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Ecrit le 17 octobre 2020
Voici le texte du très beau spectacle donné à la Sablière le 17 octobre 2020 par le théâtre Messidor :
Entrer en Résistance
s’interroger sur l’entrée en Résistance en 1940, c’est suivre le parcours d’hommes et de femmes pris dans des événements qui les dépassent mais sur lesquels ils, elles veulent malgré tout avoir prise.
c’est partager leur volonté de ne pas renoncer et de ne pas céder à l’adversité quand la défaite est présentée comme définitive,
c’est prendre conscience du courage nécessaire pour s’engager dans une voie forcément risquée et à l’issue incertaine,
c’est aussi comprendre les difficultés de l’engagement, les interrogations, les hésitations ou les inquiétudes de celles et de ceux qui franchiront le pas ultérieurement, faute d’avoir osé ou pu le faire plus tôt,
c’est enfin rendre hommage à ces pionniers, du Général dissident au paysan insoumis, en passant par la militante antifasciste ou le patriote nationaliste, qui paieront souvent de leur vie le fait d’avoir défendu plus tôt que leurs compagnons de lutte et d" espérance, la liberté et l’honneur de la France.
Douce France - Charles Trenet
Il revient à ma mémoire
Des souvenirs familiers
Je revois ma blouse noire
Lorsque j’étais écolier
Sur le chemin de l’école
Je chantais à pleine voix
Des romances sans paroles
Vieilles chansons d’autrefois
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t’ai gardée dans mon cœur !
Mon village au clocher aux maisons sages
où les enfants de mon âge
Ont partagé mon bonheur
Oui, je t’aime
Et je te donn’ ce poème
Oui, je t’aime
Dans la joie ou la douleur.
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t’ai gardée dans mon cœur.
Mai 1940 : Le 10 mai, l’allemagne attaque la France, en une fulgurante offensive, en contournant l’inutile ligne Maginot.
L’ennemi arrive par le Nord, occupant Les Pays Bas, la Belgique et le Luxembourg.
La Wehrmacht attaque en même temps dans les Ardennes.
Une grande partie des soldats français et anglais sont pris comme dans un étau.
Vers la mi-mai, les troupes françaises et britanniques qui font retraite depuis le Nord de la France et la Belgique se replient sur Dunkerque.
Les Allemands lancent attaque sur attaque, les troupes alliées doivent se réfugier sur les plages y construisant des hôpitaux de fortune.
Environ 860 navires assureront l’aller-retour pour l’angleterre évacuant environ 350.000 hommes.
L’exode est en marche. Des Belges, des Parisiens, de Normands arrivent à Châteaubriant. Bicyclettes, charrettes à bras, charrettes attelées, poussettes, brouettes et quelques rares automobiles. Tous véhiculent la terreur : « Nous avons perdu la guerre ».
10 juin 1940 : Le gouvernement quitte Paris, déclarée le lendemain « Ville ouverte ».
16 juin 1940 : Le Maréchal pétain devenu président du Conseil, demande l’armistice. Le 17, il lance son fameux appel : « c’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat... ». Il s’en remet à l’adversaire pour « ...trouver les moyens de mettre un terme aux hostilités ».
Pour beaucoup de Français c’est la consternation !
Jean Guéhénno, dans son journal des années noires écrit ce jour là : « Voilà c’est fini ! Un vieil homme qui n’a même plus la voix d’un homme, mais qui parle comme une vieille femme, nous a signifié à midi trente que cette nuit, il avait demandé la paix. Je ne croirai jamais que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais qu’il ne sont pas, non plus faits, pour la servitude. »
l’armistice est signé le 22 juin. Pourtant, des Français refusent de jeter l’éponge. En juillet 1940, le général Delestraint invite ses compagnons à rejeter « toute mentalité de chien battu ou d’esclave ». De premiers appels à reprendre le combat paraissent : tracts d’Edmond Michelet à Brive, des Amis d’Alain Fournier à Paris, Max-Pol Fouchet colle des papillons sur les murs d’Alger, Jean Texier rédige ses « Conseils à l’occupé ». Les tout premiers sabotages se produisent, à Rouen le 20 juin.
Le 17 juin 1940, les troupes allemandes envahissent Chartres. Jean Moulin, alors jeune préfet d’Eure et Loir est convoqué par les officiers de la Wehrmacht qui lui demandent de signer un document officiel déclarant les troupes sénégalaises responsables d’atrocités sur des civils, en fait commises par l’aviation italienne. Torturé pendant des heures, il s’oppose et refuse de signer. Pour ne pas parler, il tente de mettre fin à ses jours en se tranchant la gorge. Il sera révoqué par Vichy le 2 novembre 1940.
Ces actes spontanés, isolés, fraient le chemin du refus de l’occupant et font naître ce qu’on appellera plus tard la Résistance.
Le jour viendra - Jean-Roger Caussimon
Eh, l’ami ! Prête-moi main forte
A deux, poussons la lourde porte
Sortons de l’abri de ciment
C’est la nuit, nous sommes de garde
Et tristement, toi tu regardes
Briller la lune au firmament
Ami, ne désespère pas
Le jour viendra, le jour viendra
C’est défendu mais en cachette
Allumons au creux de nos mains une cigarette
On a peur que le temps s’arrête
Il n’en est rien et nous aurons des lendemains de fête
Quand nous irons le long du fleuve
Cueillir l’orange et le citron
Nous oublierons
Nos nuits d’épreuve
Nous oublierons les nuits de guerre
où l’on croyait
Que plus jamais ne reviendrait
Une aube claire
Ami, ne désespère pas
Le jour viendra, le jour viendra
Ami, ne désespère pas
Le ciel de chaque nuit sera douce lumière
Le ciel de chaque jour éblouissante clarté
Quand nous aurons la liberté
De vivre en paix sur cette Terre !
Le jour viendra, le jour viendra
Voici le soleil qui se lève
Et les copains de la relève
Qui viennent à nous en chantant
Frères, la nuit fut calme et belle
Mais nous l’avons crue éternelle
Et chantions pour passer le temps
Ami, ne désespère pas
Le jour viendra, le jour viendra
Ami, ne désespère pas
Le ciel de chaque nuit sera douce lumière
Le ciel de chaque jour éblouissante clarté
Quand nous aurons la liberté
De vivre en paix sur cette Terre
Le jour, le jour, le jour viendra
Ami, ne désespère pas
Le jour, le jour, le jour viendra
Ami, ne désespère pas
Le jour, le jour, le jour viendra
Le Général de Gaulle s’envole vers Londres le 17 juin à 9 heures du matin dès la constitution du gouvernement pétain. Le 18 juin à 20 h 30, Churchill lui tend le micro de la BBC. c’est son premier appel : « Quoi qu’il arrive, la flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ». Il appelle les militaires stationnés en Grande-Bretagne ou dans l’Empire à se rallier à lui.
Le PCF s’adresse aux couches populaires qu’il veut mettre en mouvement. La veille de l’appel de Londres, le 17 juin, Charles Tillon depuis Bordeaux a publié un appel à combattre le fascisme qu’il signe « Parti communiste Français ». Au lendemain de l’entrée des Allemands dans Paris, des élus communistes réapparaissent au grand jour, et semblent chercher à s’installer dans une semi-légalité. L’objectif est de renouer des contacts avec la population. La police française sévit. Et certains se retrouveront internés administratifs à Châteaubriant ou dans d’autres camps ou prisons. L’occupant, qui considère le PCF comme un danger majeur, exerce une surveillance étroite.
l’appel dit du « 10 juillet », signé Jacques Duclos et Maurice Thorez, répond à un besoin urgent : combattre l’émiettement, éclairer les militants et la population sur la conjoncture nouvelle. La clé de l’appel est la volonté d’indépendance nationale, et pour atteindre cet objectif, le rassemblement du peuple autour de la classe ouvrière : « Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves. » Reproduit parfois par bribes, recopié à la main, il est distribué dans tout le pays, à partir de la deuxième quinzaine de juillet.
Le 19 juin, Nantes, déclarée ville ouverte par les autorités locales, tombe aux mains des Allemands. L’une de leurs priorités est de regrouper les nombreux soldats français, britanniques et belges présents en ville et aux alentours. Le 19 au soir, ils sont déjà 2 500 dans les casernes Cambronne et Richemont. Pourvoir au ravitaillement n’est pas le souci des nouveaux maîtres. Le 28 juin, Paul Birien vient se rendre compte de la situation. Il est atterré et alerte immédiatement léon Jost, le président du Comité d’entente des anciens combattants qui a déjà l’expérience de l’accueil des nombreux réfugiés arrivés à Nantes. Le bureau du Comité réuni le 30 juin apprend par Alexandre Fourny que plus de 35 000 prisonniers sont entassés dans plusieurs camps à Châteaubriant, dans le dénuement le plus complet.
Le Comité décide d’agir et crée un « Comité d’entraide » reconnu par les autorités.
Sous couvert de ce Comité d’entraide, dans l’ombre se développe à partir d’août 1940, un réseau d’évasion dirigé par Auguste Bouvron qui fournit faux papiers, cartes de rationnement, un peu d’argent et des vêtements civils. Un réseau de passeurs se met en place avec des cheminots, le socialiste Marin Poirier à Nantes, le communiste Jean Le Gouhir à Châteaubriant. Au total, 2 248 prisonniers de guerre français ont profité de cette filière. Mais les Allemands veillent et portent le coup fatal, le 15 janvier 1941, faisant irruption au siège de la rue Saint-léonard à Nantes. Arrestations, interrogatoires, procès, condamnations, prison. Marin Poirier, condamné à mort sera le premier fusillé nantais le 30 août 1941. Lorsque Hitler donne l’ordre de fusiller des otages, après que trois Résistants communistes ont abattu le Feldkommandant Hotz en octobre 1941, cinq anciens combattants seront désignés et fusillés au Bêle le 22 octobre 1941.
Je trahirai demain
Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn, « Je trahirai demain », 1943.
L’affiche rouge - léo FERRE
Vous n´avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l´orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n´éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L´affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu´Ã prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l´heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c´est alors que l´un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d´hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d´avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s´abattant.
« Le point de départ du recrutement pour la Résistance a souvent été la rencontre de quelques vieux amis qui ont décidé de se revoir désormais régulièrement pour » faire quelque chose ". c’est le cas du groupe Bocq-Adam qui se crée à l’initiative du garagiste Henri Adam et d’un lieutenant démobilisé, Paul Bocq. Roger Astic les rejoint. Ensemble, ils ne se contentent pas de faire du renseignement, ils mènent aussi des actions de sabotage : incendie de camions, lancer de grenades au Foyer du soldat allemand.
Le 8 novembre 1940, une petite manifestation se déroule dans un quartier Latin en état de siège, pour la libération du professeur Paul Langevin, grand savant et porte-drapeau du combat antifasciste, qui vient d’être arrêté. c’est la première manifestation publique de la Résistance.
Le 11 novembre 1940 marque une étape. Vichy et l’occupant ont vite tenté de mettre au pas l’Université. Les réactions sont immédiates : papillons, tracts glissés dans les livres des bibliothèques, lancers de tracts par les étudiants communistes dans les amphis de la Sorbonne. Par petits groupes, étudiants et lycéens montent vers l’Étoile. Combien ? De trois à dix mille, en chantant « La Marseillaise » ou en scandant des slogans. La répression est sévère. Les blessés sont nombreux.
Claude Lalet, jeune étudiant communiste, à l’initiative du mouvement, sera interné et fusillé ici dans la Sablière, parmi les 27 otages de Châteaubriant.
A Nantes aussi, des jeunes expriment leur refus de la défaite. Un étudiant, Michel Dabat, 19 ans, et un jeune lycéen, Christian de Mondragon, 16 ans, s’illustrent dans la nuit du 10 au 11novembre. Leur but : hisser le drapeau tricolore sur une tour de la cathédrale. L’opération soigneusement préparée est une réussite : le 11 au matin, les passants et les fidèles qui viennent à la messe découvrent l’exploit et savourent le spectacle en attendant les pompiers et leur grande échelle.
De même à Châteaubriant, dans cette même nuit du 10 novembre 40, les anciens combattants, Joseph Hervé, Etienne Martin, Louis Ganache, Marcel Letertre (père) et Maurice Lassoudière placent un drapeau tricolore au Monument aux morts.
Ce jour là , ils cassent le petit doigt du Poilu de pierre. Leur geste fait plaisir aux Castelbriantais et stupéfie les nazis. « Ils ont osé ».
Bravant l’interdiction, un groupe d’élèves du Lycée Clemenceau a appelé à ne pas se rendre en cours ce lundi 11 novembre. Plusieurs dizaines se rassemblent au Jardin des Plantes, puis déposent une gerbe au pied du Monument aux morts dans la cour d’honneur du lycée, avant de se diriger vers le Monument aux morts de 14 -18 puis de défiler en ville.
Cette première manifestation publique à Nantes a encouragé certains jeunes à préparer la suite. Un petit groupe se rend chez l’un d’eux à la Morrhonnière où ils sont présentés à Marcel Hévin. Le groupe Hévin aide des personnes à se rendre en Angleterre, collecte des renseignements transmis à Londres. En lien avec le groupe Bocq-Adam, ils rédigent et diffusent, à partir de novembre 1940, un bulletin clandestin intitulé « En Captivité », créé par des étudiants catholiques de gauche parmi lesquels Frédéric Creusé, Jean Grolleau et Jean-Pierre Glou.
Élargir le cercle de proche en proche prend du temps, mais aboutit à la constitution de petits groupes locaux plus ou moins en relation entre eux, ce qui comporte des risques, notamment d’infiltrations policières. Ainsi le groupe Hévin est en relation avec Henry Vandernotte et Hubert Caldecott pour l’évasion de soldats anglais, mais également avec le réseau Nemrod créé par Honoré d’Estienne d’Orves et animé de Chantenay par André Clément. Trahi par son radio A.Gaessler, d’Estienne d’Orves et les membres du réseau sont arrêtés. d’Estienne d’Orves et deux autres membres seront fusillés le 29 août 1941 au Mont Valérien. Le démantèlement du réseau Nemrod est une catastrophe : les Allemands remontent la filière.
Marcel Hévin est arrêté le 25 avril 1941, puis Michel Dabat, Frédéric Creusé, Christian de Mondragon et son amie Suzanne Le Lostec. Bientôt c’est le tour de Philippe Labrousse, de Max Veper et enfin de Jean Grolleau, Jean-Pierre Glou et son père. La plupart seront au nombre des otages fusillés le 22 octobre 1941 à Nantes, au champ de tir du Bêle ou au Mont Valérien près de Paris.
Maintenant on appelle cela « La Résistance », mais à l’époque nous n’avions pas conscience de faire partie d’un mouvement national confie un ancien Résistant.
Le mot « Résistance » lui-même n’était pas employé, on parlait plutôt d’OPPOSITION A L’OCCUPANT. L’occupant, luin parlait de terrorisme.
Ballade de celui qui chanta dans les supplices - Louis Aragon
Et s’il était à refaire
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains
On dit que dans sa cellule
Deux hommes cette nuit-lÃ
Lui murmuraient "Capitule
De cette vie, es-tu las ?
Tu peux vivre, tu peux vivre
Tu peux vivre comme nous
Dis le mot qui te délivre
Et tu peux vivre à genoux"
Et s’il était à refaire
Je referais ce chemin
La voix qui monte des fers
Parle pour les lendemains
Rien qu’un mot la porte cède
S’ouvre et tu sors.. Rien qu’un mot
Le bourreau se dépossède
sésame Finis tes maux
Rien qu’un mot rien qu’un mensonge
Pour transformer ton destin
Songe songe songe songe
A la douceur des matins
Et si c’était à refaire
Je referais ce chemin
La voix qui monte des fers
Parle aux hommes de demain.
J’ai tout dit ce qu’on peut dire
L’exemple du Roi Henri
Un cheval pour mon empire
Une messe pour Paris
Rien à faire, alors qu’ils partent
Sur lui retombe son sang
C’était son unique carte
périsse cet innocent
Et si c’était à refaire
Referait-il ce chemin
La voix qui monte des fers
Dit je le ferai demain
Je meurs et France demeure
Mon amour et mon refus
O mes amis si je meurs
Vous saurez pour quoi ce fut
Ils sont venus pour le prendre
Ils parlent en allemand
L’un traduit : Veux-tu te rendre
Il répète calmement
Et si c’était à refaire
Je referais ce chemin
Sous vos coups chargés de fers
Que chantent les lendemains
Il chantait lui sous les balles
Des mots « sanglant est levé »
D’une seconde rafale
Il a fallu l’achever
Une autre chanson française
A ses lèvres est montée
Finissant la Marseillaise
Pour toute l’humanité
Aragon
Quels ont été leurs actes de Résistance ?
Quels ont été leurs actes de Résistance ? La plupart ont emporté le secret avec eux, avec elles. Mais avant même qu’on parle de réseaux, il y a eu une Résistance première, spontanée, populaire, précoce, comme dit Louis Mexandeau, venant des « gens du peuple », ouvriers, paysans, commerçants, employés.
Leur simple résistance morale, leur attitude face à l’occupant ont aidé à la prise de conscience de leurs voisins et concitoyens qui ne supportaient pas la présence allemande et qui ont commencé à se réjouir dès les premiers bombardements et revers de l’ennemi.
« c’est bien fait pour eux » disaient les gens sous le manteau. Pour l’avoir dit tout haut, Berthe BINESSE, femme de ménage à Châteaubriant, est arrêtée. Elle mourra en déportation.
Soeur d’espérance
Texte : Paul Eluard (1948) : Musique : Hélène Martin
Soeurs d’espérance ô femmes courageuses
Contre la mort vous avez fait un pacte
Celui d’unir les vertus de l’amour
O mes soeurs survivantes
Vous jouez votre vie
Pour que la vie triomphe
Le jour est proche ô mes soeurs de grandeur
où nous rirons des mots guerre et misère
Rien ne tiendra de ce qui fut douleur
Chaque visage aura droit aux caresses.
Divisée en zone d’occupation et en zone libre, la France est démantelée.
Sa souveraineté est quasiment nulle. L’état de siège, les humiliations quotidiennes, les restrictions de liberté, les difficultés de déplacement et les contrôles permanents, la peur de dénonciation, les listes d’otages potentiels réquisitionnés chaque jour. Les pillages de l’armée allemande, le manque de produits de première nécessité, de nourriture, d’essence
Tout cela contribue à réveiller des Français traumatisés par la défaite. Sortant peu à peu des illusions suscitées par l’armistice de pétain, certaines et certains refusent ces conditions insupportables et entrent en Résistance.
Ce cœur qui haïssait la guerre
Ce cœur qui haïssait la guerre
voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées,
à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle
et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent,
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne,
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs
battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit.
Robert Desnos, 1943 (paru dans L’Honneur des poètes)
FIN
Le monde d’après
Dimanche 18 octobre, l’évocation théâtrale a fait revenir l’esprit d’Esther Gaudin, cette jeune fille de 15 ans venue de Nantes, en train, en 1941, pour récupérer les planches où les otages de la Sablière avaient écrit leurs dernières pensées.
Auprès d’une jeune fille de 2020, cet esprit s’est enquis : « le monde a -t-il enfin compris ? - Compris quoi ? - que nous sommes une grande famille, qu’il ne peut, qu’il ne doit y avoir aucune discrimination d’origine, de sexe, de religion, que les opinions doivent être libres, que la liberté de pensée est précieuse, la laïcité, la démocratie, le débat, la justice sociale, que nous nous devons d’accueillir les réfugiés des justes causes comme nous l’avons fait pendant la guerre d’Espagne. Mais il n’y a plus de réfugiés, j’imagine ... - Heu si, si, il y en a encore : Le racisme a disparu ? - c’est compliqué - Au moins chacun mange à sa faim ? Les enfants du monde entier vont à l’école ? s’accomplissent ? Jouent ? Partent en vacances ? Voyagent ? - oui, oui, presque tous, presque tous : qu’est-ce que vous attendez alors ? »