Ecrit le 13 août 2014
4 août 1944
Aujourd’hui, en feuilletant ton livre d’histoire de France,Cher petit écolier, si studieux que tu sois,Pour cette date, ne trouveras aucune référenceCar il ne s’agit pas de la naissance d’un roi.Soixante-dix ans ont passé, demande à grand-père,Lui se souviendra bien et te raconteraCes quatre années si noires de chagrin et de guerre.Que c’est loin et pourtant comme on ne l’oublie pas.Châteaubriant vois-tu, ville assez rustiqueEst devenue célèbre pour des faits importants,ses camps de prisonniers et d’otages politiquesoù vingt-sept tombèrent sous les fusils allemands.Réfractaires et tous ceux morts en déportation,F.F.I, F.T.P, membres de tous les maquis,de Saffré et d’ailleurs, tous unis dans l’action,Anonymes, jeunes et vieux, ils traquaient l’ennemi.Puis à l’Est et à l’Ouest les Alliés triomphèrent,Sur les plages normandes vint le débarquement,Ce fut affreux, terrible, mais les hordes reculèrent,Les G.I’s en deux mois furent au département.Quand les chars pénétrèrent dans la ville assoupie,Mitrailleuses et canons dans quelques tirs tendus,Firent hélas des dégâts et fauchèrent quelques vies.Nous étions LIBRES enfin, la ville était en liesse,Et nos libérateurs acclamés défilaient en convois.Vivent les Américains ! répétions-nous sans cesse,Chewing-gum, cigarettes, criions-nous à pleine voix.Je venais d’avoir quatorze ans et ma vie basculait.Mon avenir naissait, j’abandonnais l’enfance.Des rêves de bonheur sans cesse m’étourdissaient.Je chantais comme tout le monde : ’’ça sent si bon la France’’.Voici donc le récit de ce jour du mois d’août.Vous les garçons et les filles qui êtes si jeunes encore,Gravez ce souvenir, qu’il reste toujours en vousCar c’est pour une France Libre que nos héros sont morts.
Signé : Paul Chazé
Photo (Châteaubriant, très peu de temps après la Libération)
Collection Michel Charron
Paul Chazé : « les souvenirs de ce 4 août 1944 restent pratiquement intacts, avec une joie indescriptible (quand même ternie par plusieurs morts dont ce soldat américain carbonisé dans son char, rue Alsace Lorraine). C’est là hélas toute l’horreur des guerres ».
Emile Letertre
Emile Letertre : « je me souviens du plus beau cadeau de mes 20 ans : la liberté après quatre ans d’oppression et de peur. Dans la rue Aristide Briant, noire de monde, c’était une effervescence joyeuse, la joie jusqu’à la folie. Les gens s’embrassaient dans l’exaltation de la libération, non sans penser aux familles qui étaient toujours dans la détresse, espérant le retour d’un prisonnier ou d’un déporté. Avec un groupe de jeunes, nous avons investi la Kommandantur pour voir s’il restait des Allemands cachés dans les caves. C’est là , dans les papiers ouverts sur le bureau, que j’ai vu la liste des prochaines personnes à arrêter et à fusiller. J’en faisais partie ... ».
Andrée Gaborit
Andrée Gaborit : " Venus de Nantes, à pieds, (50 km !) nous nous sommes réfugiés chez ma belle-mère à St Vincent des Landes, dans un hameau proche de la ligne de chemin de fer. Je me souviens du bombardement du train de munitions d’Issé, le 27 juin 1944, nous travaillions à l’époque dans une ferme à Treffieux, à un kilomètre au-dessus de la gare d’Issé, les chevaux étaient affolés, il a fallu dételer.
Le 4 août 1944, le grondement des voitures des libérateurs nous a réveillés vers 4 h du matin. Mon beau-frère dansait dans la cour, fou de joie. Dans l’après-midi, un convoi américain est passé sur la route de Treffieux. Il s’est arrêté dans un champ de pommes de terre. [Le fermier n’a pas dû faire une belle récolte]. Un soldat noir, très fatigué, s’est couché dans les patates. Un camion américain qui reculait, l’a écrasé. Je me souviens que le curé ne voulait pas faire une cérémonie religieuse pour lui car, disait-il, il ne savait pas de quelle religion il était ! "
Julien Bretonnière
J.Bretonnière : On n’y croyait plus et pourtant « ils » ont débarqué en Normandie. De chez nous, à Derval, on entend le bruit des canons Deux mois plus tard, la nuit du 3 au 4 août, un vacarme laisse présager quelque chose d’important : « ils » sont arrivés ! Qui ça ? Les Américains ! Nous découvrons d’autres uniformes, des soldats affables à l’allure décontractée. Nos libérateurs ont un « goût » de démocratie. l’après-midi de ce jour-là , pas question de travailler, pourtant la moisson attend ! Nous nous retrouvons au bourg pour fêter l’événement. Les cafés sont archi-pleins. Je me souviens du défilé des prisonniers allemands dans le bourg, contrôlé par notre médecin, le docteur Capel.
A Lusanger, les Américains sont accueillis avec enthousiasme. Vers 9 h un défilé est organisé et des gerbes sont déposées au Monument aux Morts et au cimetière, sur la tombe des deux aviateurs canadiens tombés à la Butte de l’Epine. Mais en même temps, un camion d’Allemands vient de Sion-les-Mines, traînant un canon anti-char, cherchant vraisemblablement à percer en direction de Treffieux. Immédiatement, trois tanks américains partent se placer dans les champs au lieu-dit ’’Les Gaubretières’’. Le camion allemand arrive au bourg de Lusanger au moment où le défilé sort du cimetière. Les jeunes, qui voient des Américains partout, commencent à jeter des fleurs quand, tout à coup, les occupants du camion mettent en joue le défilé avec leurs mitraillettes. Et tout le monde de s’égailler dans les champs environnants. Aucun coup de feu ne part, les Allemands poursuivent leur route après avoir ainsi rappelé qu’ils sont encore là .
Lorsque le camion allemand arrive en vue du premier tank, la route est encombrée : une charrette de gerbes et un troupeau de vaches entrent à la ferme. Gêné, le tank américain ne tire pas, mais le deuxième, placé plus bas de la côte, crève les pneus du camion allemand qui, désemparé, va s’échouer un peu plus bas près des maisons des Gaubretières. Les Allemands se mettent en tirailleurs dans le fossé et ripostent. Mais ils ne peuvent tenir devant la puissance de feu des Américains et ceux qui peuvent encore se traîner s’enfuient vers le bois voisin. résultat : neuf Allemands tués et deux blessés.
Les blessés sont transportés à Nozay par un véhicule de la laiterie de Derval requis pour la circonstance. A cette date, Nozay n’est pas encore libérée. Le lundi 7 août, dans la soirée, arrive à Nozay de la troupe allemande avec tanks et artillerie. La ville est cernée, deux otages sont pris. Mais les blessés allemands sauvent la situation en disant qu’ils ont été blessés, non par des francs-tireurs à Nozay, mais par des troupes de l’armée américaine à 15 km de là . Ils se louent des soins et des égards qu’on a eus pour eux. Le 12 août, les Américains libèrent Nozay.