentales
La prévention du suicide passe par la compréhension des facteurs de risque. Il ne faut pas avoir peur du suicide, mais de la souffrance qui mène au suicide. La personne ne veut pas mourir, elle veut mettre fin à ses souffrances.
Les souffrances fondamentales :
- - Peur de la solitude
- - Peur d’être sans valeur
- - Peur d’un rejet imminent, d’un abandon
- - Peur de l’échec
- - Peur de perte du contrôle externe : impuissance face aux événements
- - Peur de perte du contrôle interne : peur face aux pensées, hallucinations, impulsions
- - Peur de l’inconnu
- - Etre en retrait des autres est un facteur de risque.
La prévention est un acte essentiel, pouvant éviter le suicide et/ou l’hospi-talisation car, dit le Pr Terra « l’hos-pitalisation multiplie par 9 le risque de récidive ».
Des oreilles de lièvre
« Le suicide n’a ni couleur ni odeur, le doute n’est pas permis. Posez des questions ! » - « Il faut avoir des oreilles de lièvre et pas de lapin » dit le Pr Terra qui pense qu’il ne faut pas attendre que la personne en souffrance vienne demander de l’aide. « Il faut aller vers ... » et quelquefois « aller dans les bars le matin à 7 heures pour y rencontrer les personnes qui vont mal ». « L’absence de curiosité est une perversion »
La mairie et le CCAS de Châteaubriant se soucient de cette question du suicide. Les formations engagées vis-Ã -vis des personnels médicaux, des établissements d’enseignement, et de quelques asso-ciations, sont positifs. Il faut cependant aller plus loin, informer la population, autrement que par une exposition ou un spectacle clownesque.
Il faut procéder à l’analyse des besoins sociaux (que la municipalité s’est toujours refusée à faire), il faut s’appuyer sur les associations qui créent du lien social (y compris les plus modestes, ce qui n’est pas fait), il faut laisser le champ libre aux structures permettant l’émergence des souffrances psychiques : cela peut être un centre social, un espace pour les jeunes (et pas seulement pour le Conseil municipal des jeunes !). Il faut mettre en place des personnes-ressources, sen-tinelles ou éducateurs de rues.
Et pourquoi pas une journée collective, comme celle du 8 octobre, à destination de la population ? Vaste programme !
Conclusion :
- détecter, détecter, détecter
- Poser des questions en les articulant avec la souffrance
- Etre un témoin de la souffrance est déjà beaucoup
Ecrit le 13 novembre 2013
Urgence
Il y a maintenant 7 mois, une amie chère, habitant loin, a pris la décision de clore volontairement son contrat avec la vie. Dans ses archives, il y avait mon nom. J’ai appris son décès, il y a 4 mois.
Amis depuis l’adolescence, nous restions épisodiquement confidents, avec plaisir. Et pourtant je n’ai rien vu venir. Pas un signal rouge dans ma tête. Je croyais être proche, je devais être infiniment lointain dans sa pensée. Ou bien j’ai loupé un S.O.S. . Le silence a pris sa place depuis.
Restez vigilants. Et cassez la boite d’urgence, même si c’est pour une fausse alerte. L’autre comportement, c’est de penser : de quoi je me mêle ? Tout est défendable, même avec la plus profonde humanité. Mon amie, si elle souffrait, y a mis un terme. A sa souffrance. Pas à celle de ses proches. Il existe d’autres moyens...
Ecrit le 18 mars 2015
Jean-Louis Terra 18 mars 2015
La clef pour prévenir le suicide, c’est le dialogue. qu’il s’agisse d’un proche, d’un voisin ou d’un collègue de travail, face à la détresse d’une personne que l’on soupçonne suicidaire, il est normal de se sentir totalement démuni, de ne pas savoir quoi dire, quoi faire. Pourtant, être à l’écoute et mettre des mots, avec l’autre, sur sa souffrance, permet souvent d’éviter le pire. Voir ici ... http://urlz.fr/1Hea les explications du psychiatre Jean-Louis Terra. Celui-ci, déjà venu à Châteaubriant en octobre 2013, (très intéressant) reviendra le 18 mars 2015 pour une conférence au théâtre de Verre. L’entreÌ e est gratuite mais les inscriptions sont obligatoires. Contact : Centre Communal d’Action Sociale au 02 40 81 52 40. Billets aÌ€ retirer aÌ€ partir du 15 feÌ vrier au CCAS .
BenX : Ben n’est pas un adolescent tout à fait comme les autres. Choyé par sa mère et protégé par son petit frère, il vit dans son propre monde. Pour lui, l’extérieur est d’une violence inouïe. Aller à l’école est devenu chaque jour un peu plus un enfer depuis que deux types de son lycée lui rendent la vie impossible, ne cessant de le traquer, de le harceler, de l’humilier, le poussant lentement mais sûrement à bout. Son unique havre de paix est sa chambre et le jeu en ligne Archlord où il devient un héros prêt à tout, invincible. 19h30 à Atlantic-ciné le 26 mars, Châteaubriant.