Ecrit le 8 mai 2019
l’année dernière, nous avions attiré l’attention des lecteurs sur des parony-mes tels emmener/amener, notoire/ notable, conjoncture/conjecture prodige/ prodigue, pédologue/podologue, compréhensif/compréhensible, décrépit/ décrépi, en particulier, ainsi que sur ceux qui changent de sens si on remplace une de leurs lettres par une autre (inepte/inapte, âcre/âpre etc.). Intéressons-nous aujourd’hui à des mots qui sonnent de façon étrange.
Nyctalope et noctiluque : le premier est un substantif qui désigne une personne qui a la faculté de voir dans la pénombre voire pendant la nuit. « Quant à ses yeux, ils se dissimulaient derrière d’énormes lunettes rondes et son regard semblait avoir cette indécision particulière aux nyctalopes », écrit Jules Verne dans L’enfance du Capitaine Grant.
Le substantif nyctalope vient du grec nuctalops (qui voit la nuit). Il est employé aussi comme adjectif. La chouette, le hibou et le chat sont nyctalopes.
Quant au mot noctiluque, c’est un substantif, employé lui aussi comme adjectif, qui est issu du latin noctilucus (qui luit pendant la nuit) : le nom scientifique du ver luisant est lampyre noctiluque.
Ces deux mots ont en commun la racine indo-européenne nek ( = nuit), qui a donné nocturne, noctambule, équinoxe, nycthémère (espace de temps compre-nant un jour et une nuit) et nychthéméral, nycturie (émission d’urine la nuit) et le charmant médianoche (repas fin pris en galante compagnie après minuit sonné) cher aux poètes du XIXe siècle tels Musset et Gautier et que Michel Tournier a repris au XXe dans son recueil de nouvelles intitulé Le médianoche amoureux.
Bien qu’ils aient 7 lettres en commun et une consonance voisine, les adjectifs erratique et hiératique ont un sens très différent. Le premier a pour racine le mot errer : au sens propre il qualifie ce qui n’a pas de localisation fixe tels les oiseaux, ou qui se trouve hors de son foyer habituel, tels certains parasites ou certaines maladies. En géographie, un bloc erratique est un bloc rocheux transporté par d’anciens glaciers loin de son point d’origine.
Erratique qualifie également par exemple des fièvres intermittentes. Au figuré enfin, l’adjectif signifie instable :
« Causez de Poë avec un Américain, écrit Baudelaire, il vous dira que c’était un être erratique et hétéroclite ».
La racine du mot hiératique est le mot grec hiéros qui signifie sacré qu’on retrouve dans hiéroglyphe (=graveur sacré, puis gravure et écriture sacrées). Un hiératique désignait dans l’antiquité une sorte de papier utilisé pour réaliser les livres sacrés. l’adjectif a pris le sens de solennel, raide au XIXe siècle.
Les adjectifs ésotérique et érotique, de consonance voisine eux aussi, ont chacun une racine grecque différente :
érotique est formé à partir d’Erôs, nom du dieu grec de l’amour et du désir amoureux, dans la famille duquel on trouve le verbe erân (aimer) et l’adjectif erasmios (aimable) qui a donné le nom propre Erasme, porté par un illustre philosophe, humaniste et théologien des Pays-Bas bourguignons considéré comme l’une des figures majeures de la culture européenne. (1467-1536).
Esotérique a pour synonyme initiatique, occulte, obscur et donc incompréhensible pour qui n’appartient pas au petit groupe des initiés. Il qualifie une doctrine ou une connaissance qui se transmet seulement à des adeptes qualifiés. Il est formé à partir de l’adverbe esô (=Ã l’intérieur).
DEVINETTE : ERASMUS est un programme européen d’études supérieures à l’étranger : quels mots se cachent précisément derrière cet acronyme ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : en géométrie, un foyer est « le point remarquable des coniques où se réunissent les rayons vecteurs ».
Elisabeth Catala