Ecrit le 3 avril 2019
Un fauteuil roulant, cela se remarque. Des lunettes noires, cela se repère. Un bras dans le plâtre, cela se constate. Mais une personne qui vous regarde et qui ne vous voit pas, cela ne se voit pas. La déficience visuelle est une problématique peu abordée en France et pourtant elle est deux fois plus présente que la maladie d’Alzheimer . Il y a 1 700 000 déficients visuels en France dont 207 000 aveugles, et 82 % ont plus de 60 ans. Selon l’OMS, un doublement du nombre de déficients visuels serait à prévoir d’ici 2050.
Pays de Loire, en 2018 : 2 115 000 personnes concernées. Près de 14 800 personnes malvoyantes, 1 700 aveugles.
A l’horizon 2040 : 2,5 millions personnes concernées, 17 300 malvoyants, 2 000 aveugles.
La cécité et la malvoyance vont devenir, avec la maladie d’Alzheimer , les fléaux du grand âge.
La déficience visuelle a de multiples conséquences sur les conditions de vie : interdiction de conduire une voiture, difficultés de déplacement, impossibilité de lire un menu au restaurant ou un horaire de bus, complications pour les achats (Peu de repères non visuels dans les magasins, changements réguliers de rayonnage des produits, aggravant encore la possibilité d’identification des produits, éclairage inadapté (parfois insuffisant mais aussi bien souvent très fortement éblouissant), et ne parlons pas des codes bancaires à taper voire des « captchas » sur les sites internet
Le 21 mars dernier, lors de la journée de la déficience visuelle, Martine Routon présidente nantaise de l’association Valentin Haüy, a fait à ce sujet une très intéressante conférence, accompagnée par le vice-président Michel Ferrant. Elle a bien voulu nous communiquer ses notes.
Les atteintes visuelles sont de deux sortes. Il y a d’abord celles qu’on peut corriger avec des lunettes : myopie, astigmatisme, hypermétropie, presbytie. Et puis il y a les autres. Les personnes qui n’ont pas de potentiel visuel sont aveugles. Celles qui ont un potentiel visuel en partie exploitable sont mal-voyantes.
Un aveugle ne voit rien, il est confronté à la cécité, il doit se débrouiller sans la vue.
Une personne mal-voyante possède des capacités visuelles résiduelles selon le degré du déficit, mais jamais elle ne peut bien voir, même avec des lunettes. Ce handicap n’est pas repérable, il ne se voit pas. De ce fait la personne est souvent incomprise, il arrive qu’elle soit traitée de simulatrice.
– perte de la vision centrale : une tache noire au centre des yeux. La personne ne voit pas ou voit mal ce qu’elle fixe, Mauvaise perception des détails, perte des contrastes et des couleurs ; elle voit autour, en périphérie.
– perte de la vision périphérique : la personne ne voit plus ce qui l’entoure, elle voit comme dans un trou de serrure. Elle n’a plus de vision de l’ensemble, elle est très gênée pour se déplacer mais peut lire l’heure sur une montre.
– ou bien il peut y avoir des zones de vision manquantes ça et là . Par exemple pas de vision sur un côté.
– ou bien la personne peut avoir une vision globalement floue, perception toujours perturbée : détails, distances, relief et profondeurs.
La DMLA est une affection bien connue puisqu’elle touche 25 % des plus de 75 ans. Il s’agit de la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age. La macula est une très petite partie de l’Å“il, elle occupe la partie centrale de la rétine sur une petite surface (diamètre de 2 mm environ), directement dans l’axe optique. Elle transmet 90% de l’information visuelle traitée par le cerveau. Les symptômes : diminution de la sensibilité aux contrastes, diminution de l’acuité visuelle, déformation des lignes droites, apparition d’une tache sombre centrale.
Une même déficience visuelle peut avoir des retentissements différents selon qu’elle est congénitale ou acquise, précoce ou plus tardive, isolée ou associée à d’autres pathologies.
La déficience visuelle peut-être congénitale, de naissance : la personne se construit avec sa déficience sans acquis visuels.
ou bien la déficience visuelle peut être acquise : les expériences visuelles sont des appuis, mais la personne est confrontée au traumatisme de la perte de la vue. c’est le cas de 80% des plus de 60 ans.
La déficience visuelle peut avoir des conséquences dans de nombreux domaines :
– la vie quotidienne : soins personnels, entretien du logement et des vêtements, préparation des repas, courses, lecture courriers, gestion administrative, déplacements extérieurs.
– la vie sociale et familiale : Incompréhensions, difficultés relationnelles et de communication, isolement, réduction des activités sociales.
– la vie professionnelle : formations limitées, remise en question de la profession, maintien dans l’emploi, reconversion
Chez la personne déficiente visuelle, les risques sont aggravés : les chutes, les collisions avec d’autres personnes ou des objets, dépressions, fragilité majorée surtout s’ils s’accompagnent d’une perte d’emploi et/ou d’un isolement social.
Il faut donc tout faire pour préserver l’autonomie de la personne. Ce besoin d’autonomie est constamment mis en avant par les personnes déficientes visuelles. Cela peut se faire de multiples façons mais cela demande toujours un effort considérable aux personnes. s’appuyer sur la vision résiduelle, compenser la perte de la vue par le développement de l’odorat, du toucher, du goût, de l’ouïe. Aménager les éclairages, les contrastes. Mettre en place ses propres repères. Et même porter des lunettes pour ne pas ajouter du flou au flou !
Il existe des possibilités de rééducation : apprendre à voir avec la vision résiduelle, apprendre à se déplacer, apprendre à utiliser une canne blanche.
Il existe des matériels adaptés : téléphones à grosses touches, vidéo-agrandisseurs, loupes, lampe basse vision, verres filtrants pour rehausser les contrastes, etc.
Il faut faire confiance aux opticiens basse vision (il y en a deux à Châteaubriant) et surtout essayer les matériels car le même matériel ne convient pas à tous les défauts de vision.
Un scandale : tous ces matériels sont hors de prix car les personnes déficientes visuelles constituent une clientèle « captive ». Il arrive que les fabricants vendent le même appareil plus cher en France qu’ailleurs, sous prétexte que la MDPH attribue des subventions ! Mais la MDPH (Maison départementale des Personnes Handicapées) n’attribue pratiquement plus rien après 60 ans. Tant pis pour les vieux !
Lunettes Jordy : 4500 €
Vidéo-agrandisseurs : au moins 2000 €
Loupes électroniques : au moins 700 €
Lecteur d’écran Jaws : 1450 €
Les professionnels de la basse vision sont là pour aider à trouver les bonnes stratégies :
Les ophtalmologistes
Les orthoptistes « basse vision »
Les opticiens spécialisés.
Les ergothérapeutes
Les instructeurs en locomotion
Les formateurs en informatique adaptée
Les psychologues
Les assistants sociaux
Les essais et le prêt sont incontournables, l’apprentissage est nécessaire, le recours à un professionnel de la Basse Vision permet de bien choisir et de se former :
– Opticien spécialisé en Basse Vision
– Orthoptiste : préparation à une bonne utilisation.
Les aides techniques
Et puis il y a les aides techniques Pour vivre au quotidien, pour continuer à accéder à la culture et à la communication, pour se déplacer. Mais encore une fois, ces aides doivent être personnalisées, en fonction des capacités visuelles, des attentes et des besoins, en tenant compte du service qu’elles peuvent rendre :
– un four, une plaque de cuisson, une balance qui parlent.
– des montres ou des horloges en gros caractères ou en braille,
– des jeux de dame, des jeux de dés, des jeux de carte, adaptés.
– du matériel paramédical adapté.
– la téléphonie portable a fait de gros progrès et est souvent bien adaptée aux personnes mal-voyantes. Avec touches ? Ou tactile ? LÃ encore ce doit être adapté à la personne et un apprentissage est nécessaire : l’autonomie est à ce prix !
l’accès à la lecture est difficile pour une personne déficiente visuelle mais là aussi il existe des aides.
– Une personne qui a une perte de vision totale peut utiliser le Braille si elle l’a appris et si elle a encore une bonne sensibilité au bout des doigts.Autrement il y a les aides audio.
– Une personne qui a un déficit de vision centrale peut jouer sur l’éclairage, le grossissement, l’audio.
– Une personne qui a un déficit de vision périphérique privilégiera l’éclairage, le grossissement a minima, l’organisation.
De multiples autres facteurs sont à prendre en compte : la nécessité d’avoir accepté de faire autrement, les besoins et les attentes, le grossissement « fonctionnel » , la capacité à déchiffrer ou à lire, les contraintes « posturale et manuelle » et la fatigabilité.
Il existe des livres et revues en caractères « agrandis », des livres audio (notamment à la Bibliothèque sonore), des liseuses et tablettes électroniques, une taille de texte adaptable, un éclairage intégré ajustable, un vaste catalogue.
Une précision sur les loupes : Le grossissement utile dépend de l’acuité nécessaire à une tâche déterminée. Plus la loupe est près de l’Å“il, plus le champ est grand, Les loupes asphériques limitent les aberrations, Le champ de vision est d’autant moins large que le grossissement est grand. Encore une fois : il faut essayer une loupe, l’achat sur internet serait une mauvaise idée, tout comme l’achat par la famille ou les voisins.
Il existe des lunettes à reconnaissance visuelle : avec une mini-caméra fixée à la branche, le dispositif MyEye de la société OrCam permet non seulement la lecture de texte « ” tant que celui-ci n’est pas manuscrit »” mais aussi la reconnaissance des visages. Une fois enclenchée, la lecture est très fluide et agréable.Tout n’est pas parfait : l’hétérogénéité graphique du texte, texte gras, souligné, changement de police ou de taille d’écriture, caractères spéciaux (pourcentage, exposants...) autant d’obstacles qui peuvent rendre l’expérience plus compliquée.. Mais cela vaut le coup d’essayer si on en a les moyens : 3500 à 4000 € !
Les machines à lire traduisent en quelques secondes, dans une voix claire, les textes imprimés. l’avantage est l’accès au même journal sur papier que celui de la personne voyante, les inconvénients étant la présentation complexe de certains magazines qui ralentissent la reconnaissance des caractères, et le temps passé pour chaque page à la numérisation.
En outre, le format de nombreux quotidiens, ainsi que le découpage fréquent des articles sur plusieurs pages réduisent l’intérêt de ces appareils pour l’accès à ce type de document. Et puis là encore il y a des obstacles : le poids, la dimension de l’objet, et le prix : entre 2500 et 5000 €.
Les livres audio, « livres lus », se trouvent dans le commerce et sont disponibles dans les associations : bibliothèques sonores, médiathèque de l’association Valentin Haüy et bibliothèques publiques partenaires et sur le service en ligne Eole : eole.avh.asso.fr
VOXITV, se branche sur la télé, permet d’accéder à INTERNET (mail, presse, médiathèque Valentin HAÃœY, banque), manipulation simple : télécommande mais WIFI indispensable.
Il existe aussi des aides au déplacement : la canne blanche, les GPS vocalisés, les chiens-guides et bien sûrl’aide humaine.
Un outil moderne : l’informatique adaptée qui propose des logiciels de grossissement, des logiciels « audio », un accès simplifié à Internet. Cela peut être cher ou gratuit (AccessDV Linux ou Hypra) mais cela demande toujours un apprentissage.
l’association ACIAH propose des cours d’informatique adaptée à tous, y compris aux personnes déficientes visuelles ou atteintes de handicaps associés (usage d’une seule main par exemple).
où trouver de l’aide ?
Dans la région de Châteaubriant, il y a de nombreux professionnels médicaux ou paramédicaux de la Basse Vision.
Et deux opticiens basse Vision : Optique Poussier (02 40 81 03 91) et Optique 2000 (02 40 28 70 25 ).
La Bibliothèque sonore peut fournir des livres audio. 02 40 81 10 86, elle est ouverte tous les jeudis après-midi à la médiathèque de Châteaubriant.
l’association ACIAH est spécialiste en informatique adaptée à partir d’un système gratuit intégrant de nombreux outils (loupe, contraste, machine à lire) et organisant des formations à Châteaubriant et dans les communes environnantes -
Contact : 09 77 81 55 98
Le CLIC est habilité pour le conseil aux personnes handicapées (02 28 04 05 86) de même que le CCAS (02 40 81 52 40).
A Nantes l’association Valentin Haüy peut guider les personnes dans le choix des techniques de compensation.
Contact : 02 40 47 99 49
Il y aussi de nombreuses associations, l’aPF (02-51-80-68-00), la Clissaa (02 51 86 23 67), Voir ensemble (02 40 48 00 64) et Avançons Ensemble (09 72 38 98 15).
A Vertou l’institut des Hauts Thébaudières assure la formation d’aide à la vie quotidienne, aide au déplacement, objets connectés : Contact : 02 51 79 50 00
A Angers se trouve le Centre Régional Basse Vision : 02 41 36 80 10. Et l’association des chiens-guides d’aveugles 02 41 68 59 23
La canne blanche
La canne est un objet que les personnes apprennent longuement. c’est une pratique d’initiés. Lorsque survient la déficience, l’acceptation de cet objet est difficile pour les personnes, parce que qui dit canne dit acceptation de son handicap. c’est même pas acceptation, parce qu’on n’accepte jamais au fond. Disons que c’est accepter de le montrer.
La canne est un objet particulier, entre symbole et outil. Elle a été pensée initialement en tant que signe, indicateur de la cécité. Elle est devenue outil de locomotion. La canne représente un des moyens de l’autonomie, mais elle est aussi le plus sûrmoyen de ne pas perdre la face lors de ses déplacements. La canne, objet symbole, produit une communication circonstanciée à des lieux et des personnes. Elle est utilisée par la personne déficiente visuelle pour deux objectifs particuliers : informer et se faire aider. La canne n’en reste pas moins perfectible. Sa forme classique n’évite pas tous les obstacles. La chute ou le choc sont toujours redoutés. La canne donne à voir la déficience visuelle, elle est un facteur de socialisation. L’expérience corporelle qui consiste à compenser sa déficience tout en la montrant est parfois douloureuse psychologiquement journals.openedition.org/jda/803
déficience visuelle
Cinq bénévoles de l’association ACIAH ont participé à une formation-sensibilisation à la déficience visuelle, avec l’Institut des Hauts Thébaudières à Vertou.
Approche théorique des problèmes de vision, expérimentations de la vision tubulaire, de la vision floue (et même très floue !), apprentissage d’une technique de guidage d’une personne aveugle, repas dans le noir avec analyse de la situation.
Ecrit le 09 octobre 2019
Mieux voir
Pour les personnes intéressées signalons
– Vis ma vue : un jeu pour sensibiliser les enfants et les adultes aux problèmes de la vision ; il permet d’aborder la question du handicap visuel avec les élèves en leur faisant prendre conscience des difficultés rencontrées par les élèves déficients visuels.
voir le site vis-ma-vue
– un article très bien fait sur la basse-vision, avec des vidéos permettant de comprendre les effets des diverses pathologies de l’Å“il :
voir le site aveugles-malvoyants-que-voient-ils-123735
Ecrit le 12 août 2020
Alerte
Quand on pense handicap, on pense souvent fauteuil roulant. l’association ACIAH se fait le porte-parole des personnes déficientes visuelles parce que, quand on voit mal ou qu’on ne voit pas, ça ne se voit pas . l’association a ainsi sensibilisé le Conseil des Sages, la Com’Com’ de Nozay qui a rectifié en partie son site internet, les animatrices du Centre Socio-Culturel et même la CAF ! Elle a pu alerter les « Bibliothèques sonores » du Lions’Club sur des difficultés d’accessibilité et a noté avec satisfaction que ses observations ont été prises en compte.
ACIAH a pu aussi attirer l’attention des responsables départementaux sur les difficultés liées au numérique et sur la gravité des problèmes d’illettrisme. Ce qui l’a conduite à faire des propositions d’actions qui ont officiellement reçu le soutien de l’État dans le cadre de « la politique de la ville ». Les ateliers d’informatique, gratuits, se poursuivent en août et les mois suivants et de nouvelles inscriptions sont notées. Contact : 06 50 04 98 95