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Ecrit le 10 juin 2020
Dans cette crise sanitaire, et surtout dans la période de confinement, on a beaucoup parlé des personnes âgées. Mais il y a une autre catégorie de population qui a souffert : les jeunes, et particulièrement les jeunes isolés, qu’ils soient étudiants ou jeunes salariés, souvent confinés dans des studios de petite taille et loin de leurs proches. Leur quotidien a été bousculé, l’angoisse qu’engendre la crise sanitaire a compliqué le vécu de ce confinement, d’autant que l’absence de perspective dans leurs études et leur vie professionnelle est une inconnue supplémentaire.
Pour Claude Vedeilhie, psychiatre en Bretagne, cette situation est problématique pour un grand nombre de jeunes que ce soit pour leur santé mentale ou lorsqu’ils ont des addictions. Il alerte sur le fait que « les jeunes se retrouvent dans une déstructuration du quotidien alors qu’en temps normal leur vie est rythmée pour la plupart par les études. Certains étudiants n’arrivent plus à trouver des repè-res, d’autres ne parviennent plus à s’organiser et à donner sens à leur travail. La difficulté de se connecter à internet ou l’absence de revenu est d’autant plus problématique pour eux. Pour les étudiants retournés au sein de leur famille, cela peut s’avérer être une situation compliquée entre les conflits familiaux et les parents s’immisçant dans la vie de leurs jeunes adultes, sans oublier les étudiants étrangers, isolés dans les Cités U ».
Le confinement peut dès lors conduire à un accroissement des pratiques addictives. A Rennes, Claude Vedeilhie con-state que le rapport aux produits psychotropes a changé« ¯ : » Rennes c’est un lieu festif avec beaucoup de comportements d’alcoolisation massive. Celle-ci n’a plus eu lieu avec le confinement, mais il y a eu une alcoolisation plus régulière avec les visio-apéros. Alors que les étudiants ont plus tendance à s’alcooliser le jeudi et vendredi soir, on constate que leur consommation d’alcool, si elle est moins importante, devient plus régulière« ¯ »
d’autres problématiques émergent, comme celle de l’approvisionnement en produits stupéfiants.
La question qui se pose est de savoir comment gérer les difficultés psychologiques post-confinement.
Pour Claude Vedeilhie, « la première hypothèse est que le confinement sera un élément traumatique conduisant à des comportements d’addictions dans le but de soulager la souffrance engendrée par l’expérience du confinement. La deuxième hypothèse est que certains jeunes aient des ruptures thérapeutiques, ils iront plus mal parce qu’il n’y aura pas eu de suivi pendant le confinement ». Ce qui est certain, c’est que le confinement ne sera pas sans séquelles.
Moi-jeune
Semaine après semaine, les 18-30 ans ont donné leur ressenti sur le confinement, leur quotidien et « l’après » à travers le baromètre MoiJeune que « 20 Minutes » a lancé avec HEYME et OpinionWay*. Hadrien Le Roux, président de la Smerep et fondateur de l’assurance étudiante HEYME, tire un bilan contrasté de ces consultations :
Vague après vague, le baromètre MoiJeune a mis en évidence un réel mal-être chez les jeunes pendant la crise du coronavirus. 46 % des 18-30 ans craignent, par exemple, pour leur santé mentale pendant le confinement. Très vite, de nombreux acteurs de santé publique ont évoqué le risque de détresse psychologique que couraient les plus jeunes. Cette tranche d’âge est à la fois celle qui a normalement le plus de rapports sociaux et celle qui doit rester confinée dans les plus petits appartements. On sait que ce confinement est pour une très large majorité d’entre eux, et notamment les plus précaires, une épreuve. Et je pense aussi aux étudiants étrangers, coincés ici, ou aux étudiants français confinés à l’étranger.
Une épreuve psychologique qui se double d’une épreuve économique. Cette crise sanitaire va déboucher sur une crise économique et les plus jeunes se posent légitimement beaucoup de questions. Quelle va être la valeur de leur bac ? Quels seront les débouchés demain ? Comment se faire embaucher, trouver un stage, une alternance dans ces conditions bien spécifiques
Cette précarité accrue aura des conséquences pour leur santé. En effet on a vu un phénomène se produire, qu’on n’imaginait pas de cette ampleur. Lorsque le gouvernement a décidé de basculer la gestion de la sécurité sociale étudiante aux différentes caisses primaire d’assurance maladie, le taux de couverture des jeunes a diminué de façon drastique. On était à plus de 85 % couverts par une complémentaire santé et en une année, on est passé à 64 %, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour eux. Car lorsqu’on ne peut compter que sur la sécurité sociale et qu’on anticipe des frais de santé qui ne seront pas remboursés, on se tourne souvent vers l’automédication. On consulte moins de médecins, on ne va pas chez des spécialistes. Or, on sait que certaines petites infections mineures de jeunesse, si on ne les traite pas à temps, peuvent devenir des pathologies majeures bien plus tard.
En mars, les jeunes ont continué à souscrire des complémentaires santé, mais en avril, voyant la crise économique, ils ont réduit leurs frais de santé. Le risque, c’est que cette précarité affecte leur santé.
défiance
86 % des 18-30 ans ont fait part de leur défiance envers les institutions. Et, dans la deuxième partie de l’enquête, 44 % des jeunes pensent que la société française post-Covid-19 sera pire qu’avant. « Je suis surpris par ce chiffre dit Hadrien Le Roux. Cette génération est une actrice majeure du changement de modèle sociétal. On le voit dans sa volonté de consommer différemment, dans son regard sur la mondialisation. Elle est portée par un élan d’espoir vers une meilleure société, avec un vivre ensemble réinventé. c’est cet optimisme que j’ai envie de voir. »
« Mais en même temps, comment ne pas imaginer que la crise économique qui risque d’arriver et de toucher les plus précaires n’altère pas leurs idéaux. Si demain on a des difficultés à embaucher, que les jobs d’été, les jobs saisonniers, toutes ces sources de revenus sont lourdement impactées, l’avenir meilleur que propose la jeunesse d’aujourd’hui passera au second plan. Elle sera contrainte de revenir aux fondamentaux. Et les fondamentaux, c’est travailler, se nourrir »
Du positif aussi
« Mais je crois qu’on va également garder des traces très positives de la crise qui nous touche. La jeunesse a été traversée par un mouvement profond de solidarité : des jeunes ont voulu aider leurs aînés, d’autres ont voulu accompagner les agriculteurs, certains ont eu envie de travailler pour les hôpitaux Cette solidarité va perdurer. Regardez comment, aujourd’hui, nous prenons la peine de demander aux inconnus que nous rencontrons comment ils vont, comment se passe leur confinement ! Nous avions perdu ces relations-là la fois simples et chaleureuses. Je suis convaincu que cette période nous a tous ramenés à un certain nombre de fondamentaux. On est tous d’accord pour dire que le »faire société« a été défaillant ces dernières années. Cette crise peut sans doute ramener un peu plus de solidarité dans une société plus ouverte ».
Ecrit le 10 juin 2020
Pas pour les apprentis
Édouard Philippe a annoncé le 4 mai devant le sénat le versement d’une aide de 200 € dès la mi-juin pour soutenir les étudiants et les jeunes précaires de moins de 25 ans en grande difficulté face à la crise sanitaire liée à l’épidémie du Coronavirus.
Cette aide ponctuelle sera versée en une fois et devrait concerner environ 800 000 jeunes, étudiants, boursiers ou non boursiers, ayant perdu leur travail (Ã partir de 32h par mois, soit 8h par semaine) ou leur stage gratifié, bénéficiaires des allocations-logement (APL) et les étudiants d’outre-mer, isolés en métropole, qui n’ont pu rentrer chez eux en raison de la crise sanitaire.
Les apprentis et les étudiants en chômage partiel ne sont donc pas concernés.