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Ecrit le 15 septembre 2021
Vouvoiement et Tutoiement
Le vouvoiement de politesse remonterait à
l’antiquité. Jusqu’au XVIIIe siècle, il va de pair avec l’idée de hiérarchie : il n’était alors pas correct de tutoyer un aristocrate si on était un bourgeois ; ce dernier était tutoyé par les nobles et vouvoyé par son personnel.
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En 1793, parut un décret interdisant le vouvoiement dans l’espace public pour marquer l’avènement d’une « fraternité universelle ». On rapporte qu’un serveur du célèbre café Procope à Paris faillit être lynché en public pour avoir vouvoyé un client. Ce décret fut aboli l’année suivante, après la chute de Robespierre.
La hiérarchisation des relations humaines, organisée autour du statut social des individus, ne permettait autrefois aucune ambiguïté. Aujourd’hui, les choses ne sont pas aussi limpides car l’utilisation du vouvoiement et du tutoiement est moins réglementée qu’auparavant : s’il est toujours d’usage d’employer le vouvoiement face à un inconnu, à une personne âgée ou à un supérieur hiérarchique, la frontière établie entre le tu et le vous tend à s’estomper.
Le tutoiement renvoie à une volonté de marquer qu’on partage avec son inter-locuteur la même profession ou qu’on est de la même corporation ou encore qu’on entretient avec lui des liens amicaux ou familiaux, par exemple. Toutefois, il n’est pas rare qu’un gendre ou une belle-fille vouvoie ses beaux-parents et que, dans certains milieux, les enfants vouvoient leurs parents et grands-parents.
Le tutoiement est maintenant en usage dans bien des lieux, en particulier sur les plateaux télévisés et semble se généraliser dans l’entreprise depuis quelques années ; cependant, moins de la moitié des femmes tutoient leur supérieur, alors que plus de 70 % des hommes le font. Notons que certains considèrent cet usage comme un moyen de mettre en confiance le personnel alors que d’autres le considèrent comme une forme de manipulation.
Il arrive souvent qu’on tutoie un conducteur qui n’avance pas assez vite devant soi en le tutoyant : « Alors, t’avances ? T’as pas vu que le feu est passé au vert ou quoi ? », ou qu’on fasse des remarques à un présentateur de télé qui ne peut pourtant pas nous entendre : qu’est-ce que tu racontes, j’y crois pas ! .
Le tutoiement peut aussi revêtir une forme de mépris, c’est pourquoi, en 2011, un décret a interdit aux policiers et aux gendarmes de tutoyer les prévenus adultes, sous peine d’être sanctionnés.
« Un fils vousoie son père, qui tutoie son fils et dit vous à sa femme devant des tiers et tu dans l’intimité » (selon Charles Bally, dans son livre Le Langage et la vie, 1952, p. 48).
L’usage du tutoiement et du vouvoiement diffère d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre : ainsi la langue anglaise ne comporte actuellement plus aucune forme de vouvoiement et en Suède, on ne le pratique plus depuis les années 60.
En Afrique, le tutoiement est de rigueur en toute circonstance.
Et les chrétiens catholiques tutoient Dieu, comme le font les protestants, mais vouvoient la Vierge Marie.
Enfin, dans le registre littéraire, Montaigne tutoie son lecteur dans la préface des Essais (1580) : « c’est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t’avertit dès l’entrée que je ne me suis proposé aucune fin autre que domestique et privée ». De même, c’est à son lecteur qu’ André Gide s’adresse dans l’envoi des Nourritures terrestres : « jette mon livre ! » (1897).
DEVINETTE : comment l’agneau s’adresse-t-il au loup dans la fable de La Fontaine Le loup et l’agneau ?
REPONSe à la dernière DEVINETTE : un ex voto, du latin ex (Ã la suite de) et votum (voeu) est un objet, souvent une plaque en marbre gravée, qui est placé dans une église en remerciement de l’accomplissement d’un voeu.
Elisabeth Catala