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Ecrit le 20 avril 2016
La Bretagne de tous temps a été convoitée. Au XIIe siècle, elle l’est simultanément par les Capétiens et les Plantagenêts. En 1155, Henri II de Plantagenêt, Roi d’Angleterre, marié à Aliénor d’Aquitaine, eut l’occasion d’apporter son aide à Conan IV de Bretagne et conquit la Bretagne. Il fiança son fils à Constance, héritière du Duché de Bretagne. Henri II administra lui-même le Duché.
Capétiens : Les Capétiens sont une dynastie princière d’origine franque qui commence avec Hugues Capet (939-996), Roi des Francs, et qui règne notamment sur la France avec sa branche directe de 987 à 1328.
Plantagenêt : Plantagenêt est d’abord le surnom personnel de Geoffroy V, comte d’Anjou et du Maine (1128-1151). Par la suite, il a été attribué rétrospectivement à tous ses descendants par les mâles (lignée agnatique).
Arthur 1er, petit-fils de Henri II, né à Nantes, fut élevé sous la protection du Roi de France, Philippe-Auguste. Mais Jean-sans-Terre, rival d’Arthur au trône d’Angleterre, le fit assassiner (en 1203). Philippe-Auguste profita de la situation en unissant, en 1213, Pierre de Dreux, un de ses petits cousins, à Alix, demi-soeur d’Arthur, héritière de Bretagne, âgée de 12 ans : pendant la minorité d’Alix, le gouvernement du Duché fut entre les mains du Roi de France Philippe-Auguste.
Pierre de Dreux sur un vitrail de la cathédrale de Chartres.Il était destiné à la prêtrise mais il préférait le métier des armes d’où son surnom de Mauclerc (mauvais clerc)
C’est à Philippe-Auguste que remonterait, pour les Ducs de Bretagne, l’obligation de faire ’’l’hommage-lige’’ au Roi de France. Il fut rendu par les Ducs Arthur 1er, Pierre de Dreux, Jean 1er le Roux, Jean II qui furent tous des soutiens inconditionnels de la politique du Roi de France et participèrent aux Croisades et actions militaires. Ce renforcement des liens entre le Duché et le Royaume permit au Roi de France d’exercer une profonde influence sur la Bretagne. Aussi, lorsque Jean IV disparut, en 1341, sans héritier direct, la Bretagne devint un fief incontesté du royaume de France. Sa succession remit tout en question.
Vers la Guerre de Cent Ans
Deux prétendants se disputaient la succession : Jean de Montfort, demi-frère du Duc défunt, soutenu par Edouard III d’Angleterre, et la nièce de Jean III, Jeanne de Penthièvre, épouse de Charles de Blois,
neveu du Roi de France, Philippe VI de Valois. La rivalité de ces deux familles plongea la Bretagne dans cette guerre qui débutait entre la France et l’Angleterre : la guerre de Cent Ans.
Le parti des Penthièvre tirait sa force de l’adhésion des grands vassaux, des gens d’Eglise, tous plus ou moins sous l’influence française. En revanche, celui des Montfort comprenait la petite noblesse et une grande partie de la Basse-Bretagne.
Jeanne de Flandre, épouse de Jean de Montfort, prit une part active dans cette guerre, notamment après que celui-ci fut fait prisonnier à Nantes. La guerre, où s’affrontaient Anglais et Français, prit l’étrange allure d’un conflit entre les « deux Jeanne », Jeanne de Penthièvre et Jeanne de Flandre. Celle-ci se réfugia en la forteresse d’Hennebont, avec son fils Jean, où elle bénéficia du secours des Anglais : Edouard III lui envoya des corps expéditionnaires puis intervint en personne en octobre 1342. Jean de Montfort trouva la mort peu après. Son fils Jean fut élevé en Angleterre avec l’espoir de lui voir prendre le titre ducal.
Combat de la Roche-Derrien
La nuit du 18 juin 1347, les Anglais attaquèrent traîtreusement les Bretons du parti de Charles de Blois. Ce fut une véritable hécatombe dans laquelle périrent une grande partie des seigneurs des Marches de Bretagne. Guillaume de Saint-André, dans son livre Histoire de Jean IV, en livre une description en des vers pittoresques (extraits)
" A la Roche-Derrien en Tréguier,
où mourut maint bon chevalier,
() Ce fut la nuit à la chandelle ;
La bataille y fut moult belle ;
Je nommerai les principaux
Qui là souffrirent tant de maux ,
Que morts, ils churent en la place
De coups de hache ou de masse :
Premier, le sire de Laval,
Rohan , Montfort , Rougé , Derval ,
Le sire de Châteaubriant ,
LÃ moururent en un moment.
Moult fut grande l’occision
Et maint un conduits en prison.... "
Bonabes de Derval
Charles de Blois, prisonnier, fut conduit en Angleterre. La Bretagne ayant perdu une grande partie de ses élites, est devenue la proie des Anglais. Parmi les seigneurs tombés au combat, Geoffroy de Castel-Brient et Jean de Derval, seul le nom de Derval perdurera en ces temps décisifs grâce à Bonabes de Rougé (fils de Agnès de Rougé, épouse de Guillaume de Rougé) qui devint seigneur de Derval-Rougé avec obligation de porter le nom de Derval, plus illustre et qui devait être relevé.
En 1348 Bonabes de Derval est l’un des neuf chevaliers que la Comtesse de Penthièvre envoie en Angleterre pour négocier la rançon de son époux Charles de Blois. Cette négociation ne put aboutir à la libération du vaincu de la Roche-Derrien. A son retour en Bretagne, Bonabes de Derval passa au service du Roi de France, Jean le Bon. En 1352 il fut nommé Gouverneur du Pays de la Mée et du Redonnais. En novembre 1352, il fut de nouveau chargé par Jeanne de Penthièvre de suivre la négociation concernant Charles de Blois, toujours prisonnier à Londres.
Devenu chambellan et conseiller du Roi de France (Jean le Bon), Bonabes de Derval se trouva à la bataille de Poitiers le 19 septembre 1356 où il fut fait prisonnier par le Prince Noir et conduit en Angleterre avec Jean le Bon. Edouard III, Roi d’Angleterre, exigea une énorme rançon que les bourgeois de France n’étaient pas en mesure de payer. Bonabes de Derval fut alors envoyé en France pour aplanir les difficultés qui s’opposaient à une conclusion de paix. C’est alors que Jean le Bon, inventa une nouvelle monnaie : le Franc-Or qui, se substituant à la précédente, annulait les dettes des possédants. [Le Franc-Or a connu bien des péripéties au fil du temps, il est cependant demeuré jusqu’Ã ce que l’Union Européenne impose l’Euro].
Jean le Bon fut libéré à la suite du Traité de Brétigny (1360). Bientôt libéré à son tour, après avoir été retenu en otage, Bonabes de Derval revint en Bretagne, où la situation n’était toujours pas réglée vis à vis du Duché et malgré l’intervention de l’Eglise.
Après une période de paix relative, Bonabes de Derval reprit du service auprès de Charles de Blois. Mais, le 29 septembre 1364, Charles de Blois essuya une irrémédiable défaite à Auray et mourut au cours du combat. Le Traité de Guérande de 1365 reconnut officiellement Jean de Monfort comme Duc de Bretagne sous le nom de Jean IV.
Le traité de Guérande ramèna enfin la paix en Bretagne, épuisée après tant de combats. Mais la situation demeurait fragile, le Duché restant toujours un des enjeux du conflit qui opposait la France et l’Angleterre. En 1372, Jean IV rallia ouvertement le camp d’Edouard III d’Angleterre. Charles V, Roi de France, envoya contre lui une armée dirigée par Duguesclin, connétable de France, qui occupa le Duché et contraignit le duc Jean IV à prendre le chemin de l’exil. Et la guerre reprit dans le Duché breton.
Knolles, sieur de Derval
Dès qu’il fut consacré Duc de Bretagne, Jean IV prit une mesure douloureuse pour Bonabes de Derval : il le déposséda de ses seigneuries de Derval et Rougé, le punissant ainsi d’avoir servi « la mauvaise cause ». Il les donna à un Anglais, Robert Knolles, chef des troupes anglaises en Bretagne. Knolles s’empressa d’ériger le château de Derval en véritable forteresse.
Cependant Charles V, conciliant, accepta que, pour le Duché, le Duc prête l’hommage simple. Mais Jean IV, lié au Roi d’Angleterre accepta un traité d’alliance où il devait lui abandonner : châteaux, forteresses et tous les ports de mer de la Bretagne. Les Bretons ne virent pas d’un bon Å“il les Anglais débarquer en Bretagne et sollicitèrent l’intervention du Roi de France. Charles V, déjà en guerre contre Edouard III d’Angeterre, ne pouvant supporter de voir les troupes anglaises à ses frontières, confia alors à Duguesclin la mission de se saisir du Duché breton. Jean IV fut obligé de fuir. A son départ pour l’Angleterre, il confia le Duché à Robert Knolles.
Duguesclin fit en Bretagne (1373) une brillante campagne et bientôt seules résistèrent les places fortes de Brest et de Derval, toutes deux défendues par Robert Knolles. Le connétable accompagné de 400 gentilshommes, assiégea Derval, mais la place était solidement défendue. Finalement, le siège traînant en longueur, Knolles conclut un traité de capitulation éventuelle et, comme preuve de sa bonne foi, livra trois otages à Duguesclin.
Le délai imparti étant expiré, Knolles refusa d’exécuter le traité. Le Duc d’Anjou, Louis 1er, indigné et qui avait autorité sur le siège, donna l’ordre de faire décapiter les otages. Ce que voyant, Knolles fit dresser un échafaud à l’une des fenêtres de la tour du château et, par vengeance, fit décapiter quatre prisonniers qu’il détenait en tant que rançon. Aussitôt après ces exécutions, le pont du château fut abaissé, il en sortit 100 hommes animés de fureur qui fondirent sur Olivier V Duc de Clisson (également présent sur le siège ainsi que Bonabes de Derval).
Le Duc d’Anjou et le Connétable, voyant qu’ils n’auraient pas la place, levèrent le siège. Duguesclin obtient du Roi Charles V d’aller porter ses armes ailleurs que dans sa patrie bretonne. Knolles conserva le château de Derval sans doute jusqu’au second Traité de Guérande. Quant à Bonabes de Derval il mourut en 1377 avant d’avoir pu récupérer son château. Il fut enterré à l’abbaye de Melleray où ses pères avaient une fondation.
Jean IV, débarqua avec des troupes anglaises à Dinard le 3 août 1379 dans un climat d’allégresse et reprit le contrôle du Duché. Une lettre de Guy XII de Laval exprime la confiance que lui inspirèrent les premières déclarations du Duc et l’espoir de voir promptement la Bretagne purgée d’Anglais. Une trêve fut signée avec la France dès le 14 octobre. Les Anglais prirent quatre places fortes maritimes et dix châteaux, places fortes stratégiques, pour garantir la dette contractée par Jean IV pour cette reconquête de son duché. En avril 1380 les représentants des États, dont Guy XII de Laval au premier rang, inquiets de la présence anglaise envoyèrent une supplique au roi afin qu’il accorde son pardon au Duc et lui permette de conserver son héritage.
Après la mort d’Edouard III d’Angleterre (1377) et celle de Charles V Roi de France (1380), leurs successeurs furent contraints de trouver un compromis, ce fut le Traité de Guérande (1381). Jean IV prêta à nouveau serment pour la Bretagne devant le Roi de France, Charles VI, et lui promit son alliance. La Guerre de Cent ans prenait fin, du moins en Bretagne.
La Guerre de Cent Ans fut marquée par divers événements. A son accession au trône de France, le jeune Charles VI n’a que 12 ans. Il est surnommé ’’le bien aimé’’ puis ’’le fou’’ car la première manifestation de sa démence intervient dès 1392.
Le roi d’Angleterre, qui veut la couronne de France, bat les Français à Azincourt en 1415. Paris tombe aux mains des Bourguignons en mai 1418. Le traité de Troyes (21 mai 1420) partage la France en trois parties : les possessions anglaises, le domaine du Roi de France et le Duché de Bourgogne.
Charles VI meurt en 1422, Charles VII devient Roi de France (il a 19 ans) et les Anglais continuent à envahir la France. C’est là qu’intervient Jeanne d’Arc qui contribue à la libération d’Orléans (1429) mais échoue devant Paris (1430). Elle est livrée aux Anglais par Charles VII et brûlée vive le 30 mai 1431.
néanmoins, les spectaculaires exploits de la Pucelle ont porté un coup mortel à la fortune de l’Angleterre. Les Bourguignons font alliance avec la France, les Normands s’insurgent contre l’occupant anglais, celui-ci est chassé de Paris en 1436. Batailles, villes emportées par les uns ou les autres, on arrive au 17 juillet 1453 à la bataille de Castillon. Les Anglais sont chassés de France (dernière bataille de la guerre de Cent Ans).
La guerre de Cent Ans (1337-1453) est un tournant majeur dans l’histoire. véritable guerre européenne, elle est aussi la première véritable guerre totale touchant tous les aspects de la culture, de l’économie, de la politique, et la première guerre d’usure. Elle transforme les techniques militaires, les régimes politiques, les économies nationales. Xénophobie, patriotisme, déchaînement d’une violence inouïe, culture de la guerre : en un siècle se forgent les traits de l’Europe des Nations.