Ecrit le 14 juillet 2021
Pourquoi dans l’Iliade et l’Odyss ?e d’Hom ?re la mer arbore-t-elle de multiples couleurs, telles le noir, le blanc, le gris, le violet et le pourpre sans jamais ?tre bleue ? La r ?ponse est ? chercher dans la nature du regard que les Grecs de l’ ?poque archa ?que portaient sur l’ ?tendue marine.
L’image du flot noir est tr ?s pr ?sente dans la po ?sie archa ?que : l’adjectif m ?las d ?note une couleur sombre et opaque. c’est la coloration que prennent les ?paisses nu ?es avant une temp ?te ainsi que l’eau profonde, propice au mouillage des bateaux.
Par opposition ? la mer noire, la mer blanche (leukos) est une mer qui se caract ?rise par sa transparence et sa limpidit ?. Le blanchiment de la mer peut aussi ?tre associ ? ? l’agitation des flots, ? la pr ?sence de vagues h ?riss ?es d’ ?cume Dans ce cas, la violence de la mer doit ?tre apais ?e par l’invocation aux Dioscures (2) ? qui on sacrifie des agneaux... blancs.
La mer peut enfin ?tre blanchie sous l’action des rames, allusion ? l’ ?cume qui se forme alors ? la surface.
L’ ?pith ?te polios (chenu, gris) dont le sens se rapproche de celui de leukos, en moins lumineux, est fr ?quemment utilis ?e par Hom ?re pour qualifier la mer quand elle est ?cumante ou que ses vagues, perdant de leur vigueur, s’ ?crasent contre les brisants.
l’adjectif glaukos (pers, vert bleu ?tre) n’est utilis ? qu’une seule fois par Hom ?re dans l’Iliade. A cette ?poque, le mot glauque n’a pas le sens de sordide qu’on lui a donn ? chez nous dans les ann ?es 80, mais celui de lumineux, brillant qui est le sens premier du terme.
Curieusement, chez Hom ?re, ce terme ne s’applique pas ? la couleur de la mer mais au caract ?re sauvage et intransigeant d’Achille.
c’est dans l’Odyss ?e qu’Ath ?na, la d ?esse de la justice et de la guerre, est appel ?e la d ?esse aux yeux pers.
Enfin, plus de dix fois dans son œuvre, Hom ?re qualifie la vague de vineuse pour d ?crire une mer violette ou de la couleur du sang, en grec porphureon, adjectif qui renvoie ? une large gamme de nuances allant du rouge au bleu fonc ? (1). Pour les biologistes, le mot fait r ?f ?rence ? un ph ?nom ?ne bien connu, d ?sign ? sous le nom d’eaux rouges, c’est l’eau « chang ?e en sang », une des sept plaies d’Egypte d ?crites dans la Bible : en r ?alit ?, la couleur rouge de la mer est due au d ?veloppement d’algues microscopiques, qui ont donn ? son nom ? la Mer Rouge ; ce ph ?nom ?ne se rencontre aussi dans le golfe de Californie que les premiers explorateurs avaient nomm ? la mer Vermillon.
Le po ?te Philippe Jaccottet propose de traduire l’ ?pith ?te hom ?rique la mer vineuse par la mer aux couleurs de vin. Un autre traducteur propose la mer aux teintes lie-de-vin.
Mais l’adjectif vineuse est employ ? par Hom ?re non pas pour d ?signer une couleur mais pour qualifier une mer agit ?e et dangereuse, comme « enivr ?e ».
Notons que le verbe s’empourprer convient ? la fois pour d ?signer le changement de couleur du visage d’une personne qui a abus ? de la boisson et qualifier celui d’une personne qui se laisse envahir par la honte ou emporter par la col ?re.
(1) l’adjectif porphureon a donn ? purpura en latin et pourpre en fran ?ais. A Rome les consuls ?taient v ?tus d’une toge pourpre.
(2) Les Dioscures (?tymologiquement : les jeunes gar ?ons de Zeus) sont les jumeaux Castor et Pollux, fr ?res d’H ?l ?ne, la femme du roi de Sparte m ?n ?las, qui a ?t ? enlev ?e par P ?ris, un prince troyen ? qui Aphrodite avait promis l’amour de la plus belle femme du monde, ce qui d ?clencha la guerre de Troie.
DEVINETTE : o ? se situe le Pot-au-noir ?
REPONSe ? la DEVINETTE du dernier num ?ro : une jalousie en architecture est un volet mobile compos ? de lattes orientables.
Elisabeth Catala

