Ecrit le 6 mai 2009
Payez la maison de vos enfants avec vos impôts
La crise ! c’est aussi la crise de l’immobilier. Comme le dit l’adage : ’’ quand le bâtiment va, tout va’’. Or le bâtiment ne va pas si bien que ça. Le nombre de transactions, les prix ont chuté ; les entreprises licencient, déposent le bilan. c’est pourquoi, la Droite qui nous gouverne a demandé à ceux qui ne connaissent pas les effets de la crise ( c’est à dire, pour l’essentiel, à ses amis ) d’aider le bâtiment. Ils en seront largement récompensés.
c’est ainsi qu’a été adoptée le 22/12/2008, la loi Scellier, du nom d’un député UMP, ancien directeur des Impôts ...
Cette loi résulte juste d’un petit amendement adopté le 22 décembre 2008, de la façon habituelle : peu de députés en séance, aucun vote solennel. Peut-être même que la grande majorité des députés ignorent son existence. En tout cas le dispositif Scellier, en tant qu’article de la loi de finances rectificative pour 2008, a été publié au Journal Officiel du 31 décembre.
Curieusement, ce texte semble passer inaperçu des critiques adressées au gouvernement. Et pourtant, il y a tant à dire comme vous allez le constater.
300 000 euros par an
Cette loi incite ceux qui le peuvent à investir dans des immeubles neufs jusqu’Ã 300 000 € maximum, chaque année. Leur récompense : une incroyable réduction d’impôt qui peut aller jusqu’Ã supprimer totalement l’impôt des heureux investisseurs. Ne faut-il pas, avec cette Droite, laisser la charge de l’impôt au peuple, par le biais des taxes indirectes comme la TVA ou les impôts locaux . Pour les riches un bouclier fiscal a été mis en place dès le couronnement de Sarko 1er, et maintenant, cette loi Scellier.
En fait, cette loi comporte deux possibilités. L’une dite Scellier normal ; l’autre dite Scellier social. Oui, vous avez bien lu, on veut faire dans le ’’social’’ mais quel social ! Nous n’avons pas les mêmes définitions, sans doute
Scellier normal
Le Scellier normal : il faut donc investir jusqu’Ã 300 000 € maximum dans de l’immobilier neuf situé dans les villes de plus de 50 000 habitants ou sur tout le littoral ; donner ensuite le logement en location à titre d’habitation principale pour le locataire pendant 9 ans. (le locataire peut être l’un de ses enfants !).
l’avantage : une réduction d’impôt égale à 25% de l’investissement, étalée sur 9 ans.
Exemple : M X âgé de 51 ans achète à La Baule un appartement payé 280 000 €. Il aura droit à une réduction de son impôt sur le revenu de 70 000€ (soit 25% de 280 000 ) étalée sur 9 ans soit 7777 € par an . A 60 ans, il prendra sa retraite et récupérera son appartement, bénéficiant d’un pied à terre sur la côte financé pour partie par la collectivité.
Cette opération peut être effectuée chaque année, c’est à dire qu’après avoir acquis un appartement pour 280 000 €, en 2009, lui réduisant son impôt de 7777€ pendant 9 ans, ce Monsieur peut récidiver en 2010 en achetant un autre appartement pour, par exemple, 290 000 €. Ce nouvel investissement, lui réduira son impôt de 8055 € par an pendant 9 ans. Ainsi son impôt sera réduit en 2010 et les années suivantes de 7777 + 8055 = 15832 €. Il faut, certes, avoir les moyens. Pour payer 15 000 € d’impôts, il faut qu’un couple sans enfants ait un revenu imposable de 86 500 €.
Ainsi pour réduire son impôt de 15832 € au moins, il faut avoir des revenus conséquents.. Pas mal, non ! Et pourtant ce n’est rien par rapport au Scellier ’’ social ’’.
Scellier « social »
Le Scellier social : ce sont les mêmes investissements dans les mêmes lieux. Mais en contrepartie d’une modération des loyers, la réduction d’impôts est portée à 37 % sur 15 ans tandis que les loyers seront soumis à l’impôt (quand même ! ) sous le bénéfice d’un abattement de 30%. Pour financer l’achat, inutile de déplacer ses capitaux rentables, un prêt locatif social sera accordé à l’heureux investisseur à hauteur de 50 % de l’investissement, à un taux ’’social’’ d’environ 3%. Le bénéfice de ce prêt aura pour conséquences de réduire le taux de TVA sur l’achat de 19,6% à 5,5 % et d’exonérer le bien acquis de taxe foncière pendant.15 ans !
Exemple : imaginons un appartement au cœur de Nantes, valant 290 000 € TTC (avec une TVA incluse à 19,6 %
Son prix sera réduit à 255 810 € (TVA incluse à 5,5 %) en Scellier social. De plus l’investisseur bénéficiera d’une réduction d’impôt globale sur 15 ans de 94 650€ (255810 x 37 % ) et ne paiera aucune taxe foncière pendant ces quinze années.
Ainsi, pour le même appartement dans le même immeuble :
– l’investisseur propriétaire occupant aura payé son achat 290 000 €,
– l’investisseur Scellier normal aura déboursé 217 500€ ( 290 000 - 25% ).
– l’heureux investisseur Scellier « social, » paiera, lui, 161 160€ (290 000 - TVA réduite - réduction d’impôt de 37 %), sans compter l’exonération de taxe foncière. Quel cadeau !
Pour faciliter la vie des investisseurs, les promoteurs se chargent de fournir des dossiers ’’clefs en main’’ avec prêt social obtenu.
Et n’allez pas croire que l’investissement Scellier « social » se réalise dans des logements sociaux à la périphérie des villes. Non ! l’investissement sera proposé dans des logements de standing. Seul désagrément : le locataire devra avoir des revenus modérés. mais pas trop quand même puique le revenu fiscal de référence à ne pas dépasser sera de 53258 € pour un couple de locataires avec 2 enfants.
Chance supplémentaire : Si l’impôt du contribuable (qui a investi selon la loi Scellier) est inférieur à la réduction d’impôt une année donnée, le solde pourra être reporté sur les impôts des 6 années suivantes.
Ca marche !
Alors le Scellier , ça marche ?
Oui ça marche très bien !
Presse:Océan du 24 avril titre ’’Petite embellie dans le neuf. Les ventes ont rebondi au premier trimestre 2009. Le début 2009, a, en effet, vu une nette reprise des ventes de logements neufs dans la métropole Nantes - Saint NazairePremière explication à ce rebond : la loi Scellier, qui a permis de multiplier par deux les ventes aux investisseurs’’
Pour répondre à la crise, fallait-il ne rien faire ? bien sûrque non. Mais faire des cadeaux de cette ampleur était-ce nécessaire, quand on refuse des miettes aux plus démunis ?
Loïc Durand
Mises en chantier
Les mises en chantier de logements ont fortement chuté au premier trimestre 2009. En tout, seules 58.321 unités ont été dénombrées, soit une baisse de 32,6% par rapport à la période comprise entre janvier et mars 2008.
Selon l’aFP, le nombre de permis de construire a également baissé de 19,1% pour les trois premiers mois de 2009 à 92.304 unités.
Des données qui s’expliquent, selon lui, par la diminution des crédits accordés aux particuliers pour les logements neufs et la remise en question de l’accession à la propriété par les ménages, qui craignent d’être frappés par la montée du chômage.