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Ecrit le 6 octobre 2021
La création du mot nuage remonte à l’an 1564, il désignait alors une multitude de nues (comme un feuillage désigne une multitude de feuilles). Jusque là, pour désigner un nuage, on employait en effet le mot nue qui a ses racines dans le mot latin nubes, vite déformé en nuba en latin populaire. Notons que le mot nue continue à vivre dans des expressions comme porter aux nues, tomber des nues.
Dans la famille du mot nuage se trouvent nubile, noce, nuptial (de la coutume romaine consistant pour la femme à prendre le voile à l’intention d’un mari) ainsi qu’obnubiler (l’esprit étant obscurci par une sorte de brume) et nuance (qui évoque les couleurs changeantes du ciel).
Notre perception des nuages se limite souvent aux prévisions de la météo : on n’apprécie guère ces sombres annonciateurs de pluie ! Pourtant, ils ont longtemps symbolisé dans la peinture et dans la littérature la rêverie et le voyage de l’esprit, inspirant autant la mélancolie qu’un sentiment de joie face à leur beauté et à leurs métamorphoses. Blancs, ils manifestent les vérités de l’ me, l’imagination, le rêve ; gris, les humeurs sombres, les frustrations ; noirs, les sombres pensées, le désespoir.
Dans la peinture religieuse des XVe et XVIe siècles, le nuage symbolise la frontière située entre les mondes supérieur et inférieur, qui voile la présence immuable de Dieu. A son ascension, Jésus s’éleva dans les nuages ; à la fin des temps, il est dit dans la Bible que le Christ apparaîtra sur des nuages.
Au XVIIe siècle, Philippe de Champaigne dans son tableau La crucifixion (1655) a traduit l’horreur de la mort en peignant à l’arrière-plan du calvaire un ciel d’un gris presque noir.
Dans la Hollande calviniste, qui avait interdit la présence de peintures religieuses dans les temples, est apparue une peinture descriptive de paysages qui influencera ultérieurement bon nombre d’artistes anglais et français.
Dans la célèbre Vue de Delft de Vermeer (1660), la présence des nuages n’empêche pas la ville de se mirer dans le canal mais les nuages ne s’y reflètent pas.
Au XIXe siècle, les peintres s’aventurent hors de leurs ateliers pour aller peindre dans la nature, « sur le motif ». Les théoriciens de la peinture parlent alors de « Pleinairisme », de « Nuagisme ». Ainsi Monet, Manet, Courbet, Millet, Boudin, Pissaro, Van Gogh, Constable, Turner, pour ne citer qu’eux, ont peint des paysages sereins ou tourmentés ooù¹ les nuages occupent la première place.
Dans le tableau de Caspar David Friedrich Le voyageur au-dessus d’une mer de nuages (1818), la contemplation de la mer de nuages par le personnage romantique peint de dos, debout en haut d’un rocher, s’apparente à une réflexion sur soi-même.
Au XXe siècle, les artistes explorant l’abstraction se sont détournés de la représentation de paysages nuageux. Quelques exceptions cependant : Nicolas De Staël (Ciel à Honfleur, 1952), Emil Nolde (Mer nuageuse,1930), Mark Rothko (Nuage blanc sur pourpre, 1957) et Magritte (La reconnaissance infinie,1963), que le peintre aurait pu intituler : Ceci n’est pas un nuage, à l’image de son célèbre Ceci n’est pas une pipe.
DEVINETTE : Qu’est-ce que l’informatique en nuage ?
REPONSE à la DEVINETTE du dernier numéro : le buddleia est le nom scientifique de l’arbre à papillons.
Elisabeth Catala