Ecrit le 12 octobre 2011
Pierre Fertil naït à Moisdon la Rivière le 10 février 1923 où son père était boulanger avant de partir pour Locronan. Pendant la guerre, lycéen à Poitiers, en classe préparatoire Normale Sup’, il fabrique des faux papiers. Il est râflé en Bretagne à Plonévez Porzay suite au sabotage d’un câble de la Kriegsmarine. Le 28 juillet 1944 il fait partie d’un convoi vers Neuengamme et est affecté au Kommando de Bremen-Blumenthal. Celui-ci est évacué en avril 1945 devant l’arrivée des Alliés. De la gare de Bremenwörde jusqu’à Sandbostel, où se trouve un mouroir, les déportés, exténués, doivent faire la route à pieds. Pierre Fertil survivra : il est libéré le 14 mai 1945.
Le mouroir
« Sandhostel : une sinistre mare d’eau noirâtre sur laquelle flottent des cadavres. C’est cette eau que boivent les déportés. Autour de la mare, des baraques sans porte ni fenêtre, et dans chaque baraque, 800 déportés à même le sol. Un épais tapis aux mouvements reptiliens dans les excréments et les immondices. Les cas de cannibalisme sont fréquents. Il y a 300 morts par jour. Partout des monceaux de cadavres, certains soigneusement alignés ; Et de temps en temps, une main qui bouge, un oeil sans regard qui s’ouvre. »
« Et là j’ai rencontré René Favennec, un prisonnier de guerre volontaire pour une corvée dans le camp. Il était de Brest. Il m’a assuré qu’il allait revenir vêtu de deux uniformes. Il a tenu parole. Je me suis habillé en uniforme de PG (prisonnier de guerre) après avoir quitté mes habits rayés. Je sais que je risque ma vie. Les SS sont toujours là . Ils tirent sur les PG qui s’approchent du camp. prévenu du départ de la corvée des PG, je me suis mêlé au groupe et je suis passé devant le contrôle SS et Schupo, ma carte de PG à la main, le pouce sur la photo qui n’est pas la mienne, avec un sourire et le cœur battant la chamade. Voilà mon évasion. J’ai été choyé par les PG. »
« Le camp est délivré le 29 avril 1945, j’ai assisté à l’arrivée des tanks anglais. Je serrais dans ma main la croix métallique faite pendant mon travail en usine (le sabotage, c’était la pendaison). On peut lire sur cette croix : Maman, cette maman qui m’a donné la force nécessaire pour survivre. L’idée de faire souffir ma mère en disparaissant m’était insuppportable (...). »
« C’est un miracle que je sois encore en vie (...). J’ai vu périr des milliers de camarades après d’atroces souffrances. Aussi je sors de là avec un optimisme que rien ne pourra ébranler » (lettre de Pierre Fertil, au moment de sa libération).
Les cauchemars du déporté
Mais oublie-t-on ? Devenu médecin-anesthésiste, Pierre Fertil reste meurtri, silencieux et discret. « Durant des dizaines d’années, mes nuits ne furent que cauchemars » avoue-t-il. Alors il dessine, visages sans vie, convois sans voix, trains sa fin. Puis il détruit ses dessins jusqu’Ã ce jour où, au retour d’un rassemblement d’anciens de Neuengamme, un autre déporté, Pierre Billaux, lui demande de les conserver. Les archives départementales du Calvados en possèdent une centaine.
« Chacun d’eux montre ce dont tous les déportés avaient été témoins, et souvent aussi victimes : la violence et les coups de nos bourreaux, leur sadisme, la volonté de nous déshumaniser et de nous humilier » écrit Simone Veil, rescapée d’Auschwitz-Birkenau. « A tous ceux qui sont morts d’épuisement, de faim, du typhus, s’ajoute le long cortège de ceux qui ont été pendus, battus à mort, exécutés au cours de longues marches ou pendant le travail ».
Exposition
Pierre Fertil a fait cadeau de quatre dessins au Musée de la Résistance à Châteaubriant. Deux dessins représentent :
– neuf hommes au poteau d’exécution face à neuf soldats allemands casqués,
– cinq hommes fusillés et allongés dans un camion près des poteaux d’exécution.
Les deux autres dessins s’inspirent de la déportation de l’artiste à Neuengamme et montrent notamment des hommes déportés dans un wagon. L’un est allongé, les autres sont agenouillés ou debout, selon une alternance effectuée pour soulager leurs souffrances.
Les originaux seront visibles jusqu’Ã la fin de l’année 2012 à la Sablière dans le cadre de la nouvelle exposition : résister dans les camps nazis.
Sources :
http://memoiredeguerre.pagesperso-orange.fr/