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Ecrit le 4 novembre 2015
Sablière, 25 octobre 2015 : encore beaucoup de monde ! Les plus anciens sont venus s’asseoir sur le terrain au tout début de l’après-midi, les plus jeunes et les porte-drapeau sont partis du théâtre de Verre ou du rond-point Fernand Grenier. La batterie-fanfare de Châteaubriant, majoritairement composée de musiciens âgés, est à la peine. La cérémonie officielle traîne en longueur quand on annonce le dépôt de gerbe de telle ou telle personnalité.
Et puis voici les discours officiels où les orateurs, dont certains viennent à la Sablière pour la première fois, redisent et répètent le déroulé des événements du 22 octobre 1941. A croire que, eux, ils les découvrent tandis que les personnes présentes ont le sentiment de redites inutiles et sans relief.
A noter quand même que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT a déclaré « Ce passé est notre fierté. Ici c’est une page glorieuse de l’histoire du mouvement ouvrier, un repère pour notre action militante ». Il a parlé aussi du droit d’asile, de l’accueil des réfugiés « Ouvrons les portes en grand, luttons contre le racisme, y compris dans les entreprises et régularisons tous les sans-papiers »
C’est enfin le spectacle « L’avenir est ouvert », efficace, avec des acteurs bien coordonnés et des chants partagés comme ce « Nuit et Brouillard » qui prend encore plus de force ainsi. En finale, une chanson de Alien Milk Coffee magistralement interprétée par Coline Rio.
chanson de Alien Milk Coffee
Cette chanson n’est pas un clash ! C’est un appel à la conscience et au retour à l’esprit hip-hop. En voici les paroles écrites en écho à ce que disait le sociologue Pierre Bourdieu : « Tant qu’on brûlera des voitures, on enverra des flics. Il nous faut un mouvement social, qui peut-être brûlera des voitures, mais avec un objectif... »
Parce qu’ils veulent faire de moi un soldat
au compte chèque solvable
Je vous le dis, je suis condamné à l’échec
Parce que le monde qu’ils nous proposent m’indispose
Je le répète, je suis condamné à l’échec
Parce que les études de lettres et de philo, ça paye pas
Ils m’ont dit : « Petit mec t’es condamné à l’Éssec ! »
Condamné ! Faut accepter les « lois du marché »
c’est « marche ou crève »
quand les diplômes deviennent les flèches de l’archer
Si réussir c’est un salaire, un pavillon sous hypothèque
Permettez-moi d’être condamné à l’échec
Ils disent que les jeunes du ghetto veulent leur part du gâteau
Incitent à se lever tôt, mais c’est quoi ce veto ?
Cette injonction à être cool, rentrer dans le moule
Enlever sa cagoule, enfiler ses pantoufles
s’asseoir dans son canapé, allumer sa télé
Puis mater, lobotomisé, leurs clips « sacemisés »
Ça, c’est miser sur notre consentement et notre consensus
Quand la révolte appelle à faire de l’oseille, c’est un terminus
On ne pourra pas nous exhorter d’aduler le Medef
Au Canal Saint-Martin, y a des anciens cadres SDF
Voilà l’envers du décor, ce système est à refaire
L’humain n’est rien, les trophées ne reviennent qu’au profit
Alors, bien sûr, faut se prendre en main !
Évidement ne rien attendre de ce système
qui te considère comme un chien
Qui te fait rapporter l’bâton sous forme d’un maximum de lucre
S’il est bien docile, le toutou, il aura son su-sucre
Mais je ne suis ni une carte de visite, ni un CV
Pas de métier valorisant, j’suis qu’intérim et CDD
Avant, j’aimais leurs ballades, maintenant, elles me narguent
Elles me font constater que je n’ai pas de cordes à l’arc
Car je ne sais pas chanter, pas rapper, pas slamer,
pas scénariser
Pas designer, moi je passe pas à la télé !
Laissez-moi être fatigué, être inadapté
Laissez-moi être un problème
pour ceux qui veulent me soumettre
Me soumettre à devenir complice
Me soumettre à devenir servile
Je veux pas brûler des voitures,
je veux en construire et puis en vendre
Mais les voitures ne sont que des bibelots
de notre consommation
Qui ne méritent aucun égard dans la révolte de nos chansons !
Je ne suis pas déçu, en ce système j’ai jamais espéré
Pour nos parents tombés dans le panneau,
je ne peux être que navré
où est mon HH rebelle qui fumait du hasch ?
Maintenant le rap prend les allures d’un sermon de DRH
Il nous encourage à faire carrière et gagner des sous
De boire toutes ces conneries fait mal au crâne,
vite faut qu’on dessoûle
Sans déclarer la guerre, il a vaincu nos rhétoriques
Le capital est dans nos têtes et nous fait l’amour torride
Leur système à la con nous prépare à la compète
Ils vous parlent de réussite, je vous parle de conquête
Je n’accepterai jamais les règles qu’ils ont fabriquées
Je n’accepte que les rêves que mon cœur veut abriter.
Et l’an prochain ?
Les vacances scolaires entrent en concurrence avec la cérémonie de la Sablière, limitant ainsi la participation des enfants et même de certains militants qui ont la garde de leurs petits-enfants. On pourrait donc déplacer d’une semaine la date de la commémoration L’idée fait son chemin.
Que sera-t-il fait pour le 75e anniversaire ? On parle d’un grand orchestre. Mais si c’est le cas, il prendra toute la place sur le podium et il n’y aura plus d’espace pour un spectacle théâtral joué par les comédiens amateurs de la région. Ce serait bien dommage
Exposition à la Sablière
Louis Tardivel, Lycéen, Résistant, se souvient : « Tous les soirs nous écoutions la radio BBC à partir de 20h15, l’oreille collée au poste à cause des brouillages, et à partir de 21h, radio-Moscou, émission en langue française. Nous étions cinq personnes avec en plus des voisins du village qui n’avaient pas la radio, dans la cuisine, portes fermées et fenêtres closes. Pour nous l’écoute de la radio clandestine était capitale, car elle nous parlait vrai, sans mensonge, elle nous apportait des informations objectives sur la guerre et nous donnait de l’espoir ». Photo : Louis Tardivel pose (aux côtés de Gilles Bontemps) devant le panneau « Résister par la radio » qui, en bas, comporte sa photo et son témoignage.
« A l’heure de la BBC, il n’y a plus que les chiens dans les rues. Les Français sont à l’écoute » (Dessin de Maurice Van Moppès, 1940)
Se souvenir
L’association des familles de déportés de la région de Fercé s’est réunie en assemblée générale le 15 octobre 2015 rappelant qu’Ã la commémoration précédente il y avait une cinquantaine de personnes. « L’engagement dans le réseau BUCKMASTER OSCAR des Résistants locaux a été évoqué et Ieur nom cité au pied de la stèle commémorative. Le souvenir de la déportation reste présent dans l’esprit et le cœur des familles, d’autant plus que certaines se rendent sur les Iieux mêmes où ont souffert - et souvent péri - Ieurs proches. Se souvenir est un devoir, en tirer des leçons est une obligation pour qui veut garder sa lucidité dans les temps présents »