Ecrit le 9 octobre 2019
Ah ! Les vieux !
• Pourquoi ne font ils pas leurs courses en semaine et dans la journée ?
• Les vieux sont riches : ils ont tous un camping-car ou une résidence secondaire...
• Les retraités ont bien profité des années de croissance et maintenant on paie pour eux.
• Et puis, ils ont détruit la planète…
Et les vieilles, c’est tout pareil !
Bref, la vieillesse est une charge pour la société. Bien vieillir, dîtes-vous ?
De même qu’il y a un « jeunisme », il y a un « âgisme » (Racisme anti-vieux) et l’autre que moi qui me gêne … A la suite de ses réflexions de l’année et dans le cadre de la Semaine Bleue, le Conseil de Développement propose une réflexion sur le « Bien vieillir » vu sous un angle particulier : Bien vieillir sur son territoire.
En un siècle, l’espérance de vie a progressé de 30 ans. En 2060, selon l’Insee, une personne sur trois aurait 60 ans ou plus.
L’âge de la vieillesse a changé, les « appellations contrôlées » se sont enrichies : les retraités (personnes qui ont cessé leur activité professionnelle et touchent une pension), les personnes âgées (de plus de 60 ans...), les seniors (de 60 à 75 ans...), les anciens (75 ans et plus…) … Autrefois on parlait de « croulants » mais on n’ose plus, même si les jeunes parfois le pensent encore … (ils verront quand ce sera leur tour !).
Dans un premier temps, le « défi » du vieillissement a pris une connotation négative dans un contexte où la nouvelle donne démographique a été largement perçue comme un danger pour l’équilibre sociétal dans les pays occidentaux : poids économique des aînés en raison du coût des retraites et des soins, charge de la dépendance pour les professionnels et les aidants proches et aussi la croissance de l’isolement social des personnes âgées.
Il est important de changer de regard sur le vieillissement et les personnes âgées. Plutôt que d’évoquer exclusivement les besoins des personnes âgées en termes de dépenses de santé et de dépendance, il faudrait évaluer la contribution des personnes âgées au bon fonctionnement de la société. Vieillir n’est pas une maladie !
L’enquête HID « Handicap-Incapacité Dépendance » montre que l’espérance de vie SANS INCAPACITE augmente. 80% des plus de 80 ans vont bien.
Aujourd’hui une personne de plus de 90 ans sur trois vit autonome, d’autres ont besoin d’aides partielles ou plus importantes.
La vieillesse d’aujourd’hui, prend des formes renouvelées : allongement de la durée de vie en bonne santé, décloisonnement des âges, mobilité sociale, mobilité géographique, évolution des normes et valeurs en matière de rôles sociaux et de solidarités intergénérationnelles, développement des nouvelles technologies d’information et de communication ainsi que des technologies médicales, développement de services professionnalisés, etc.
Par ailleurs, « le vieillissement de la population est une source d’emploi et de développement social. C’est une opportunité pour valoriser la formation et l’emploi des aides à domicile, des aides-soignants et des infirmières. (Mais ces professions ont besoin d’être mieux rémunérées.) » dit le Président Yves Le Gall.
Les retraités sont aussi des consommateurs. La consommation est un important moteur de la prospérité économique.
Les territoires sont inégaux face au vieillissement de la population. On observe sur certains territoires une rupture ou une forte inadaptation des offres de soins, de services, d’habitat ou de mobilité pour les plus âgés. Les bourgs ruraux offrent par exemple un niveau d’observation accentué du phénomène de vieillissement de la population.
L’analyse du CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires) montre en effet que la part des plus de 65 ans atteint dans ces communes 22,1 % de la population contre 17,7 % en France. Quant à la part des 75 ans et plus, elle y est fortement supérieure à la moyenne nationale.
Le vieillissement est donc pour les territoires un enjeu d’adaptation (habitat, mobilité, services, santé, etc.) mais également une opportunité de création ou de développement d’activités économiques.
Vieillir jeune
Autrefois la vieillesse était synonyme de décrépitude. La chanson de Jacques Brel est terrible :
Les vieux ne rêvent plus
Leurs livres s’ensommeillent,
leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort
Le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus
Leurs gestes ont trop de rides
leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil
Et puis du lit au lit …
On dit que la société « vieillit », alors que le seuil individuel de vieillesse, difficile à déterminer, semble plutôt se déplacer vers le haut. Maintenant on a compris que les vieux ont l’envie et le droit de (bien) vivre.
✓ « Bien vieillir », en bonne santé
✓ « Bien vieillir » sans souci financier
✓« Bien vieillir » dans un logement qui pourra être aménagé pour faire face à une éventuelle perte d’autonomie.
✓ « Bien vieillir » dans un environnement social et culturel riche en activités et en relations humaines. Bénévolat, sorties, rencontres , sont les conditions clés d’une retraite réussie. Attention à l’isolement !
✓ « Bien vieillir » dans son corps et dans sa tête. A 65 ans, 20 années d’espérance de vie en moyenne laissent la place pour de nombreux projets !
Humain
De nombreux services sont mis en place : téléassistance, services à la personne, aide ménagère, prévoyance... Il faut cependant garder en mémoire un facteur qui se fait bien souvent trop discret : celui de l’humain. Au cœur de ces enjeux, figurent des personnes, des individus. Or, nos ainés ne sont pas tous technico-enthousiastes.
« On peut proposer à une personne âgée autant de solutions que l’on souhaite, celles-ci ne serviront à rien si elles ne sont pas adoptées par leurs utilisateurs. D’où l’importance qu’ils soient associés à la recherche de solutions. La solution de la dépendance ne se trouve pas uniquement dans la production de technologies toujours plus performantes et « adaptées » aux besoins du troisième âge » dit encore Yves Le Gall.
Il serait réducteur de ramener le défi du troisième âge à des technologies et délicat d’envisager cette question sous le seul jour des économies budgétaires que nouspourrions réaliser en recourant aux « bonnes » technologies. Se pose aussi la question du coût et du financement pour des utilisateurs qui ont parfois de faibles ressources.
Pierre-Olivier LEFEBVRE est le Délégué Général du Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés. Spécialisé en gérontologie sociale depuis près de 30 ans et après avoir dirigé des services et des établissements de personnes âgées, il anime le Réseau qui regroupe plus de 140 membres. Par ailleurs, il enseigne et anime régulièrement des cours et des conférences sur la longévité et sur l’enjeu du vieillissement démographique dans les territoires. Il viendra animer la conférence-débat, jeudi 10 octobre à 18h30, à la Halle de Béré , à Châteaubriant, sur le thème :
Bien vieillir sur son territoire
Contact : 07.83.16.24.81
Ecrit le 16 octobre 2019
Pas de morale pour les vieux !
M. Pierre-Olivier Lefebvre est venu à Châteaubriant faire une conférence sur le « bien vieillir » à l’invitation du Conseil de Développement et, chose intéressante, il n’a pas fait la morale aux participants.
« On vous dit : il faut bien manger, bien dormir, faire de l’exercice, manger ceci ou pas cela … On est plutôt dans le domaine de l’injonction ! On vous dit : ce sera bien pour vous. On sous-entend : ne venez pas nous ennuyer avec vos malaises, cela fera faire des économies à la Sécurité Sociale ».
Il explique au contraire que ce qui compte c’est donner envie !
Il distingue plusieurs façons de vivre sa retraite, à chacun de choisir …
il y a la retraite-renonciation : en retrait de la vie sociale, la personne retraitée reste seule, renonce à sortir, renonce à recevoir des amis, renonce à vivre !
Il y a la retraite-consommation : j’ai travaillé toute ma vie, j’en profite, voyages, sorties, etc.
il y a le retraite-revendication : j’ai fait partie d’une association ou d’un syndicat dans ma vie professionnelle, je continue sur la même voie.
Il y a enfin la retraite-participation : mon temps je le consacre à des activités sociales en direction des autres, les enfants, les petits-enfants et les habitants de mon secteur..
Bien entendu chaque retraité peut faire un mixage de ces différentes façons d’être en retraite. A lui de choisir, s’il peut choisir, si sa santé le lui permet, s’il peut se déplacer, s’il ose rencontrer d’autres personnes.
L’important est que la personne se sente bien. Et cela dépend de nombreux facteurs, notamment de la place qu’on attribue aux personnes âgées.
D’ailleurs, personnes âgées c’est une classification chronologique. Les personnes de 30 ans sont-elles comparables à celles de 50 ans ? Les personnes de 60 ans ont-elles les mêmes besoins, les mêmes caractéristiques que celles de 80 ans ?
Il importe de changer le regard sur la vieillesse, de raisonner en termes de besoins, mais aussi en termes d’apports à la société.
Pendant longtemps les jeunes ont été majoritaires dans nos sociétés. La donne a changé, les plus de 60 ans sont maintenant majoritaires et il faut veiller à ne pas créer un conflit entre les générations. Il n’est pas bon de revendiquer quelque chose en raison de son âge. Améliorer les chaussées défoncées, les trottoirs trop en pente, l’éclairage public insuffisant : ces travaux ne sont pas destinés aux vieux, parce qu’ils sont vieux, mais ils améliorent le quotidien de tout le monde.
Organiser des transports réservés aux personnes âgées, ce n’est pas une bonne idée car les jeunes, les familles, et d’autres, ont aussi besoin de se déplacer. Il serait dommage de créer des conflits entre les classes d’âge. Et à quel âge est-on âgé ?
Pour autant, c’est vrai, les personnes âgées peuvent avoir des besoins spécifiques … pas les mêmes pour tout le monde d’ailleurs ! Besoin d’être emmené, besoin d’un appui pour se relever, besoin de sièges à hauteur adaptée, besoin d’un microphone pour que l’orateur se fasse entendre … Ce sont de petites choses qui font que certaines personnes se sentent en décalage. « Mais cela peut se résoudre avec une dose de tolérance, de bienveillance » dit PO Lefebvre. « J’ai des cheveux blancs et la barbe blanche. Regulièrement des jeunes dans le métro se lèvent pour me laisser la place. Je la prends, quitte à me lever si je vois un plus vieux que moi. Mais je vois aussi des personnes âgées refuser cette place, cela part d’un bon sentiment ‘je suis encore en bonne santé’ mais c’est aussi décevant pour un jeune qui peut-être, une autre fois, ne fera pas le geste de se lever ». PO Lefebvre insiste sur la nécessité d’être « fier de son âge, de prendre sa place dans la société ».
Numérique et EHPAD
Sur une question d’Yves Le Gall, PO Lefebvre est revenu sur la demande récurrente : « je veux vieillir chez moi ». Chez moi, dans mon logement actuel, ou dans un autre chez moi aux caractéristiques plus adaptées ? C’est un rejet de la formule des EHPAD. Autrefois les maisons de retraite étaient plus diversifiées, avec des jeunes retraités, et des moins jeunes. Maintenant les EHPAD sont clairement définis : Etablissement Hospitalier pour Personnes Agées Dépendantes. La formule évoque les soins, et l’environnement du personnel face à des personnes qui sont en quelque sorte en survie. Quand le personnel manque. Quand tout est fait pour rentabiliser la maison au détriment d’un réel bien-être des résidents, il ne faut pas s’étonner s’il y a rejet a priori. Cela étant, il y a des EHPAD où on respire une atmosphère de liberté pour les résidents. C’est clairement le cas à Rougé. Par exemple.
Autre sujet, le numérique ! La fracture numérique dans la population est réelle, et pas seulement chez les personnes âgées. Elle est aggravée dans notre région où la couverture internet est défaillante. Elle tient à des difficultés matérielles (achat d’un ordinateur voire d’une imprimante) et surtout à la méconnaissance du fonctionnement. « Un télévision, un magnétoscope, c’est bien, on appuie sur un bouton, ça marche. Mais le maniement d’un ordinateur c’est autre chose » dit un retraité. Et quand ça ne marche pas, la personne est souvent seule devant son souci.
Les grands financeurs sont prêts à co-financer des ordinateurs alors qu’il faudrait des animateurs de terrain. [Ndlr : comme les animateurs de l’association ACIAH !].
En France, « 541 communes sont classées en zone blanche et sont donc dépourvues à ce jour de toute connexion Internet et mobile » rappelle le Défenseur des droits. Soit 500 000 personnes mises de fait en incapacité d’accéder à un réseau d’Internet depuis leur domicile. Et les choses vont aller en s’aggravant. Par exemple, l’été dernier, les familles ont dû inscrire les enfants au transport scolaire en y joignant une photo scannée. Encore faut-il avoir un scanner, savoir scanner une photo et savoir la joindre au dossier !
Pour la CAF, Pôle-Emploi, la CPAM et d’autres, les difficultés liées au numérique sont importantes !
VADA
VADA : Villes amies des aînés :
C’est un programme international porté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La particularité de la démarche, est de s’appuyer sur l’expérience des habitants des villes et notamment sur celle des personnes âgées. Cette dimension participative est un aspect fondamental.
La démarche VADA travaille sur la lutte contre l’âgisme, le sentiment d’appartenance au territoire et les dynamiques participatives et partenariales. Elle encourage un vieillissement actif .
En France, le réseau a été créé en 2012 et comprend près d’une centaine de villes,
plus ou moins grandes, en milieu urbain ou rural. La plus petite ville amie des aînés française compte 790 habitants. Il s’agit de Meaulne dans l’Allier. Des villes plus importantes, comme Rennes depuis 2011, ou Bordeaux font également partie du réseau Villes amies des aînés. La démarche a pour principaux objectifs d’adapter et de rendre accessible l’environnement bâti et social des aînés, d’encourager le vieillissement actif, de lutter contre l’âgisme et de renforcer le sentiment d’appartenance et d’intégration à sa ville. De nombreuses actions sont initiées en ce sens par les collectivités membres de cette démarche, et notamment la lutte contre l’isolement non-choisi des aînés.
Les réflexions concernent huit thématiques : Les espaces extérieurs et bâtiments, les transports et la mobilité, l’habitat, l’information et la communication, le lien social et la solidarité, la culture et les loisirs, la participation citoyenne, l’emploi et l’autonomie, les services et les soins.