Ecrit le 10 juillet 2019
Abbaretz : un cône domine le paysage, c’est le plus haut sommet du Département, offrant une vaste vue panoramique. Des touristes y viennent chaque année comme d’autres vont à Paris voir la Tour Eiffel. Sur les pentes abruptes, des clubs proposent activités sportives, BMX, trail, vélo, équitation. Mais aussi randonnées, promenades, course d’orientation, pique-nique. Un atout touristique évident pour la région.
Le gisement de cassitérite de la région d’Abbaretz (44) a fait l’objet d’exploitations très anciennes, dès l’époque gallo-romaine. Mais c’est au début du 20e siècle que d’importants travaux de recherche ont été menés par la société nantaise des Minerais de l’Ouest (SNMO). L’exploitation principale a été réalisée à ciel ouvert sur le site du Bois Vert à l’ouest du bourg d’Abbaretz de 1952 à 1957. La mine à ciel ouvert a atteint des profondeurs allant de 40 à 70 m. Mais la chute du cours de l’étain a précipité la fermeture de la mine d’où ont été extraites 3 750 tonnes de minerai. Quarante ans plus tard, le 27 janvier 1997, la société nantaise des Minerais de l’Ouest a déposé un dossier de renonciation à la concession. La société a été dissoute le 11 mars 2004, suite au décès de son dernier actionnaire, et l’Etat a hérité de la concession devenue orpheline. Il reste un filon de cassitérite à Abbaretz mais l’exploitation n’en est pas rentable.
Lors de l’exploitation du minerai, les matériaux extraits à la pelle mécanique étaient transportés par bandes transporteuses soit au nord de la route départementale directement lorsqu’il s’agissait de roche de découverte ou de minerai trop pauvre en étain (stériles), soit dans l’usine de traitement du minerai. Dans l’usine, le minerai était concassé et broyé pour récupérer l’étain. Une fois ce dernier récupéré, les résidus de traitement étaient envoyés dans des grandes aires de décantation au nord de la route départementale.
Cette activité a généré les terrils du Bois Vert visibles aujourd’hui : le terril conique composé de stériles d’exploitation (matériaux plus ou moins grossiers, moins chargés en métaux) et les terrils tabulaires en forme de plateaux composés de résidus de traitement (matériaux plus fins de type sable, plus chargés en métaux).
Responsable du site, l’État a mandaté le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) pour savoir si le site d’Abbaretz peut présenter des risques pour ceux qui le fréquentent. Le BRGM a donc étudié trois aspects :
le drainage minier acide,
le risque de mouvement de terrain,
la qualité des sols.
Drainage minier acide (DMA)
Le minerai extrait contenait naturellement des minéraux sulfurés. Ces minéraux, une fois déposés à l’air libre et soumis aux événements pluvieux, s’oxydent et libèrent les métaux qu’ils contiennent, comme le fer, l’arsenic, le manganèse ou le cobalt.
Ils sont à l’origine des eaux rouges acides et chargées en métaux (dont fer et arsenic) visibles sur le site aujourd’hui. Actuellement ces eaux se déversent dans le milieu naturel. L’Etat a chargé le BRGM de mettre en place un système de traitement de ces eaux dans un bassin situé au nord du site.
Glissements de terrain
Le terril conique (point culminant) représente peu de dangers, le phénomène de glissement de terrain étant relativement lent. En revanche, la présence de talus raides et de ravines profondes représente un risque de chute pour les utilisateurs.
Concernant les terrils tabulaires, des signes d’instabilité de grande ampleur ont été observés après le gros orage du 11 juin 2018. De fortes ravines très instables se sont formées emportant les matériaux de part et d’autre de ces dernières.
Les secteurs les plus à risques ont fait l’objet d’un balisage d’interdiction. Il n’est pas exclu que de nouvelles zones subissent le même type de désordres sans prévenir. Cette stabilité ne pourra s’améliorer qu’au fil du temps et par la reprise de végétation sur le site.
Poussières
Les usages sportifs répétés et croissants sur le site génèrent des poussières et un risque d’exposition des usagers plus élevé. En effet, l’étude du BRGM conclut à une concentration relativement importante en métaux dans les sols (arsenic notamment). Le rapport indique qu’en dehors d’une promenade le long du chemin de randonnée et sur la montée au belvédère du terril conique, les autres usages ne sont pas compatibles avec le site.
De plus, à proximité, l’eau de deux puits est déconseillée. Les personnes concernées ont immédiatement été informées.
Dans l’attente d’études plus poussées, l’État a fait application du « principe de précaution ». Le site a failli être fermé mais, finalement, l’activité « promenade » sur le chemin est autorisée de même que l’accès au sommet du cône. Des grillages sont installés le long du chemin, pour clôturer les accès aux zones incompatibles avec l’usage de « promenade » et des panneaux d’interdiction d’accès aux zones incompatibles vont être réalisés prochainement. La pratique du trail, vélo, VTT, BMX, équitation ou tout autre véhicule avec ou sans moteur est interdite sur tout le site. Un plan de gestion complémentaire va être élaboré par l’Etat d’ici fin 2019 pour identifier les travaux nécessaires à réaliser pour assurer sur le long terme la compatibilité de l’usage de « promenade » avec les risques présents sur le site.
- En rouge : zone interdite
Réunion publique
Une réunion publique a eu lieu le 4 juillet à Abbaretz, menée par le Sous-Préfet et le Maire d’Abbaretz. Salle pleine, réunion animée mais polie. Les utilisateurs BMX, équitation et autres ne comprennent pas l’interdiction et relativisent le risque potentiel. Ils comparent : « le tabac fait 73 000 morts en France par an et l’État n’interdit pas la vente. Ici nul n’a constaté une augmentation des maladies et/ou de la mortalité ». - « L’étude du BRGM s’appuie sur une fréquentation du site de 99 joiurs par an pour les enfants et de 137 jours pour les adultes.C’est excessif. Si je ne peux emmener mes enfants sur le site, je les emmènerai se promener à Nantes, l’air y est sûrement moins pollué » - « Ici les grenouilles se portent très bien, la faune aussi, les riverains n’ont pas une espérance de vie en diminution, ne faites-vous pas cette information pour nous faire peur ? Votre principe de précaution n’est-il pas disproportionné ? » - « Quand le grand vent emporte des poussières vers la commune, vais-je devoir porter un masque ? »
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Arsenic
L’arsenic est l’un des composés les plus toxiques que l’on puisse trouver. Malgré leur toxicité, des composés inorganiques d’arsenic sont présents naturellement en petite quantité sur terre, en particulier sur le site de la mine d’Abbaretz.
L’exposition à l’arsenic inorganique peut provoquer différents effets, comme une irritation de l’estomac et des intestins, une diminution de la production des globules blancs et rouges, un problème de peau, et une irritation des poumons.