Ecrit le 1 mai 2019
774 communes nouvelles créées dont 239 en 2018. « C’est un vrai succès », s’est réjoui François Baroin, président de l’Association des Maires de France en ajoutant « Ce mouvement sans précédent se poursuit et devrait être un élément d’animation de la campagne des municipales avec une probable accélération après mars 2020 ».
Liberté et souplesse
Les élus expliquent avant tout ce succès par les bienfaits de la loi du 16 mars 2015. Le mot de souplesse revient dans toutes les bouches. « Cette loi fournit les outils pour ouvrir les possibles », lance Jean-Marc Vasse, maire de Terre-de-Caux « Il existe une très grande diversité de communes nouvelles, preuve de leur richesse ».
Maintien des services publics
A l’initiative d’un groupe citoyen, une trentaine d’élus se sont retrouvés le 24 avril à St Aubin des Châteaux pour écouter le témoignage de Jean-Yves Ploteau, maire de la commune nouvelle « Vallons de l’Erdre », qui s’est constituée le 1er janvier 2018 en fusionnant six petites communes : Bonnœuvre, Maumusson, Saint-Mars-la-Jaille, Saint-Sulpice-des-Landes, Vritz, et Freigné, ce qui donne en tout 6590 habitants, ce qui est peu.
La réflexion a commencé en 2014 et les premières réunions de maires et adjoints ont eu lieu en 2016, avec financement d’un cabinet d’études, autour de la question : avons-nous des points de convergence ? Le résultat a été positif, sauf pour la commune du Pin qui n’a pas souhaité poursuivre. La décision définitive a été prise en avril 2017 par les élus, la population en a été informée et six commissions de travail ont été mises en place notamment : proximité, patrimoine, finances,
Parmi les atouts d’une commune nouvelle, Jean-Yves Ploteau cite, en premier lieu, le maintien et le développement de services publics (ndlr : pourvu que ça dure !) et bien sûr la hausse de la capacité d’autofinancement (avec une dotation importante de l’État), la mise en place d’un groupement d’achat, la mutualisation des secrétaires de mairie, etc. Ce dernier point est important : le maire de Fercé explique par exemple que dans sa petite commune les bureaux sont fermés lors des vacances de l’unique secrétaire de mairie.
La création d’une commune nouvelle entraîne de nombreuses réflexions : quelle organisation du personnel, quelle gouvernance, comment assurer l’accueil, la culture, le suivi des questions sociales, des associations. Des difficultés sont à venir : la réduction drastique du nombre de conseillers municipaux à l’issue du renouvellement de mars 2020 ne va-t-il pas démobiliser les bonnes volontés de gens engagés dans leur commune ? La fusion des communes a créé quelques frictions.
« Dans une petite commune, le maire a un rôle considérable, il est à la fois le financier, le directeur des services, le responsable de l’aide sociale et, tout à coup, il faut lui demander de passer la main à du personnel intercommunal », Le regroupement des communes résulte d’une volonté des élus, il faut que ceux-ci acceptent de voir plus loin que le strict intérêt de leur commune. Comme dit le maire de St Aubin : « il faut penser une organisation territoriale qui réponde aux besoins de la population » et il cite l’aide que le restaurant scolaire de St Aubin apporte à celui de Ruffigné. « Cela ne nous apporte rien à nous, sinon le plaisir d’aider une commune voisine ».
- Château de Bourmont à Freigné Vallons de l’Erdre
[Ndlr : la commune de Vallons de l’Erdre s’est souciée d’accessibilité sur son site internet mais les compte-rendus des conseils municipaux sont en pdf-image ce qui empêche de les consulter avec un lecteur d’écran !]
Enthousiasme et échec
Constituer une commune nouvelle est une décision d’élus, mais un conseiller municipal d’Erbray insiste : « il faut intégrer la population le plus vite possible et notamment les associations », c’est sans doute ce qui a manqué dans l’expérience ratée de Hermine-en-Mée,
Tout est parti de deux maires, Sébastien Crossouard du Grand Auverné et Michel Moreau de La Meilleraye. Ils ont fait part de leur projet à la maire du Petit Auverné mais celle-ci n’en a rien dit à son Conseil et un jour le Conseil a dit Non. Ils ont fait part de leur projet au maire de Moisdon mais celui-ci a fait traîner les choses pendant 18 mois puis a dit non. La population du Grand Auverné a été régulièrement informée, celle de La Meilleraye ne l’a été que tardivement et, dans cette dernière commune, il n’y avait pas unanimité des élus. La réunion publique au Grand Auverné s’est bien passée, celle de La Meilleraye fut houleuse : les gens voulaient un referendum, ce que la loi ne permet pas. Les démissions successives de con-seillers municipaux ont conduit à de nouvelles élections municipales, l’élection a joué comme un référendum, la liste sortante n’est pas passée, la nouvelle équipe a mis fin au projet de commune nouvelle.
« Nous étions enthousiastes, nous avons fait beaucoup de travail et de réunions, et finalement ce fut un échec » disent les deux maires qui, au-delà de l’amertume compréhensible, ont plutôt une attitude positive, « j’en garde un bon souvenir ». « le rassemblement de communes est inéluctable ».
Alors, une question : faudra-t-il en parler lors des campagnes des municipales de 2020 ? Les avis sont partagés. En parler sans doute, l’inscrire dans un programme pas forcément. Voir aussi si la population pourrait être associée par référendum. Rendez-vous dans un an.
Ruralité : quatorze recommandations
La mission « flash » de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale consacrée à « l’équilibre entre les territoires urbains et ruraux » a rendu ses conclusions. Au menu, une quinzaine de recommandations, visant notamment à « mieux répartir les infrastructures, les richesses et les services publics sur le territoire ». A lire ici : voir le site ruralflash
Les inquiétudes exprimées par de nombreux citoyens devant le creusement de la « fracture territoriale » appellent une nouvelle ambition pour la politique d’aménagement. Une doctrine ambitieuse doit reposer sur une « appréciation volontariste de l’espace français considéré comme richesse, mais aussi comme devoir » disent-ils. « Le sentiment d’abandon qui s’élève est confirmé par un nombre croissant d’études, révélant une aggravation des déséquilibres territoriaux l’effet d’entraînement des métropoles sur les territoires environnants, présumé par la législation récente, n’est pas systématique et se serait même atténué à partir des années 2000 . Autrement dit, la théorie dite du « ruissellement » apparaît inopérante »
« 22 % des emplois sont concentrés dans la seule aire urbaine de Paris, et 24 % dans les douze plus grandes aires urbaines de province. Ceci nous conduit à nous interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à une croissance plus harmonieuse de notre pays ».
« Les emplois publics jouent un rôle essentiel d’amortisseur pour certains espaces éloignés des métropoles ».
Un nouvel état d’esprit constitue un préalable indispensable pour « construire des complémentarités coopératives, en lieu et place de la guerre de tous contre chacun qui prévaut aujourd’hui ».
« Des infrastructures entretenues, une formation adéquate, la poursuite du déploiement du très haut débit et la préparation des nouvelles mobilités, sont autant d’investissements indispensables pour faire fructifier les potentialités et richesses de nos territoires, pour parvenir à un meilleur équilibre entre eux et établir in fine une vraie justice territoriale ».