Ecrit le 16 avril 2014.
Au Moyen-Age, les établissement charitables, ou comme on disait souvent alors « les lieux pitoyables » (voir lettre du roi Charles V en septembre 1394), existaient en grand nombre, tant dans les campagnes que dans les villes. Ils se divisaient en deux catégories, d’un côté les maisons hospitalières proprement dites, et de l’autre les léproseries (1)
Les maisons hospitalières (qu’on appelait aussi : aumôneries) recueillaient les malades, les pèlerins, les passants et les indigents. Le terme « maison hospitalière » (ou hospital) était peu usité, on parlait plutôt de « Domus Dei » ce qui, de nos jours, donne « Hôtel-Dieu ».
La lèpre, par l’horreur qu’exprimaient ses manifestations extérieures, et par le danger de contagion, conduisait à enfermer les lépreux (qu’on appelait encore ladre, mesel ou mesiaux), dans des léproseries (maladerie, mesellerie).
Les « lieux pitoyables » n’étaient autre chose que des établissements agricoles, grevés d’une servitude charitable. Seules la grande salle des pauvres, et la chapelle, rappelaient qu’on avait affaire à une maison religieuse.
Derval 1770
A Derval, la Maison de Charité a été l’œuvre posthume de Mme Lemaistre de la Garrelaye et réalisée par son unique héritier, le Comte de la Bourdonnaye. Celui-ci exécuta ses volontés : faire un établissement pour les pauvres de la paroisse de Derval et de sa trêve de Lusanger. Le 5 janvier 1770, le Comte de la Bourdonnaye signe une promesse d’achat de la Maison de Bellevue, dans le bourg de Derval, avec Julien de la Haye Jousselin. Il faudra quatre années de démarches administratives pour que le dossier aboutisse. Le 23 décembre 1773, les lettres patentes du roi Louis XVI sont enregistrées au Parlement de Bretagne. Il y est écrit en substance : que les soeurs (soeurs de la charité de Plérin) auront pour dessein de visiter les pauvres, de fournir des remèdes aux malades et la subsistance, de tenir les petites écoles pour y instruire les jeunes filles dans la religion et leur
apprendre les différents travaux auxquels elles sont propres. Les religieuses prennent possession de la Maison de Bellevue le 9 septembre 1774.
Les religieuses assurent 19 années de présence dans cette maison mais, en 1793, elles refusent de prêter le serment qu’on exigeait d’elles. Elles sont expulsées pour cause d’incivisme. La maison de Bellevue est vendue comme bien national au sieur Gaignard, procureur fiscal de Pierric, et sert de résidence aux Gens d’Armes et aux Soldats de la République jusqu’en 1796 , date où les Chouans viennent l’incendier. En 1811, M. chérel, percepteur du canton de Derval, en fait l’acquisition. (c’est de nos jours, le gîte rural de M. et Mme Habay).
La chapelle St Michel
A la mort de Claude chérel en juin 1841, puis de celle de son fils en juillet 1869, Mlle Emilie chérel se retrouve seule héritière de la maison de Bellevue ainsi que du manoir et des fermes du Grand Plessis que son père avaient achetés de M. césar Potiron de Boisfleury. En 1825, Mlle chérel habite Nantes mais vient passer ses vacances dans sa maison de la Kyrielle, en Mouais. Se pose à elle la question d’utiliser sa fortune. Elle pense d’abord à rebâtir l’église de Mouais mais elle ne peut s’entendre avec le curé. Alors, se souvenant que la maison de Bellevue avait été un hospice, elle envisage de la ressusciter en fondant, sur ses terres du Plessis , un hospice pour les malades, infirmes et vieillards indigents.
Une parcelle de terre lui semble être le lieu indiqué : la réalisation de la route de Châteaubriant puis de celle de St Vincent ont taillé cette parcelle en forme de triangle dont la pointe est à l’intersection des deux routes.
Le lieu est calme : il n’y a que peu de véhicules à circuler.
C’est dans cette pointe que Mlle chérel choisit de construire la chapelle dédiée à St Michel ; elle confie le projet à M. Traboulet, architecte de Nantes (les travaux durent un an, de 1877 à 1878) .
Puis elle fait bâtir l’Aumônerie dans le reste du terrain. En 1884 l’abbé Hamon, prêtre originaire de Derval, y habitera.
L’hospice St Michel
Les travaux de construction de l’hospice venaient tout juste de commencer lorsque Mlle chérel meurt à Nantes en avril 1887. Peu avant sa mort, elle avait fait un testament qu’elle avait déposé chez Me Boulay, le 17 mars 1887. Elle y instituait sa cousine, Giron de la Massuère, comme sa légataire universelle, à charge pour
elle d’achever l’hospice en respectant les plans et devis et en laissant la direction à l’architecte M. Traboulet, et d’en remettre la propriété à la commune de Derval, ainsi que les deux fermes du Plessis .
Elle précisait : « je veux que la commune de Derval consacre l’hôpital et les autres biens que je viens de léguer, à la fondation d’une maison de secours gratuits à donner aux malades, aux infirmes, aux vieillards reconnus comme indigents. Les biens contenus dans ce legs devront conserver leur destination à perpétuité et demeurer par suite inaliénables ». « La commission administrative se composera du maire, du curé et de cinq membres pris parmi les plus imposés. Ne seront admis à titre définitif que les indigents ayant dix ans de présence sur la commune. Ne pourront être admises les personnes atteintes d’épilepsie ou de mal vénérien, ainsi que les femmes en couches ». « La supérieure des Soeurs dirigera les soins de détail, réglera l’ordre de service. Elle remplira les fonctions d’économe. Elle en rendra compte au président. Un médecin sera attaché à l’hospice »
Ces dispositions testamentaires imposent des charges importantes pour la légataire. Son mari, Giron de la Massuère, n’acquiesce pas de bon cœur à ces dernières. C’est pourquoi il propose à la commune de convertir le legs en une rente de 2000 francs sur l’Etat, au profit de la commune, pour assurer des secours gratuits à domicile. Plusieurs conseillers municipaux auraient volontiers accueilli cette proposition, pensant en effet que cet hospice entraînerait de gros frais à la commune. Mais le maire, Louis de la Haye Jousselin, tient bon et réussit à convaincre ses collègues qu’une commune se doit d’accepter un don si généreux. L’offre de M. de la Massuère fest donc repoussé à l’unanimité par le Conseil.
L’acceptation du legs de Mlle chérel, par le conseil municipal a lieu le 8 mai 1887. Le 22 juillet le conseil nomme une commission pour surveiller les travaux. Le 11 décembre M. de la Massuère propose une nouvelle transaction portant sur une somme de 70 000 francs. Le conseil municipal la repousse aussitôt et la légataire n’a pas d’autre choix que d’exécuter les dispositions du testament.
L’année suivante, le 6 août, demande est faite à la préfecture de Nantes pour la création d’un hôpital à Derval. La préfecture propose alors d’aliéner les terres léguées à la commune et de constituer un capital placé en rente sur l’Etat. Le conseil municipal refuse ! Enfin l’autorisation de créer cet hôpital est accordée par décret du 23 février 1889, signé par le président de la République (Sadi Carnot).
Une commission administrative est constituée, elle décide de faire appel aux soeurs de St Gildas des Bois pour assurer le fonctionnement de la maison. L’ouverture de l’hospice a lieu le 12 janvier 1891. L’abbé Saulnier, curé de la paroisse , en bénit les lieux.
Mais le compte n’y est pas, il reste une dette à la charge de la commune. Avait-on sous-estimé le montant des travaux ? Le legs était-il insuffisant ? Un homme de cœur, M. Villlot, qui fait partie du Conseil d’Administration de l’hospice et dispose d’importants biens financiers, vient au secours de la commune. Le 16 mai 1896, il lègue une somme de 20 000 francs ainsi que les deux maisons qu’il avait fait construire précédemment : la gendarmerie et la maison du notaire. A sa mort, en avril 1898, l’hospice St Michel touche en définitive une somme de 60 123 francs, augmentant les propriétés foncières de l’établissement et apportant une aisance, non négligeable, à l’institution de secours aux indigents de la commune.
Une maison de gardien est construite à proximité. Il s’agissait d’une petite borderie, une étable logeant les vaches laitières. On y élève aussi des poules et des lapins ainsi qu’un cochon nourri avec les restes des repas. Avec le jardin potager, l’hospice assure une partie de sa subsistance. Les fermiers du ’’Plessis ’’ paient une partie de leur fermage en nature. Ils fournissent l’attelage et le matériel pour les travaux de l’hospice. Quelques résidents prêtent main-forte. Les fermiers ont aussi mission d’accueillir les sans-logis qu’ils logent dans le grenier à foin après leur avoir offert une soupe.
Un arrêté du 12 juillet 1983 transforme l’hospice St Michel en « maison de retraite autonome » (sous le nom de ’’Val d’Emilie’’). On a pu critiquer son emplacement, enserré par deux routes (au demeurant peu passantes le soir). Les résidents, eux, sont satisfaits de la maison, de la compétence et du dévouement du personnel, de la qualité de la restauration (faite sur place) et de l’animation. Les locaux nécessitent, de nos jours, une complète reconstruction.
La future maison de retraite
Le permis de construire a été accordé le 16 juillet 2012, sur un terrain se trouvant dans le prolongement du terrain actuel. La maison est prévue pour 82 résidents, 27 visiteurs et 35 membres du personnel.
Au sous-sol, il y aura : abri véhicules, chaufferie, locaux syndicaux, locaux de stockage, local de lavage des fauteuils roulants, vestiaires du personnel, etc.
Au rez de chaussée : hall d’entrée, ’’place du village’’ avec boutique et tisanerie, salon d’unité, salle à manger des familles, et divers locaux administratifs. C’est là aussi qu’il y aura trois espaces de vie de 13 ou 14 chambres chacun, une salle à manger, une salle d’animation, etc.
A l’étage il y aura aussi trois espaces de vie de 13-14 chambres chacun, organisés autour de cinq patios (quatre à l’air libre et un sous pergola). Chaque chambre fera environ 20 m2. Les patios seront particulièrement traités pour en limiter l’entretien tout en proposant des thématiques d’aménagement ludique pour les résidents, des espaces de stimulation olfactive ou visuelle et des parcours.
Le chauffage sera par plancher chauffant à circulation d’eau dans la ’’place du village’’ et avec des radiateurs à circulation d’eau pour le reste des bâtiments, en utilisant une chaudière à condensation alimentée en gaz naturel (la chaudière à bois et la pompe à chaleur ont été jugées non rentables).
Deux ascenseurs et trois escaliers feront la liaison entre le rez de chassée et l’étage. A l’extérieur, des fossés et une haie bocagère protégeront le site des nuisances sonores et visuelles de la route de Châteaubriant. Le choix a été fait de privilégier les vues depuis les chambres et les espaces de vie. Des espaces paysagers distincts seront mis en place dans le souci de définir des ambiances variables et de masquer les voies de circulation véhicules.
Les abords ouest et sud du bâtiment sont relativement plats et permettront de proposer aux résidents des placettes installées tout au long de parcours rythmés par des traversées boisées, des élargissements de sentiers accompagnés de bancs et aboutissant à un espace de rencontre marqué par des terrains de jeux de boules et un potager. De nombreux arbres seront plantés.
(1) source : léon Le Grand : comment composer l’histoire d’un établissement hospitalier.