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Ecrit le 10 février 2021
Monsieur le président de la République,
Ces derniers mois ont mis en lumière, à travers la douloureuse crise sanitaire que nous connaissons, les insuffisances de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie. Des intubations ou des réanimations ont été imposées à des citoyens, certes âgés mais libres et résolus, à l’encontre de leurs directives anticipées ou de la parole de leur personne de confiance, mandatée à cet effet. Des polémiques ont été nourries et entretenues par des militants anti-choix à la suite des décrets parus sur l’utilisation du Rivotril (clonazepam). Des patients en fin de vie n’ont pas été respectés dans leur conscience et leur volonté. Beaucoup d’inquiétudes ont été exprimées et l’angoisse s’est ajoutée au virus. Plus que jamais, la loi de 2016 a montré ses faiblesses et son inadaptation aux réalités de la fin de vie.
Ce n’est pourtant pas le corps médical qui est globalement responsable de ces situations qui provoquent des souffrances et nourrissent la crainte des Français à l’égard de leur propre fin de vie. Car la loi de 2016 rend les directives anticipées opposables mais non contraignantes, crée un droit au « laisser mourir » : par la sédation : dans les tout derniers jours de la vie mais refuse un droit au « faire mourir » : par l’euthanasie ou le suicide assisté : lorsque le pronostic vital est engagé, que les douleurs sont inapaisables et qu’aucun espoir ne subsiste et interdit à celles et ceux d’entre nous qui disposent de leur discernement le droit de décider eux-mêmes des conditions de leur propre fin de vie.
Dans le monde, plusieurs pays accordent à leur population la liberté de choisir leur fin de vie. Et cela, sans dérive
Depuis 2001, en Europe, de plus en plus de pays autorisent l’aide active à mourir : la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg. Cette année, l’Espagne, le Portugal et la très catholique Irlande ont entamé un processus législatif, avec le soutien de leur gouvernement, en direction d’une loi de liberté. En Allemagne, en Autriche et en Italie, des décisions des plus hautes juridictions ont ordonné de permettre l’aide active à mourir ; avant 2022, en ce qui concerne l’autriche... En Grande-Bretagne, Boris Johnson semble vouloir libéraliser le sujet Seule la Pologne reste figée sur des positions qui, loin de notre laïcité, évoquent la sacralité de la vie. Mais qui voudrait que la France ressemble à la Pologne d’aujourd’hui avec ses nombreuses atteintes aux droits de l’Homme ?
Aux Etats-Unis, dix Etats (dont DC) ont légalisé le suicide assisté ; l’Oregon, dès 1997 ! En 2014, le Québec a autorisé l’aide médicale à mourir ; deux ans après, c’est l’ensemble du Canada qui a légalisé cette pratique humaine de fin de vie. l’australie, état après état, légalise l’aide active à mourir : le Victoria en 2017, l’australie Occidentale en 2019, la Tasmanie sans doute en 2021. La Colombie (depuis 2015) et la Nouvelle-Zélande (dès l’année prochaine) permettent aussi le droit de mourir dans la dignité.
Monsieur le président de la République, vous le savez, un droit nouveau donne une nouvelle liberté sans créer d’obligation. Un droit nouveau enrichit une société tout entière. L’interruption volontaire de grossesse a permis aux femmes de décider si elles voulaient ou non devenir des mères. Mais aucune, jamais, n’a été forcée dans notre pays à avorter contre sa volonté. Pourquoi ? Parce qu’une loi bien écrite, avec ses contrôles, permet d’éviter les dérives et de respecter les volontés de chacun. Le mariage pour tous a permis à des personnes du même sexe de se marier. Mais aucun homme ni aucune femme n’est obligé de se marier avec un autre homme ou une autre femme.
Chez nos voisins européens qui ont légalisé l’aide active à mourir, depuis bientôt 20 ans pour certains, le recul est largement suffisant pour démontrer qu’il n’y a pas de dérive et que toute la population, même si elle ne souhaite pas user de ce droit, est heureuse qu’il existe. Au cas où
l’association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, qui s’appuie sur un comité d’honneur de grande qualité et de grande notoriété placé sous la présidence de l’écrivaine Noë lle Châtelet, forte de ses 74 000 adhérents actifs, a élaboré le texte d’une proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs. Ce texte s’inspire fortement de la loi belge qui existe depuis 2002.
A l’assemblée nationale comme au sénat, plusieurs parlementaires ont pris des initiatives, souvent très suivies : le député du Rhône Jean-Louis Touraine (et plus de 150 députés de La République En Marche, dont Yves Daniel, député de notre circonscription), la députée de Meurthe-et-Moselle Caroline Fiat (et les 17 députés de La France Insoumise), le député de Charente-Maritime Olivier Falorni, la députée des Alpes-Maritimes Marine Brenier, la sénatrice de Paris Marie-Pierre de la Gontrie (plus 50 sénateurs socialistes) ...
Les observateurs estiment que plus de la moitié des 577 députés sont favorables à une loi de légalisation de l’aide active à mourir. Beaucoup attendent le feu vert du Gouvernement. Beaucoup attendent une parole de vous pour avancer sur ce sujet.
La fonction de président de notre République est difficile. Les obstacles sont forts et les sujets d’opposition sont nombreux. Il est pourtant un sujet qui, en France, reçoit l’approbation de 96% des Français (sondage Ipsos pour Lire la politique : mars 2019) c’est celui en faveur du droit de choisir librement sa fin de vie. Ce sujet est d’importance. Il préoccupe à juste titre les plus vulnérables d’entre nous : les personnes âgées et les malades, mais aussi des plus jeunes.
Monsieur le président de la République, soyez l’un de ceux qui, dans l’Histoire de notre pays, laissera la marque de la liberté individuelle ; comme Valéry Giscard d’Estaing a permis l’interruption volontaire de grossesse, comme François Mitterrand a permis l’abolition de la peine de mort, comme François Hollande a permis le mariage de personnes du même sexe.
Monsieur le président de la République, je vous demande de vous déclarer en faveur de la liberté en fin de vie et de demander au Gouvernement d’autoriser les parlementaires à discuter d’une grande loi qui permette l’euthanasie et le suicide assisté et donne les moyens d’accéder à des soins palliatifs de qualité, dans le respect des volontés et des consciences de tous, patients et médecins.
Je vous prie de croire, monsieur le président de la République, à l’assurance de ma très respectueuse considération.
Jean-Luc Romero-Michel
et les premiers signataires de
la lettre ouverte :
Portugal : oui
Le Parlement portugais a adopté le vendredi 29 janvier 2021 une loi autorisant « la mort médicalement assistée » qui fera de ce pays catholique le quatrième en Europe à légaliser l’euthanasie. Le texte a été approuvé avec 136 voix pour, 78 voix contre et 4 abstentions. La demande du malade en fin de vie doit être validée par plusieurs médecins, ainsi qu’un psychiatre lorsqu’il y a des doutes sur la capacité de la personne à faire un choix « libre et éclairé ». Le moment venu, le médecin du patient devra s’assurer une dernière fois de sa volonté de mettre fin à ses jours, en présence de témoins.
En France, le 3 février 2021, les sénateurs socialistes à la suite de Marie-Pierre de La Gontrie, ont déposé une proposition de loi visant à « établir le droit à mourir dans la dignité ». Elle devrait être examinée le 11 mars.
Deux cas de figure sont envisagés. Celui du « suicide assisté », prescription à une personne d’un produit létal par un médecin à la demande de celle-ci. Et celui de l’euthanasie, soit le fait, pour un médecin de mettre fin intentionnellement à la vie d’une personne, à la demande expresse de celle-ci