Ecrit le 24 avril 2019
c’est malheureusement l’effroyable incendie survenu dans la soirée du 15 avril 2019 à Notre-Dame de Paris qui a inspiré cette chronique !
Le mot feu, issu du latin focus (foyer domestique où demeurent les dieux lares et les pénates (1) dans l’antiquité romaine) a remplacé le mot ignis dans la langue populaire au Xe siècle.
Sous l’ancien régime un feu était une unité fiscale utilisée pour l’imposition.
Les mots fusil (d’abord briquet puis arme à feu), focal et fuel (fuel-oil= huile combustible) font partie de sa famille ainsi que fouace (du latin focacius panis= pain cuit sous la cendre).
Le mot feu entre dans de très nombreuses expressions dont nous ne retiendrons ici que quelques-unes :
Un feu de paille ; il ne faut pas jouer avec le feu ; prendre feu ; faire feu de tout bois ; jeter de l’huile sur le feu ; il n’y a pas de fumée sans feu ; cuire à feu doux ; tirer les marrons du feu ; un feu de camp ; un feu de joie, le feu de la Saint-Jean ; être sans feu ni lieu ; faire la part du feu ; il n’y a pas le feu ; le couvre-feu ; griller un feu rouge ; donner le feu vert ; n’y voir que du feu ; mettre le feu aux poudres ; avoir le feu sacré ; avoir les joues en feu ; un feu d’artifice ; un feu de Bengale ; un pot-au-feu ; ne pas faire long feu ; être tout feu tout flamme ; le feu du rasoir ; avoir le feu sacré ; tuer à petit feu ; marcher du feu de Dieu ,,,
Le feu est une image chère au cœur des poètes : ainsi Baudelaire écrit dans La vie antérieure :
J’ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux {} (in Spleen et idéal, extrait du recueil Les Fleurs du mal, 1857),
Victor Hugo : il n’avait pas de gîte, pas de pain, pas de feu, mais il était joyeux parce qu’il était libre. (in Les Misérables)
René-Guy Cadou dans Esprit du feu (1944) :
Feu
Devant lequel je suis seul ce soir (...)
Enfin voici le feu où je brûle mes ailes
Ô mains,
Mes pauvres mains effroyables gazelles
Arrêtez ce flot noir
où mon cœur se repent (...)
ou encore Yves Cosson dans La forge du père :
La forge ronfle et crache
A longueur de journées
Le feu d’artifice
Des clés rougies {}
Enfin, Victor Hugo, l’auteur de Notre-Dame de Paris, écrit dans son recueil Les Orientales : (1829) un poème qui a pour titre Le feu du ciel dans lequel il décrit La pluie de soufre et de feu que Dieu fit descendre du ciel sur Sodome et Gomorrhe :
La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir () ?
Morne comme un été stérile ?
On croit voir à la fois, sur le vent de la nuit,
Fuir toute la fumée ardente et tout le bruit de l’embrasement d’une ville.(...)
Sous chaque étincelle, grossit et ruisselle
Le feu souverain.
Vermeil et limpide, il court plus rapide
qu’un cheval sans frein ;
(1) Les dieux lares et les pénates, dieux du foyer, garantissent à la famille sa subsistance et donc sa survie. Le mot pénates vient de penus= garde-manger et le mot lare vient de l’étrusque lars qui signifie maître.
Notons aussi que les Vestales étaient chargées quant à elles d’entretenir le feu sacré de la cité dans le temple de Vesta.
DEVINETTE : Qui a écrit le roman intitulé Le feu (Prix Goncourt 1916) ?
REPONSe à la dernière DEVINETTE :
un magnum contient 1,5 litre, l’équivalent de deux bouteilles de vin.
Elisabeth Catala
Ecrit le 1 mai 2019
Etymologiquement, le mot foyer, comme le mot feu, a pour racine le latin focus : il vient précisément du bas-latin focarius dans lequel le c s’est naturellement « effacé » pour devenir y ; l’évolution de la langue a voulu que le suffixe ariu précédé de y, devienne yer (prononcé et écrit ier).
Le foyer est en premier lieu un endroit où l’on fait du feu, c’est aussi un endroit où un incendie se déclare et d’où il se propage :
« L’horizon était en feu ; par endroits, on distinguait des foyers plus intenses, des gerbes d’un pourpre vif », écrit Zola dans débâcle en 1892.
Au figuré, c’est le lieu où se concentrent les tensions en particulier dans le domaine des relations internationales : foyer de rébellion, d’intrigues, de corruption.
A Rome, le foyer domestique, centre religieux de la demeure, devait toujours être alimenté ; de même, le feu sacré du temple de Vesta, auprès duquel étaient conservés les pénates du peuple romain, était entretenu par les Vestales, des prêtresses vouées à la chasteté, qui étaient mises à mort si elles manquaient à leur devoir sacré.
Par extension, le mot foyer désigne le lieu où habite et vit une famille dont les membres ont « fondé un foyer » : foyer paternel, maternel, foyer conjugal, mère au foyer).
c’est aussi un lieu de réunion, d’asile, pour certaines personnes : foyer rural, foyer de jeunes travailleurs.
Dans le domaine du spectacle, le foyer (des acteurs, des artistes) est la salle où se réunissent les comédiens et le foyer (du public), celle où les spectateurs peuvent circuler et prendre des consommations lors des entractes.
Le foyer désigne aussi une source de rayonnement au propre et au figuré : foyer lumineux d’un hall, par exemple, et centre à partir duquel se répand la civilisation, la culture.
Dans le domaine de la médecine, c’est le lieu où apparaissent des cas de maladies (foyers d’épidémie) ainsi que l’endroit du corps qui est touché par une lésion : foyer tuberculeux, foyer pulmonaire.
En optique, c’est le point où a lieu la concentration des rayons : foyer d’une lunette, d’un objectif, d’un télescope ; certaines lunettes sont « Ã double foyer ».
Dans le domaine de l’économie, le terme de foyer qui désignait un groupement géographique d’industries, un centre de commerces, est aujourd’hui remplacé par pôle.
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Dans la chronique consacrée au mot feu, la place avait manqué pour évoquer l’adjectif feu (e) qui vient du bas-latin fatutus, dérivé du latin fatum (destinée) ; il signifiait malheureux, qui a une mauvaise destinée, jusqu’au début du XIe siècle ; peu à peu il a pris le sens de mort, qui a accompli sa destinée. De nos jours feu(e) signifie décédé(e). Il s’accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte quand il est placé entre l’article et le nom : la feue princesse Diana ; il reste invariable s’il est placé avant le nom : feu Lady Diana.
Malgré les apparences, le terme archi-tectural enfeu appartient non à la famille de feu mais à celle du verbe enfouir : il désigne une niche placée en hauteur dans une église destinée à recevoir le cercueil d’une personnnalité à qui le droit d’enfeu avait été accordé. Il en existe un à la chapelle des Templiers située dans la commune de Saint-Aubin des Châteaux, destiné à un seigneur de Bourbon-Vendôme (dont on ignore tout !)
DEVINETTE : qu’est-ce qu’un foyer dans le langage mathématique ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : c’est Henri Barbusse qui a écrit Le feu, journal d’une escouade (prix Goncourt 1916).
Elisabeth Catala