Ecrit le 5 avril 2020
Pendant le confinement, La Mée continue mais différemment. En ligne et plus en papier. Elisabeth Catala s’est intéressée aux mots de l’actualité.
Couronne
Le cCovid-19 qui sévit actuellement dans le monde entier est un coronavirus qui appartient à la famille des coronaviridae. Il doit son nom au fait qu’il est entouré d’une capsule de de protéines en forme de couronne ( corona, en latin).
Dans l’antiquité, l’usage voulait qu’on se pare d’une couronne de feuilles ou de fleurs chaque fois qu’on accomplissait un acte religieux solennel, dans le but de plaire aux dieux.
En Grèce, le vainqueur (1) des Jeux olympiques recevait une couronne de lauriers qui devait être ensuite portée non pas lors des cérémonies sportives mais durant le déroulement de cultes religieux. Rappelons que, créés au VIIIe siècle avant J.C. dans le cadre d’un festival religieux, les jeux étaient donnés à Olympie en l’honneur de Zeus.
A Rome, lors d’un banquet, la tête des convives était couronnée de fleurs. Et les tombes, périodiquement jonchées de fleurs, étaient entourées de guirlandes et de couronnes.
Dans l’armée, une couronne de lauriers honorait le chef qui avait remporté un triomphe sur l’ennemi : il recevait ensuite une couronne en or reproduisant deux branches de laurier au moment où il était acclamé comme imperator par ses soldats.
Les sculpteurs antiques et les peintres modernes représentaient la tête de Bacchus, le dieu du vin, ornée de couronnes de fleurs, de feuillage, de pampres et de grappes.
Au Moyen Age, la couronne de laurier, utilisée pour symboliser la gloire de la poésie, récompense les grands poètes : Dante, pétrarque et Boccace sont toujours représentés la tête ceinte de lauriers.
c’est au Moyen Age et sous l’ancien régime que la couronne s’est imposée comme un symbole régalien (notons que les mérovingiens ne portaient pas de couronne mais gardaient les cheveux longs, c’est pourquoi on les appelait « les rois chevelus »).
La couronne ouverte (un cercle avec des ornements tels des fleurs de lys) est un symbole régalien.
La couronne fermée (un cercle auquel sont fixés des arcs qui se rejoignent à leur sommet) est un symbole impérial. c’est François 1er qui l’a adoptée le premier en 1519. Notons que les rois ne portaient cet objet sur la tête que lors des cérémonies en raison de son poids.
Dans le domaine religieux, les peintres représentent toujours la tête de la Vierge ceinte d’une couronne de douze étoiles et celle des saints, d’une couronne qui est formée de rayons (2).
Par dérision, une couronne d’épines a été posée sur la tête du Christ avant sa crucifixion par les soldats romains.
Au figuré, la couronne de martyre est la récompense que les martyrs acquièrent en mourant pour la foi. Et la couronne céleste est celle que Dieu réserve à ses élus.
Le mot couronne s’emploie aussi dans bien d’autres domaines : dans des pays tels que le Danemark et la Suède, c’ était le nom de l’unité monétaire en usage jusqu’Ã l’arrivée de l’euro ; en agriculture, on fait des greffes en couronne ; en papeterie, certains papiers sont marqués d’une couronne ; chez le boulanger, des pains ronds évidés en leur centre portent le nom de couronne ; en anatomie dentaire, c’est le nom de la partie supérieure de la dent ainsi que la capsule artificielle destinée à protéger une dent ou à consolider un bridge ; enfin en chorégraphie, le mot désigne la position des bras légèrement arrondis au-dessus de la tête.
DEVINETTE : Que signifie l’expression « couronner un cheval » ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro : le nom du jeu télévisé intitulé le Tirlipot provenait d’une fusion entre le mot tirelire et le mot jackpot.
Elisabeth Catala
Masque
Le mot masque est issu de l’italien masquera (3) qui a pour radical maska (noir), d’où masca en latin tardif (=masque mais aussi sorcière, démon). Les plus anciens déguisements consistaient simplement à se noircir le visage, voire tout le corps.
Le masque, qui recouvre tout ou partie du visage, est porté dans diverses occasions de la vie sociale selon les peuples et les époques : masque antique qui symbolisait un rôle ou un comportement tout en permettant à l’acteur de théâtre de grossir sa voix sur scène ; masques eskimo, indien, nègre, océanien, qui revêtaient une valeur sacrée et étaient portés lors des cérémonies religieuses ; masques de carnaval (4) qui ont rendu Venise si célèbre ; masques du théâtre Nô au Japon ; « loups » ne cachant que le haut du visage, utilisés dans les bals masqués et portés par les acteurs quand ils jouaient devant le roi.
Au début du XVIIe siècle, les Masques, spectacles particuliers où se combinaient allégorie, féerie, danse et musique devinrent si populaires que certains de ses éléments furent adoptés dans le drame scénique des théâtres publics, telle La tempête de Shakespeare (1610).
Le mot masque caractérise aussi la physionomie d’un acteur : cet acteur a un bon masque, un masque comique, entre autres.
Au théâtre et dans le domaine du chant lyrique, les acteurs et chanteurs doivent parler, chanter « dans le masque », c’est-Ã -dire dans les cavités dites de résonance formées par le pavillon pharyngo-buccal et les cavités nasales.
Au figuré, construit avec un complément, le mot désigne un état émotionnel : masque d’angoisse, de douleur, de fatigue, etc.
Il désigne aussi une attitude ou un comportement feint par quelqu’un, d’où les expressions imagées : se cacher sous un masque, faire tomber le masque, arracher le masque, jeter le masque, quitter le masque ( de l’égoïsme, du cynisme, par exemple).
Il peut servir enfin de révélateur, comme l’écrit Oscar Wilde :« L’homme est peu lui-même lorsqu’il parle à la première personne, donnez-lui un masque, il dira la vérité ».(5)
Concrètement, le masque qui s’applique sur le visage a diverses fonctions : il est utile à l’apiculteur, au joueur d’escrime, au plongeur, au soudeur ; le masque à gaz a fait son apparition sur les champs de bataille pendant la Première Guerre mondiale pour protéger les combattants des gaz toxiques ; dans les salles d’opération, le chirurgien et ses assistants portent un masque chirurgical et le patient, un appareil comportant un dispositif en caoutchouc qui s’adapte sur la bouche et le nez pour lui permettre d’inhaler des gaz anesthésiques et de l’oxygène.
c’est enfin un objet fort utile pour se protéger contre la pollution. Au Japon, en Chine et partout où l’air est très pollué, la population porte un masque . Aujourd’hui, depuis l’apparition de la pandémie de Covid 19, certains masques servent à éviter de contaminer les proches et les « becs de canard FFP2 », à éviter d’être soi-même contaminé.
DEVINETTE : qu’est-ce qu’un masque en architecture ?
REPONSe à la dernière DEVINETTE : en équitation action de déséquilibrer sa monture au point de provoquer sa chute ; la cicatrice de la plaie forme sur le genou un cercle appelé couronne .
Elisabeth Catala
Ecrit le 21 avril 2020
Confinement
En mars 2020, l’ordre de confinement a été donné à la population de nombreux pays de la planète pour un temps encore indéterminé afin d’essayer de contrecarrer la pandémie de covid 19.
Le mot confinement appartient à la même famille que le mot confins, ( issu
du mot latin confinia qui signifiait limite commune à des champs, à des territoires, d’où voisinage et au figuré état intermédiaire). Il est construit à partir du verbe confiner qui a deux constructions : dans l’une, indirecte, il signifie toucher aux limites (exemple : les prairies confinent à la rivière), dans l’autre, directe, il signifie forcer à rester dans un espace limité, concret ou abstrait, (ex : on a voulu longtemps confiner les femmes dans leur rôle de mère).
Notons qu’ au figuré, confiner à signifie être très proche de (exemple : « Toute qualité verse dans un défaut, écrit Victor Hugo dans Les Misérables en 1862, l’économe touche à l’avare, le généreux confine au prodigue ».
Le mot confinement est le nom d’action du verbe confiner et participe surtout de l’idée d’enfermement, d’abord dans le contexte pénal de l’emprisonnement, puis dans celui de l’isolement d’un captif. De nos jours, il indique le fait d’enfermer et d’être enfermé dans certaines limites concrètes : ou abstraites.
isolement
Le confinement s’apparente à l’isolement en ce sens qu’il contient comme lui l’idée de séparation. Cependant, l’isolement concerne un malade contagieux (et, par extension, un détenu dangereux) alors que le confinement qui nous a été imposé comme à la plupart des habitants de la planète depuis plusieurs semaines, et probablement pour plusieurs semaines encore, concerne les personnes qu’il faut protéger du Covid 19.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le mot isolement ne fait pas partie de la même famille étymologique que le mot solitude : isolement est issu du mot île qui a pour racine indo-européenne nsa représentée en latin par insula et en grec par nasos. Insula signifie île et maison isolée ; en architecture, un îlot est un petit groupe de maisons isolé des autres constructions. Notons enfin qu’en médecine, l’insuline désigne l’hormone secrétée par les îlots de Langerhans.
Solitude
Quant au mot solitude, il a pour racine l’adjectif latin solus, dont, curieusement, l’origine étymologique est inconnue. Il implique l’idée d’isolement autant physique que moral qui est exprimée par ceux qui la vivent et en particulier par bien des écrivains (2).
La solitude recherchée par les uns fait souffrir les autres : certains y prennent goût, d’autres en ont besoin, s’y plaisent et la savourent ; inversement, elle est intolérable, pesante, accablante, vertigineuse à ceux qui la subissent.
(1). « Ecoutez, il faut l’isoler et tenter un traitement d’exception. Je téléphone à l’hôpital et nous le transporterons en ambulance. Deux heures après, dans l’ambulance, le docteur et sa femme se penchaient sur le malade. De sa bouche tapissée de fongosités, des bribes de mots sortaient : » Les rats ! « disait-il. Verdâtre, les lèvres cireuses, les paupières plombées, le souffle saccadé et court, {} le concierge étouffait sous une pesée invisible. La femme pleurait. » (Albert Camus, La peste,1947).
(2)- Heureux qui, s’écartant des sentiers d’ici-bas,
A l’ombre du désert allant cacher ses pas
Efface, encor vivant, ses traces sur la terre,
Et dans la solitude enfin enseveli,
Se nourrit d’espérance et s’abreuve d’oubli.
Lamartine, Solitude, in méditations poétiques, 1860.
– « Ce grand malheur de ne pouvoir être seul, dit quelque part La Bruyère, comme pour faire honte à ceux qui courent s’oublier dans la foule ! » Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869.
– « l’art, c’est l’apothéose de la solitude ! », écrit Beckett en 1930 dans son étude sur Marcel Proust.
Georges Moustaki a créé une très belle chanson sur la solitude. Et Aznavour l’a chantée.
Elisabeth Catala
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Ecrit le 13 mai 2020
Barrières
Depuis l’installation du confinement destiné à faire barrage à la pandémie de Covid 19, on a assisté à la naissance de l’expression « gestes barrières » : pour éviter la contamination, il faut se laver les mains très régulièrement, tousser ou éternuer dans son coude ou dans un mouchoir, saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades et utiliser des mouchoirs jetables. Aux gestes barrières sont venus s’ajouter des « masques barrières ».
Le mot barrière appartient à la famille du mot barre, issu probablement du mot gaulois barro,(extrémité et sommet), latinisé en barra, et qui est attesté par divers noms de lieux et de personnes (1).
Une barrière est en premier lieu une clôture à claire-voie faite d’un assemblage de barres de bois ou de métal, fixe ou mobile selon qu’elle sert à enclore un espace ou à fermer un espace.
Par extension, le mot désignait la porte de clôture qui interdisait l’accès d’une ville ainsi qu’une porte qui fermait l’enceinte d’un château. C’était aussi la palissade qui dans les tournois coupait la lice en deux et, par métaphore, le champ d’action : « La victoire, en chantant, nous ouvre la barrière, la liberté gui-i-de nos pas » (2).
C’était encore le poste garni de barrières établi à l’entrée des villes pour percevoir les droits d’entrée appelé la barrière de l’octroi.
n’oublions pas les barrières des passages à niveaux qui avant d’être automatisées étaient abaissées ou relevées par des gardes-barrières.
c’est, dans le domaine juridique, la barrière, nommée la barre ou le barreau, (3) qui sépare les magistrats du public au tribunal, et devant laquelle plaident les avocats. Quant aux accusés, ils se retrouvent « derrière les barreaux », quand ils sont condamnés.
La barrière de dégel est l’interdiction, primitivement matérialisée par des barrières, faite à certains véhicules de circuler pendant la période de dégel.
Une barrière est aussi un obstacle naturel qui interdit l’accès d’un lieu ou rend difficile le passage d’un lieu à un autre : barrière de montagnes, barrière de corail, barrière de glace.
Au figuré, le mot désigne toute interdiction, toute restriction qui s’oppose à la libre circulation des biens et des personnes entre les Etats : barrière douanière, fiscale.
c’est encore un obstacle qui empêche de se faire comprendre, comme la barrière de la langue ou encore un empêchement moral ou psychologique comme la barrière de la timidité.
Dans la famille du mot barre se trouvent en particulier barrage, barrette, embargo, rembarrer, embarrasser ainsi que l’expression barre de comptoir d’où par extension bar, barman et snack-bar.
(1) De nombreuses villes, Châteaubriant Paris, Lille et Lyon entre autres, ont une rue de la Barre qui tire son nom du droit d’entrée appelé barrage qui y était perçu.
Les noms de famille Barre et Barrière sont très répandus : le chevalier de la Barre a été exécuté pour sacrilège par le Parlement de Paris en 1766 ; son exécution a été dénoncée par Voltaire.
Raymond Barre (1924-2007) a été nommé Premier ministre par le président Valéry Giscard d’Estaing en 1974.
(2)Le chant du départ est un chant révolutionnaire qui a été composé en 1794 par le compositeur méhul sur des paroles du poète André chénier .
(3) Notons que le terme barreau désigne aussi l’ensemble des avocats qui professent auprès d’un tribunal judiciaire.
DEVINETTE : quelle est l’origine du mot barricade ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : un isoloir, quand il ne désigne pas la cabine dans laquelle un électeur prépare son bulletin de vote est un terme de physique : c’est un tabouret garni de pieds en verre sur lequel on met les corps qu’on veut électriser.
Elisabeth Catala