Accueil > Châteaubriant > Histoire autour de Châteaubriant > Chouans > Fils de chouans au pays de Châteaubriant
Ecrit le 19 mai 2021
La Mée vous invite à suivre le récit détaillé de l’aventure d’une bande de jeunes réfractaires de la région, au cours des années 1831-1834, qui ont voulu reprendre le combat de leurs pères pendant la Révolution. Cette histoire, présentée par René Bourrigaud, se déroule en plusieurs épisodes.
Résumé du 1er épisode
En 1831, au début de la monarchie de Juillet, de jeunes réfractaires relancent la chouannerie dans la région. Par leurs actions qui s’apparentent à du brigandage, ils cherchent à instaurer la peur dans les campagnes.
Deuxième épisode
3-4 juin 1832, dans les bourgs de
Juigné et des communes voisines
début juin 1832, les chefs légitimistes jugent le moment venu de déclencher une
insurrection générale pour renverser le gouvernement de Louis-Philippe et restaurer leur monarchie « de droit divin », la seule qu’ils jugent légitime, en plaçant sur le trône le jeune duc de Bordeaux, qu’ils appellent déjà Henri V. Ils espèrent répéter le soulèvement de mars 1793 qui n’était pas si éloigné, avec quelques acteurs toujours vivants que l’on va voir réapparaître. Mais les temps ont changé et les enjeux ne sont plus les mêmes.
Leurs pères s’étaient soulevés pour défendre leurs traditions religieuses qui étaient réellement menacées. Les fils se lancent dans une aventure malheureuse qui va mal se terminer.
Puisque le mot d’ordre de soulèvement a été lancé, il faut bien s’y préparer coûte que coûte. Ce qui veut dire recruter des « volontaires » et rassembler des armes. Les hommes de la forêt vivent à l’écart de la société et sont les plus réfractaires, dans tous les sens du terme. Jean Poulain, un bûcheron natif d’Erbray, est de ceux-là . Grâce à son caractère entier et volontiers brutal, il va devenir le leader d’une bande aux contours assez mouvants.
Le 3 juin 1832, vers deux heures de l’après-midi, en compagnie de Colin, il débarque chez René Pichard, laboureur dans le bourg de Juigné. Comme ce dernier a 43 ans, ils ne cherchent pas à l’enrôler, mais ils veulent réquisitionner ses armes car Poulain savait qu’il avait deux fusils et quatre pistolets : sans doute un reste de la période troublée de la Révolution, car ce ne sont pas les outils classiques d’un laboureur pacifique. s’il refuse de les donner, Poulain promet de lui passer sa baïonnette à travers le corps.
Pichard leur explique qu’il a vendu l’un de ses fusils depuis longtemps. Rudoyé, et déjà délesté de ses deux pistolets, il accepterait de céder son second fusil à condition que ce soit à un habitant de Juigné et contre décharge délivrée par l’un de leurs chefs. Jouant sur les mots, l’un des chouans lui déclare ironiquement que la décharge était au bout de son fusil.
Plusieurs autres témoignages nous renseignent sur la manière dont les armes sont trouvées. Étienne Jeannot, un propriétaire exploitant de 39 ans dans le bourg de Juigné, est lui aussi contraint par la force de donner son fusil. Il était caché sous le lit, mais la cache est trop classique et deux hommes que nous reverrons, Bouin et Cadot, le retrouvent facilement.
Louise Martin, née Emeriau, est une cultivatrice de 33 ans, dans le bourg de Juigné. En l’absence de son mari, elle a refusé de donner son fusil à Poulain qui s’est emporté en proférant des menaces qui, dans sa bouche, vont devenir habituelles : Nous repasserons et nous lui abattrons la tête de dessus les épaules.
Un autre témoignage est celui de Louis Colin qu’on vient de citer, un laboureur âgé de 30 ans, qui travaille chez la veuve Coué, à Chanteloup, un hameau en lisière de la forêt. Poulain et Lecoq étaient venus le trouver et l’avaient entraîné, plus ou moins contre son gré. Celui-ci les accompagne et est donc témoin de la scène précédente chez Pichard. Pendant la nuit du 3 au 4 juin, il les suit encore dans différents villages pour recruter.
Ainsi vont se trouver enrôlés : bon gré, mal gré : Julien Poirier, et Julien Maçon du village de la Teillais, François Bricard, et Jean Jannot du bourg de Juigné ; Franchet, domestique chez Echelard, laboureur à l’Auberdière, commune de St Julien de Vouvantes ; Gabriel Dersoir, de St Brée ; les frères Gaudin ; Tardif et Maigret du village des Mortiers ; le jeune de la Briais... La bande ratisse ce qu’elle peut trouver non seulement sur Juigné, qui paraît être le point de départ, mais aussi sur St-Julien, la Chapelle-Glain, St-Sulpice-des-Landes et Le Pin.
A l’aube, il se forme un premier regroupement dans le bourg de la Chapelle-Glain. Deux heures plus tard, après avoir croisé Huet et Belliaud, ils sont conduits au village d’Auvais, situé à l’écart des routes, entre le Petit et le Grand-Auverné, où ils se retrouvent environ une centaine. c’est là que le vétéran de la grande chouannerie, le fameux Jean Terrien, dit cœur de Lion, les inspecte et relève leurs noms, comme s’il s’agissait d’un recrutement dans une armée organisée. Lui aussi a certainement des comptes à rendre au comité insurrectionnel. Les plus anciens des réfractaires donnent volontiers des conseils aux nouveaux venus et leur indiquent que maintenant qu’ils sont en nombre, il va falloir s’attaquer à la troupe pour remettre Henri V sur le trône.
8 juillet 1832, dans plusieurs villages de Juigné-des-Moutiers
Un bon mois plus tard, le 8 juillet, les chouans mènent une opération punitive dans une série de villages de cette petite commune isolée, aux confins de la Loire-Inférieure et du Maine-et-Loire. Vers 9 heures du soir, dans le village de Teillais : un village pratiquement enclavé dans la forêt de Juigné : ils s’en prennent à François Houssais, qui n’a pas une bonne réputation chez les villageois. On comprend vite pour quelles raisons : cet homme de 26 ans, né à Châteaubriant, est un soldat de métier, affecté au 4e régiment de ligne, qui a pris un congé d’un an. Pour bien profiter de ce congé, il s’est réfugié à la campagne, en lisière de forêt, et vit en concubinage avec « la fille Coudrain ».
Selon le témoignage d’une voisine, Marie Esnault, fileuse de 39 ans, cette dernière s’est mise crier « à la force », puis ce fut le tour de Houssais. Marie Esnault se serait bien déplacée pour aller voir de plus près ce qui se passait, mais son mari l’en dissuade en affirmant que c’était leur habitude de se disputer. Jeanne Lairy, une autre voisine, est encore plus sévère à l’égard de François Houssais qui est souvent ivre et soupçonné de plusieurs vols. Elle a entendu dire que les chouans étaient venus lui donner une leçon, ainsi qu’Ã la « fille Liaud », surnommée Casserouettes, qui vit en concubinage avec un autre célibataire du village : sans doute mieux intégré car les témoins ne donnent pas son nom.
En tout cas, face à quatre hommes armés de bâtons et de fusils, François Houssais ne peut résister. Il est roué de coups et gravement blessé. Conduit à l’hospice de Châteaubriant, il est examiné par le docteur Gautron. Celui-ci relève des contusions sur différentes parties du corps, faites avec un instrument contondant « tel qu’un bâton ». Blessures qui paraissent, selon le docteur, devoir occasionner une incapacité de travail personnel pendant environ six jours. Pour un soldat en congé, ce n’est pas la catastrophe et le but des assaillants semble tout autre : semer la peur en montrant qu’ils sont forts et peuvent châtier un soldat de métier qui mène une vie dissolue.
La vie de Jean Terrien est bien évoquée par Pierre péan dans son ouvrage paru en 1987
Prochain épisode :
Comment les fils de chouans traitent-ils les jeunes femmes domestiques ?